La traduction et l’interprétation au Burkina Faso : pratiques et enjeux

Féridjou Emilie Georgette SANON-OUATTARA

 

Introduction

La communication a toujours été un besoin vital de l’humain pour assurer sa vie en communauté (Tomasello, 2008). En Afrique, elle prend plusieurs formes et, selon le découpage de Jackobson (1959), elle est assimilée à la traduction (intralinguale, interlinguale et intersémiotique) et à l’interprétation des instruments de musique et à la communication mystique. Entendue au sens large comme tout transfert, d’une langue à une autre, quelle que soit sa forme (Newmark, 1983), la pratique de la traduction est antérieure à la colonisation en Afrique subsaharienne en général et au Burkina Faso en particulier. Le nombre élevé de communautés linguistiques, une soixantaine au Burkina Faso, et la bonne entente qui existe entre elles montrent à suffisance que les communautés se sont servies de la traduction pour leurs échanges. Sans communication, cela n’aurait pas été possible. En outre, l’Afrique est connue pour ses formes variées de communication qui permettaient à des villages voisins de communiquer pour diffuser des messages sans difficulté (Bandia, 1998). Ces différents types de communication se pratiquaient alors dans un contexte culturel bien structuré et des conditions bien définies.

L’avènement de la colonisation a touché à tous les aspects de la vie, défini de nouveaux codes, de nouvelles terminologies et apporté un nouveau paradigme. Ainsi, tout ce qui n’entre pas dans un cadre administratif du nouveau pouvoir est considéré comme informel. Les terminologies formel et informel ont eu une nouvelle connotation et de nouvelles définitions. La traduction qui se pratiquait jadis et qui se pratique toujours entre les communautés s’est développée avec l’introduction des langues européennes, principalement. Elle a été organisée comme une profession à part entière dans certains services, ce qui peut être considéré comme sa formalisation dans lesdits services. Elle est restée informelle ou absente dans d’autres, malgré un contexte linguistique similaire et la sensibilité de ces services. D’ailleurs, dans le cadre de la sensibilisation contre la pratique de l’excision, Bougaire (2004, p. 44) affirmait que « Certains facteurs situationnels d’ordre humain, organisationnel, matériel et linguistique (différentes langues parlées) génèrent également des difficultés diverses ». Ces difficultés seraient aplanies par la traduction.

Ce contexte complexe nous amène à explorer les questions de recherche suivantes : quel est l’état des lieux de la traduction formelle et informelle au Burkina Faso? Quels sont les enjeux de la traduction et les conséquences de l’absence de traduction formelle dans les administrations au Burkina Faso? Quelles sont les perspectives pour une meilleure communication entre l’État et les administré·e·s? Cette réflexion sera menée sur la base de la littérature existante dans le domaine de la traduction institutionnelle au Burkina Faso, notamment des données collectées sur la traduction dans les tribunaux (Sanon-Ouattara, 2017) et dans les hôpitaux (Sanon-Ouattara, 2016a). En outre, les conclusions d’un atelier organisé à Ouagadougou en octobre 2018 et ayant regroupé des médecins, des journalistes, des responsables du ministère de la Santé du Burkina Faso, des promoteurs et promotrices d’ONG et d’associations travaillant dans le domaine de la sensibilisation sur les questions de santé, des chercheurs et chercheuses, seront exploitées ici. Par ailleurs, en tant que cheffe de département de Traduction-interprétation de l’Université Joseph KI-ZERBO de Ouagadougou de 2011 à 2018, nous avons été associée à une réflexion sur l’organisation des emplois des traducteurs, traductrices et des interprètes au niveau étatique. Dès lors, nos acquis dans le cadre de ces travaux seront d’un grand apport pour cette étude qui se veut descriptive et analytique.

Quelques précisions terminologiques

Newmark (2003, p. 5) conçoit la traduction comme le fait de rendre le sens d’un texte dans une autre langue en respectant l’intention de l’auteur ou de l’autrice. Il s’agit, en fait, de tout transfert d’une langue à une autre, que ce soit à l’oral ou à l’écrit. Par contre, pour Delisle et al. (1999), la traduction diffère de l’interprétation qui, comme profession, se réduit à l’aspect oral. Ce qui nous amène à considérer, dans le cadre de cet article, la « traduction » dans son acception générale et « l’interprétation » comme une pratique orale.

Nous suivrons la définition du terme formel du dictionnaire français en ligne pour qui il s’agit d’un anglicisme qui est synonyme d’officiel qui, à son tour, est défini comme ce qui vient d’une autorité compétente. Le terme informel est alors entendu comme l’opposé de formel. Nous emploierons alors l’expression contexte formel comme tout contexte organisé ou reconnu par une autorité compétente et contexte informel comme le contraire. Il n’est pas inutile de préciser ici qu’en plus de ces catégories formel et informel, on pourrait penser au statut de traducteurs et traductrices formel·le·s (professionnel·le·s diplômé·e·s) dans le secteur formel et à celui des traducteurs et traductrices non diplômé·e·s dans le secteur informel. Cette distinction permettra de rendre compte, dans l’étude, de la complexité de la profession de traducteur/traductrice et de la nécessité de la régir et de l’encadrer et, dans une certaine mesure, de tracer des sillons pour d’autres pays.

La politique linguistique désigne « l’ensemble des choix conscients effectués dans le domaine des rapports entre langue et vie sociale, et plus particulièrement entre langue et vie nationale » (Calvet 1999, p. 154). La politique traductologique est entendue ici comme un ensemble de décisions ou d’activités conscientes entreprises par des acteurs publics ou privés dans le but de résoudre un problème collectif de traduction : « a series of intentionally coherent decisions on translation or translation activities taken by public and sometimes private actors, in order to resolve a collective linguistic and translation problem » (Knoepf’s, cité par Meylaerts, 2018, p. 222).

Nous prenons cette définition dans le contexte plus large défini par Delisle et Woodsworth pour qui la traduction est un ensemble plus vaste.

La traduction n’apparaît jamais comme un phénomène isolé. Elle s’intègre dans un projet nationaliste, idéologique ou religieux d’envergure, bénéficiant généralement de l’appui des souverains, de la classe aristocratique ou des institutions en place. Lorsque les traducteurs peuvent compter sur des commanditaires influents et un contexte historique favorable, ils disposent alors de « munitions » pour faire reconnaître la légitimité de leur travail et laisser leur empreinte sur la langue et la culture de leur pays (Delisle et Woodsworth, 1995, p. 39).

Dans le présent travail, les expressions langue nationale et langue locale sont synonymes.

Rappel historique sur la traduction en Afrique et au Burkina Faso

Cette section propose un historique succinct de l’activité de traduction en Afrique en général et au Burkina Faso en particulier. Trois périodes seront indexées dans cette présentation : la précoloniale, la coloniale et la postcoloniale.

Les périodes précoloniale et coloniale

Avant la colonisation, vu le caractère multilingue de l’Afrique, la communication entre les peuples se faisait par la traduction. L’histoire de l’Afrique a été en grande partie transmise par la tradition orale et les premiers détenteurs et premières détentrices de ce savoir ancestral ont joué un rôle de traducteur/traductrice/interprète avant, pendant et après la période coloniale. Les interprètes étaient reconnu·e·s et désigné·e·s sous différentes appellations comme jeli ou griots chez les Malinké (Camara, 1976), King’s linguist (Bandia, 1998 et Kouraogo, 2001), serviteur du roi chez les Mossis (Izard, 1985). L’une de leurs principales attributions était de servir de relais entre les chefs d’alors et leurs administré·e·s. Bandia résumait leur rôle en ces termes :

Le langage hautement ésotérique qu’employaient les chefs traditionnels ou les sages dans l’Afrique traditionnelle rendait souvent nécessaire la médiation d’un interprète pour faciliter la communication entre le pouvoir et le peuple. Les interprètes étaient parfois requis pour simplifier le langage qu’utilisaient les membres de sociétés secrètes ou pour embellir les discours prononcés lors d’événements publics tels que les sermons, les incantations religieuses ou les mariages. Le langage utilisé lors de ces cérémonies suivait des conventions de style rigides, et une phraséologie préétablie, incorporant proverbes et mots de sagesse inconnus des non-initiés. Le rôle de médiateur entre les classes dirigeantes et le peuple que jouaient les interprètes leur procurait beaucoup de respect dans ces sociétés hautement organisées et hiérarchisées (Bandia, 2005, p. 959).

L’Afrique précoloniale a également connu d’autres types de traduction. On peut citer le langage des instruments de musique utilisé pour transmettre des messages en reproduisant le ton et le rythme de la parole. En effet, les langues africaines sont des langues à tons et le langage des tambours s’appuie sur la structure tonale des mots à transmettre (Bandia, ibid., p. 960). Cette technique permettait de communiquer à distance et de transmettre des messages sur une longue distance. L’existence des systèmes d’écriture avant l’arrivée des étrangers et étrangères est aussi soutenue par certain·e·s auteurs et autrices. On parle également de pictogrammes traduits en alphabet arabe et romain pour reconstituer une bonne partie de l’histoire de l’Afrique (Bandia, 1998 et 2005). Les missionnaires ont en outre contribué à l’essor de la traduction parce qu’ayant vite compris son importance dans la communication pour l’évangélisation.

Pendant la colonisation, la traduction et l’interprétation sont devenues incontournables dans le but de faire face aux besoins de communication entre les Africain·e·s, les Européen·ne·s et les Arabes (Bandia, 1998). Dans les nouvelles colonies, leur place et leur rôle ont été en grande partie déterminés par les politiques coloniales. La question de la langue et de la culture a été déterminante dans la politique d’assimilation prônée et mise en œuvre par les colons, notamment les Français. Il était évident que l’implantation de la langue et de la culture du colon était nécessaire à l’ancrage de la colonisation (Botwe-Asamoah, 2005 et Wa Thiong’o, 1994). Ainsi, la langue du colonisateur était la seule qui servait de communication dans les anciennes colonies. Les périodes avant et après les indépendances ont connu une croissance de l’activité de traduction parce que les nouveaux gouvernements devaient communiquer avec leurs homologues africains et européens afin de se conformer aux nouvelles règles de gouvernance (Bandia, 1998).

La période postcoloniale

La nouvelle configuration politique des pays ayant nouvellement acquis leur indépendance a imposé de nouvelles règles de gouvernance et de nouveaux repères dans tous les aspects de la vie. Le Burkina Faso, à l’instar des autres pays francophones, a choisi comme langue officielle le français. Malgré le taux élevé de non francophones dans ce pays, aucune mention n’est explicitement faite de la communication entre francophones, locuteurs et locutrices de langues locales. La politique linguistique énoncée plus tard ne fait aucunement cas de politique de traduction.

Au début des indépendances, les formes de traduction qui ont émergé dans la fonction publique sont de type religieux, littéraire et administratif (Bandia, 2005, p. 964). La situation linguistique des États africains laissait présager un volume important de traduction entre langues occidentales et africaines. Paradoxalement, comme le souligne Bandia, ce sont les langues européennes qui ont été privilégiées dans la traduction officielle au détriment des langues locales :

Ironically, instead of flourishing translation activity between African languages as one might have expected, translation evolved in two directions: African into European and vice versa and European to European languages. It became necessary for African countries to communicate with other African nations, but also with their former masters. In this context, European to European language translation thrived in Africa in the field of foreign affairs as well as administrative, economic and cultural areas (Bandia, 1998, p. 301).

Les langues africaines ont néanmoins résisté à cette situation créant ainsi une coexistence dans la plupart des pays anciennement colonisés. Les langues locales ont toujours été présentes dans les administrations publiques, même si les textes officiels n’en ont fait cas que très récemment. D’ailleurs, ce n’est qu’en 2016 que l’annuaire statistique du ministère de la Justice comptait officiellement au sein de son personnel les premiers interprètes judiciaires en langues locales (annuaire statistique du ministère de la Justice 2016).

État des lieux de la traduction au Burkina Faso

On peut identifier deux processus de traduction au Burkina Faso. Le premier se fait de manière officielle; il s’agit de la traduction effectuée dans certains services publics ou privés. Le second, qui se veut informel, se fait par l’usage des langues locales et les transferts linguistiques se font par le recours à l’oral. De ce fait, ces cadres formel et informel peuvent masquer d’autres types de disparités : les traducteurs et traductrices dans l’un ou l’autre cadre n’ont pas toujours les compétences.

La traduction formelle dans les services publics et leurs démembrements

Dans les services publics, le travail de traduction apparaît au début des indépendances des pays africains. Au Burkina Faso, les traducteurs et traductrices recruté·e·s et payé·e·s par l’État ont pour objectif de maintenir les liens avec le colonisateur, les autres États africains et le reste du monde (Bandia, 1998) . Les principales langues concernées sont le français et l’anglais. L’arabe, le portugais, l’allemand sont utilisés selon les circonstances. Les combinaisons linguistiques les plus courantes dans les traductions formelles sont par ordre d’importance : français-anglais, français-arabe, français-portugais, français-allemand et enfin français-langues locales (Yawa, 2019, p. 47). D’autres langues sont aussi sollicitées : l’italien, le russe, le roumain, le mandarin, le japonais, etc.

Le ministère des Affaires étrangères est le plus grand pourvoyeur de postes de traducteurs, traductrices et interprètes dans un contexte formel. En effet, c’est le seul service qui recrute du personnel qualifié (pour la plupart) avec un plan de carrière clair, à l’image de tous les autres agents de la fonction publique. Les langues de travail de ces agents sont toutes internationales. À ce jour, le ministère des Affaires étrangères compte 21 agents au total, dont 12 de sexe féminin et 9 de sexe masculin. Dix-huit de ces agents sont des interprètes traducteurs et traductrices formé·e·s et trois sont des professeurs qualifiés. Seulement seize de ces agents travaillent effectivement au ministère actuellement, les autres étant en détachement ou dans les ambassades du Burkina Faso à l’extérieur (enquête de terrain de juillet 2020). Le ministère du Commerce, le Fespaco (festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou) et l’Assemblée nationale ont également en leur sein des services de traduction avec l’anglais et le français comme principales langues de travail. Les langues nationales sont présentes néanmoins dans les administrations publiques à travers la traduction de la constitution, de quelques textes de loi, des décrets, des conventions. Ces traductions ont été dans leur ensemble financées par des ONG et d’autres partenaires. Il s’agit notamment du gouvernement canadien, de la coopération suisse (Sanon-Ouattara, 2016c) et de la coopération néerlandaise (Bougairé, 2004).

Par ailleurs, les langues nationales se sont imposées dans les services publics, principalement dans les tribunaux, avec l’interprétation judiciaire. Initialement non rémunérée, c’est seulement en 2015 que les états généraux de la justice du Burkina Faso ont insisté sur la nécessité de recrutement d’interprètes judiciaires en langues nationales pour faciliter les jugements dans les juridictions. Cela apparaissait comme une tentative de formalisation d’une activité longtemps menée par des bénévoles avec toutes les implications que cela entraîne. Cette tentative de formalisation n’a pas résolu toutes les difficultés liées à son organisation. En effet, malgré la régularisation salariale de certains interprètes judiciaires, l’organisation et la formation dans ce secteur d’activités demeurent des défis à relever. Le Burkina Faso comptait en 2018, selon l’annuaire statistique du ministère de la Justice 2019, 33 interprètes judiciaires officiels pour toutes les juridictions du pays (environ 45) et pour 559 magistrat·e·s, un nombre qui est largement insuffisant, ce qui suggère que le bénévolat continue les juridictions.

Dans le domaine de la santé, malgré la nécessité pressante exprimée dans plusieurs formations sanitaires et structures étatiques de sensibilisation, l’État burkinabé n’a entrepris aucune action officielle pour éradiquer le problème de communication. Face à cette situation, les associations et les ONG se sont engagées dans la traduction dans les langues locales (Batchelor et al., 2018) à travers la sensibilisation contre certaines maladies et pratiques.

La traduction formelle dans les services privés

Le boom minier que le Burkina Faso a connu dans les années 2000 a entraîné sur son chemin un lot considérable de traductions. Le pays compte de nos jours dix-sept sociétés minières fonctionnelles et une dizaine en exploration[1]. L’anglais est principalement utilisé comme langue de travail, faisant du secteur minier celui qui emploie le plus de traducteurs et traductrices au Burkina Faso (Yawa, 2019, p. 45). S’il est vrai que l’État ne possède aucune société minière, ces traductions dans le domaine minier relèvent principalement du secteur privé. Plus de cinquante pour cent des étudiant·e·s formé·e·s au département de Traduction/Interprétation et qui travaillent comme traducteurs/traductrices/interprètes rémunéré·e·s sont dans les sociétés minières de la place.

La diplomatie est le secteur qui occupe la deuxième position, suivi du développement, de la sécurité, du droit et de la santé. Le domaine de la diplomatie peut être considéré comme public si l’on se réfère au travail effectué essentiellement au ministère des Affaires étrangères. À côté de ces traductions effectuées par les services de l’État, les Organisations non gouvernementales, les coopérations étrangères, les ambassades emploient également un nombre élevé de traducteurs/traductrices-interprètes de nationalité burkinabé et étrangère. Cependant, le travail de traduction exécuté dans les ambassades résidant au Burkina Faso peut être comptabilisé dans le secteur privé.

De plus, un nombre important d’organisations non gouvernementales et de la société civile accompagnent le gouvernement burkinabé dans le domaine de la santé pour la traduction des messages de sensibilisation contre le VIH, les maladies sexuellement transmissibles, l’excision, etc. (Sanon-Ouattara et al., 2019 et Bougairé, 2004). Les cabinets privés de traduction et d’interprétation ont également prospéré dans la traduction en langues occidentales. Il existe une multitude de cabinets de traduction, dont six environ sont bien cotés, ceux anonymes et des centres de langues qui offrent des services de traduction vers l’anglais, l’allemand, le russe, l’espagnol, l’italien, le chinois, l’arabe, le portugais, le polonais, le roumain et le japonais (Cabinet Mory Prestations, 2017).

Cependant, la gestion de ces cabinets pose de sérieuses difficultés. En effet, l’ouverture officielle d’un cabinet de traduction peut faire penser a priori à une activité formalisée qui tente de s’établir. Après des enquêtes, il apparaît qu’aucun document attestant d’une quelconque compétence en traduction n’est exigé avant l’octroi de l’autorisation d’ouverture du cabinet. Il en est de même pour les centres de langues qui se déguisent en pourvoyeurs de traduction. Aucune vérification préalable n’est effectuée, ni pour la qualification ni pour les expériences capitalisées. Les seules précautions que prennent les services de l’État sont celles liées au registre du commerce (interview avec le promoteur de Mory Prestation, cabinet de traduction et d’interprétation, juillet 2020).

D’autres initiatives privées qui mènent des campagnes d’alphabétisation s’exercent à la traduction de certains documents clés en langues nationales. Pour ce faire, Sanon-Ouattara (2016c, p. 3) fait mention des ONG confessionnelles et non confessionnelles ayant inscrit leurs actions dans l’alphabétisation et la promotion des langues locales dans un cadre plus ou moins formel. Il s’agit entre autres de l’association « Tin tua », « Elan développement », l’association « Managdzanga », l’association « Keeni », l’association « Tiefo Amoro », ANTBA/SIL et l’association burkinabé pour le bien-être familial (ABBF).

La traduction informelle

Il est important de préciser que l’intérêt sera porté à la traduction informelle effectuée au sein d’un cadre formel. Le domaine par excellence où a lieu ce type de traduction est celui de la santé aussi bien dans les services étatiques que privés. Sanon-Ouattara (2016a) décrit comment dans les centres de santé, le personnel soignant est obligé de recourir à des interprètes ad hoc pour comprendre les patients et fournir les soins. Ainsi, ce sont soit des gardiens, soit des accompagnants, soit d’autres patient·e·s ou des collègues qui sont commis à la tâche séance tenante selon les circonstances. Certain·e·s de ces volontaires n’ont ni des aptitudes en études médicales ni en traduction et interprétation.

La traduction informelle est toujours présente dans les tribunaux. Elle se trouve mêlée à celle que l’on pourrait caractériser de formelle. En effet, étant donné qu’aucune formation n’est organisée à l’intention des traducteurs/traductrices-interprètes judiciaires, nul ne peut attester de la qualité des prestations qu’ils offrent. La formation aurait permis à l’État de former et de sélectionner le personnel en fonction de ses besoins. Le niveau de ces travailleurs est disparate. Certains n’ont aucun diplôme et d’autres ont un niveau Master. Nous mentionnons ce domaine dans les cas d’interprétation informelle, malgré la présence d’interprètes payé·e·s par l’État, parce qu’il existe d’énormes difficultés liées à l’organisation du travail d’interprétation dans les tribunaux. En outre, lors des audiences publiques, il arrive que le juge fasse appel à des interprètes ad hoc tirés de l’assemblée pour prêter serment. C’est la preuve que cet aspect du travail n’est pas bien organisé avant l’audience et que la qualification de ceux qui font le travail d’interprétation n’est pas une préoccupation pour les autorités judiciaires. La traduction informelle est aussi présente dans le privé. La poste, les banques, les assurances, les aéroports, les hôtels, les sites touristiques sont des espaces qui enregistrent un volume important de traduction informelle aux conséquences diverses.

Pour ce qui est de la poste, des acteurs privés y mènent une traduction informelle qui a été tolérée. En effet, depuis des années, des particuliers se sont érigés en service de communication et surtout de traduction aux abords des locaux de la poste centrale de Ouagadougou. Ces personnes offrent des prestations aux usagers et usagères qui ont des difficultés en français, que ce soit à l’oral qu’à l’écrit. Leurs services vont de la rédaction de courriers au remplissage des formulaires pour des prestations diverses. Ce secteur n’est pas très bien organisé, mais ses acteurs semblent satisfaits si on considère la durée de leurs activités.

La plupart des banques commerciales offrent également ce service. En effet, il n’est pas rare de voir les vigiles ou le personnel d’accueil des banques apporter leur aide aux usagers et usagères dans le remplissage des formulaires. Il s’agit en réalité de la traduction de l’oral à l’écrit, des langues locales vers le français.

Enjeux de la traduction et conséquences de la non-traduction

L’analyse va se focaliser sur les contextes formels et informels au sein des services publics et privés.

Enjeux de la traduction

En observant la nature des documents traduits, dans un cadre formel, les principaux enjeux que l’on peut en déduire pour ce qui est des langues internationales sont le maintien des relations internationales avec le reste du monde. En effet, l’anglais étant devenu une langue incontournable, toutes les diplomaties du monde s’attellent à avoir des compétences en traduction vers cette langue. C’est un enjeu géopolitique et la traduction vers les langues internationales apparaît comme une porte ouvrant vers l’extérieur. Toutes les batailles diplomatiques sur le plan politique, économique et culturel lui sont soumises. C’est cette même logique qui explique la présence à l’Assemblée nationale de traducteurs et traductrices dans les langues européennes et non dans les langues nationales. L’objectif de ce service semble être la promotion des échanges entre le parlement burkinabé et les autres parlements à travers le monde.

Les traductions en langues nationales peuvent viser plusieurs enjeux, dont celui politique et identitaire. En effet, proposer une constitution en plusieurs langues locales peut constituer une preuve de prise en compte d’une communauté donnée, ce qui peut être un facteur d’inclusion dans la nation. De même, l’utilisation de langues locales dans certains contextes peut s’inscrire dans un projet nationaliste ou idéologique d’envergure (Delisle et Woodsworth, 1995). Lors des campagnes électorales, les hommes politiques exploitent ce canal pour être proches de la population et espérer éveiller un sentiment nationaliste. Un autre enjeu consisterait à mettre à la disposition des personnes en insécurité linguistique avec le français les « mêmes » chances que celles qui parlent français dans des domaines précis. La plupart des documents traduits en langues locales s’adressent au monde rural. C’est le cas des lois et décrets traduits en mooré et en gulmacema.

La traduction de la constitution en langues locales constitue, selon les termes du président de l’Assemblée nationale de l’époque, « une sorte d’incubation à la citoyenneté dont l’objectif vise à corriger un tant soit peu l’anomalie constatée, et à donner au plus grand nombre possible la possibilité d’accéder au contenu et à l’esprit de la constitution »[2]. Quelles sont les fonctions de telles traductions dans la société? Autrement dit, à quoi servent-elles? La présence de textes ou d’interprétation en langues européennes participe du rayonnement du Burkina Faso au niveau international. Les retours attendus sont énormes. Ils peuvent s’évaluer en termes de retombées économiques à travers les partenariats que le pays peut tisser avec d’autres ou en termes de facilités accordées dans certains domaines. L’on peut dès lors comprendre pourquoi les langues européennes sont privilégiées au détriment des langues nationales.

Les traductions en langues nationales ont aussi plusieurs fonctions dans la société. Leur promotion est inscrite dans la constitution. Les actions ponctuelles de traduction vers les langues nationales participent de leur valorisation et pourront être brandies comme preuve du respect des engagements du gouvernement. Les traductions effectuées par les associations, les organisations de la société civile, les organisations non gouvernementales, les organisations confessionnelles, les cabinets privés de traduction, les centres de langues n’ont pas les mêmes enjeux et les fonctions sont multiples. Elles peuvent être sociétales, en ce sens qu’elles comblent un vide de service non rendu à la société. Leur existence marque une considération envers une catégorie de personnes et remplit toujours une fonction pour l’institution qui rend le service, étant donné qu’aucune traduction n’est anodine. Le secteur privé est dans un rôle d’accompagnateur de l’État pour certaines tâches. Les traductions produites constituent des outils utilisables dans plusieurs domaines.

Conséquences de la non-traduction

Une offre adéquate de traduction dans les services publics aurait eu pour objectif premier la facilitation de la communication entre agents publics et administré·e·s. Quelles sont les conséquences de l’absence d’un tel service? Ce vide laisse entrevoir les priorités de l’État burkinabé en matière d’offre de service. L’expression promotion des langues nationales dans la plupart des discours tenus par les autorités, hommes et femmes politiques semble vaine. Les conséquences créées par ce vide sont, entre autres, la violation des droits des justiciables non francophones qui, contrairement à la constitution, ont été discriminés sur la base des langues qu’ils parlent ou ne parlent pas (Sanon-Ouattara, 2012), l’inadéquation des soins par manque de communication adéquate entre soignant·e·s et personnes soignées (Sanon-Ouattara, 2016a), le défaut de participation de certain·e·s élu·e·s au débat démocratique à l’Assemblée nationale (Nikiema, 2005), l’exclusion d’une grande partie de la population du débat sur le développement du pays. Bougairé résume les difficultés rencontrées par les agents sensibilisateurs dans la lutte contre l’excision en ces termes :

Des difficultés linguistiques existent au niveau des agents de terrain. Par exemple à Bogandé, sur 6 agents que nous avons rencontrés, seule une femme est native de la région. Les autres ne parlent pas le gourmantchéma (la langue locale). Ils sont donc obligés de recourir à des interprètes, et dans ces conditions l’exactitude du message n’est pas garantie (Bougairé, 2004, p. 47).

L’exactitude du message est mise en cause parce qu’il s’agit essentiellement d’une traduction informelle. Aucune traduction n’est prévue ni offerte dans un cadre formel, ce qui nous amène à présumer que ce sont les agents eux-mêmes qui doivent chercher leur interprète comme c’est le cas dans la plupart des services de santé (Sanon-Ouattara et al., 2019). La traduction comme moyen de communication est utilisée dans les communautés multilingues. Dans les espaces publics, le transfert se fait généralement des langues locales vers les langues étrangères (Newmark, 2003). Les langues étrangères sont ainsi privilégiées au détriment des langues nationales, ce qui est à l’opposé de la plupart des situations décrites par Delisle et Woodsworth (1995) sur le sentiment nationaliste.

Une absence de traduction ou une mauvaise traduction peut avoir des conséquences dramatiques. L’exemple le plus marquant est celui de la Seconde Guerre mondiale qui, selon Newmark, serait partie d’une erreur de traduction :

Its importance is highlighted by the mistranslation of the Japanese telegram sent to Washington just before the bomb was dropped on Hiroshima, when mokasutu was allegedly translated as ‘ignored’ instead of ‘considered’, and by the ambiguity in UN Resolution 242, where ‘the withdrawal from occupied territories’ was translated as le retrait des territoires occupés, and therefore as a reference to all of the occupied territory to be evacuated by the Israelis (Newmark, 2003, p. 7).

Analyse et commentaires

L’attitude de l’État laisse transparaître une incohérence entre les politiques déclarées (constitution) et les moyens utilisés pour les atteindre. On assiste à une absence/manque de traduction qui abandonne les populations à leur sort. En principe, toute politique linguistique dans un État multilingue à majorité analphabète implique une politique de la traduction. La traduction semble totalement avoir été ignorée dans les politiques gouvernementales de mise en œuvre des stratégies de communication de masse, notamment dans le domaine de la santé (Sanon-Ouattara et al., 2019). L’État burkinabé semble créer des structures sans leur donner les moyens de fonctionner. Nous avons cité plus haut les documents traduits avec l’appui des partenaires financiers. L’on peut dès lors se demander pourquoi l’État ne s’implique pas personnellement en allouant par exemple une partie de son budget national aux activités de traduction ou de promotion des langues nationales. S’il ne s’agit pas d’un manque de volonté politique, c’est un aveu d’impuissance de la part des autorités étatiques. Cependant, le problème semble plus complexe.

Le ministère de la Santé semble conscient des dangers auxquels sont exposées les populations par l’absence de l’offre de traduction. La directrice de la communication du ministère de la Santé et ses agents l’ont reconnu lors de l’atelier de Ouagadougou en 2018. Les médecins (deux au total) invités au même atelier, malgré les difficultés liées à la prise en charge des patients du fait de la barrière linguistique, n’avaient pas la même vision sur les solutions possibles. Ils avaient des appréhensions sur l’utilisation de traducteurs/traductrices-interprètes. Les mêmes difficultés et appréhensions existent dans le domaine de la justice.

Les interprètes en langues développent eux-mêmes peu de satisfaction vis-à-vis de leur profession par rapport aux traducteurs et traductrices en langues internationales (Sanon-Ouattara, 2017). Conscients du statut inférieur des langues qu’ils utilisent, ils se sont organisés en association pour tenter de faire formaliser leur profession, ce qui a valu l’atelier de Koudougou d’avril 2016 qui n’a pas malheureusement eu de suite.

Quant aux traducteurs et traductrices modernes, ils ou elles sont à l’image de l’élite intellectuelle décrite par Fishman :

There are contradictory attitudes towards the colonizer’s language as shown in the following examples; the African new elites seem in search of new and effective ideological and behavioral systems…. Acceptance of the West, rejection of the West, …all these tend to be present and to displace each other with ambivalent rapidity (Fishman, 1971, p. 38).

Les traducteurs et traductrices de l’anglais au français du Burkina Faso illustrent bien cette situation. Le prestige que les traducteurs ou les traductrices s’accordent à eux-mêmes ou à elles-mêmes et que la société leur accorde est proportionnel au prestige des langues impliquées dans les combinaisons linguistiques dans lesquelles ils ou elles travaillent (Sanon-Ouattara, 2017). Les traducteurs et traductrices modernes vont jusqu’à refuser que le terme interprète soit employé dans l’expression « interprète judiciaire » au motif que ceux ou celles qui pratiquent cette activité n’ont pas fait de formation universitaire. C’est ce qui en ressort de l’atelier organisé par le ministère de la Justice et des droits humains en avril 2016 à Koudougou.

Selon le statut de l’association des interprètes-traducteurs du Faso (AITF), le titre de traducteurs professionnels est accordé à tout traducteur amateur (sans formation universitaire) après cinq années d’exercice de la profession, mais refusé à tout traducteur professionnel ayant une formation universitaire, mais ne justifiant pas des cinq années d’expérience (Yawa, 2019). Les traducteurs et traductrices en langues nationales ne peuvent pas adhérer à l’association, malgré les années d’expérience et de pratique. Les deux types de traduction (formelle et informelle) cohabitent depuis toujours au Burkina Faso. Avant l’avènement de la colonisation, les griots et autres linguistes du roi faisaient une traduction formelle et les autres traductions pouvaient être considérées comme informelles. L’avènement de la colonisation a renforcé cet état de fait avec la politique d’assimilation de la France qui tentait de créer de « petits Français d’outre-mer ». Cette attitude a eu pour conséquence le déni des autres langues africaines, exacerbant la cohabitation pas toujours pacifique entre les deux types de traduction. Les traductions dans les contextes formels sont inférieures en termes de volume à celles dans les contextes informels.

Cette situation permet d’avancer plusieurs hypothèses : soit les Africain·e·s n’étaient pas libres de leur mouvement et subissaient une pression de la part des institutions financières, soit ils ou elles avaient une attitude ambiguë vis-à-vis des langues occidentales. La première hypothèse est confirmée par Mazrui (2003) lorsqu’il explique comment la Banque mondiale soutient l’utilisation de la langue occidentale pour promouvoir la stabilité politique et pour bâtir des nations prospères sur le plan économique. La deuxième hypothèse est aussi valide. Comme le souligne la plupart des auteurs de la négritude, les Africain·e·s sont habité·e·s par un complexe de supériorité vis-à-vis des autres Africain·e·s non instruits et un complexe d’infériorité vis-à-vis de leurs ancien·ne·s maîtres·ses.

La traduction formelle devrait être systématique dans tous les services publics comme la santé et la justice. C’est l’informel qui envahit ces services sensibles au point de mettre en péril la santé de la population et la question des droits fondamentaux. La cohabitation entre traduction formelle et traduction informelle est révélatrice de l’état réel des relations entre l’élite intellectuelle et la majorité de la population. L’élite a une attitude ambiguë et souvent condescendante vis-à-vis de la population analphabète. Les traducteurs et traductrices modernes de l’État sont payé·e·s pour rendre un service à l’État. Cependant, de manière plus pratique, la majorité de la population est obligée de consommer des traductions informelles non rémunérées par l’État, donnant un sentiment d’abandon de la part de l’autorité.

La cohabitation se fait à plusieurs niveaux : traductions formelles en langues internationales versus traductions en langues nationales; traductions formelles en langues internationales versus traductions informelles en langues nationales; traductions formelles quelles que soient les langues versus traductions informelles, quelles que soient les langues. Par analogie, les traductions informelles en langues locales ont le même statut que les langues locales et reçoivent le même traitement. En dépit des moyens accordés à la traduction formelle, celle informelle continue de résister. Malgré le choix du français comme langue officielle du pays, les langues locales, surtout le dioula, le mooré et le fulfulde, sont plus présentes dans les administrations. Cela a été corroboré par une enquête effectuée par trois chercheurs burkinabé dans le cadre d’une étude :

Pour les langues utilisées dans l’administration, il ressort que 67,9 % des enquêtés, ce sont les langues nationales tandis que 32,1 % d’entre eux estiment que le français est la langue la plus usitée dans l’administration. Les langues locales utilisées dans l’administration sont le dioula (29,4 %), le mooré (18,8 %) et le fulfuldé (7,6 %) (Maiga, Napon et Sore, 2015, p. 73).

Il existe plus de traductions informelles que formelles dans les administrations publiques du Burkina Faso. Il serait souhaitable que l’État prenne des dispositions utiles pour inverser cette tendance. Lors des campagnes politiques, paradoxalement, les autorités qui veulent s’adresser aux populations locales se rappellent qu’il y a un besoin de traduction et comblent le vide. C’est la preuve qu’avec un minimum de volonté politique les lignes peuvent bouger. Une fois cette volonté acquise, on peut passer à une autre étape qui est la formalisation de la profession d’interprète dans les domaines où cela est nécessaire. Le système judiciaire du Ghana a réussi à formaliser la profession d’interprètes judiciaires en les recrutant avec des diplômes universitaires et en leur donnant un plan de carrière[3].

Cette formalisation par le recrutement de spécialistes en langues locales a permis de revaloriser les professions en langues locales et à sortir les professionnel·le·s de ces langues de la précarité. Au Burkina Faso, on assiste à un début de formalisation de la profession au niveau des tribunaux. Le simple fait de compter les interprètes judiciaires parmi les personnels de la justice est une victoire d’étape. Il reste à formaliser les autres étapes, à savoir la formation, l’organisation de tests de manière systématique selon les besoins et l’élargissement de ces recrutements aux autres domaines où le besoin se fait sentir. Le grand obstacle demeure celui du complexe lié aux langues de l’Occident développé par la plupart des intellectuel·le·s africain·e·s.

Conclusion

La traduction et l’interprétation sont des vieilles pratiques au Burkina Faso qui, depuis l’avènement de l’indépendance, peinent à se trouver un statut clair au sein de l’administration. Devenues des professions auxquelles on accède par des qualifications diplômantes, elles sont également restées informelles avec une présence accrue dans les administrations qui ne les reconnaissent pas comme un travail nécessitant une rémunération. Ainsi, plusieurs cas de figure ont été répertoriés : des traducteurs et traductrices diplômé·e·s et non diplômé·e·s qui travaillent dans les secteurs public et privé, des traducteurs et traductrices diplômé·e·s et non diplômé·e·s qui travaillent comme free-lance ou dans des cabinets privés sans aucune réglementation. La conséquence de l’absence de traduction dans certains milieux sensibles ainsi que la non-réglementation de la profession constituent des obstacles au développement du pays.

La pratique de la traduction s’est considérablement développée dans le monde avec l’avènement des indépendances et la reconnaissance des droits des minorités linguistiques dans le monde. La traduction a été un instrument de transmission de la culture, a contribué à l’émancipation des langues, mais a également été à la base de nombreux dysfonctionnements (Newmark, 2003).

Au Burkina Faso, la traduction formelle et la traduction informelle cohabitent comme dans la plupart des États multilingues. Le volume de chaque type de traduction semble inversement proportionnel aux besoins de la population. Les enjeux de la traduction formelle se justifient par un besoin de rayonnement de la diplomatie burkinabé, une source d’activités rémunératrices et une poursuite du plan du colonisateur. La traduction informelle, considérée comme la chasse gardée du peuple, ne jouit pas du même prestige que celle formelle. Les fonctions visées par ces traductions semblent être celles de combler un vide laissé par l’État. Les conséquences d’un tel vide sont énormes. La cohabitation entre ces deux types de traduction est pacifique en apparence, mais violente dans certaines situations. L’attitude de l’État est ambiguë. Elle traduit soit un manque de volonté politique soit un aveu d’impuissance ou les deux à la fois. La volonté politique et la fin du complexe de l’intellectuel africain peuvent être un début de solution.

Références

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Pour citer cet article

Sanon-Ouattara, Féridjou Émilie Georgette. 2021. La traduction et l'interprétation au Burkina Faso : pratiques et enjeux. TAFSIRI. Revue panafricaine de traduction et d'interprétation, 1(1), en ligne. DOI : 10.46711/tafsiri.2021.1.1.2

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