Volume 2, numéro 1 – 2021 : VARIA

Essai conceptuel de l’irresponsabilité sociétale des entreprises pour mieux comprendre la responsabilité sociale des entreprises

Alfred Homère NGANDAM MFONDOUM, Roy Théophile MFONDOUM, Frédéric Chamberlin LOUNANG TCHATCHOUANG, et Yves Bertrand TCHAKAM MBOUWE

 

Introduction

Cette étude est la deuxième d’une série consacrée à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans le cadre de l’exploitation forestière au Cameroun. L’intérêt a été antérieurement porté sur les actions et pratiques des entreprises forestières, jugées faiblement corrélées aux principes et attentes de la RSE, voire en déphasage ou complètement opposées. L’on s’est alors trouvés en droit de remettre en question ce contenu conceptuel au point de s’interroger sur son opposé, nommé pour la circonstance irresponsabilité sociétale des entreprises (ISE).

De fait, si le principe humaniste volontaire sur fond de durabilité, inspiré par la RSE, est récurrent dans les discours, il n’a pas encore été explicitement lié à son opposé littéral, l’irresponsabilité sociétale des entreprises. Pourtant, certaines pratiques néfastes ainsi que leurs impacts multiformes, qui sont spécifiques à chaque secteur d’activité et au contexte socioéconomique, souffrent plus d’une volonté manifeste de « ne pas faire » plutôt que de l’incapacité à « faire ».

Partant de cette considération, cet article interpelle le cadre de conception de l’ISE pour meilleure compréhension de la RSE. En effectuant une application aux comportements et attitudes des entreprises d’exploitation forestière, les questions suivantes permettent d’orienter le raisonnement : en quoi les pratiques des exploitants forestiers s’opposent-elles aux principes et attentes de la RSE? Comment peut s’organiser le contenu conceptuel de l’ISE préexistant à la RSE? Réciproquement, en quoi la réorganisation contextuelle de la RSE peut permettre d’anticiper, sinon de minimiser l’ISE dans un secteur d’activité?

Cet article a alors pour objectif d’ébaucher des jalons conceptuels de l’ISE comme mesure de contextualisation de la RSE. Le premier volet est une analyse documentaire qui servira à croiser les deux concepts. Le second volet, pour sa part, relève les incohérences textuelles et pratiques de la RSE du point de vue de l’activité d’exploitation forestière.

La RSE pour contrer l’ISE?

Cette section interroge les origines des notions de RSE et d’ISE. De fait, de l’une et de l’autre, qui précède? Est-ce la RSE qui donne un sens à l’ISE? Ou alors, est-ce l’ISE qui provoquerait et stimulerait un recadrage moral et socio-éthique des entreprises via la RSE?

Conceptions diverses de la RSE

Il n’existe pas de définition unanimement acceptée de la RSE en raison des nombreuses interprétations et visions existantes. Une véritable confusion a été générée dans la conceptualisation de ce paradigme par les acteurs concernés, notamment les entreprises, les agences de notation et les chercheurs et chercheuses (Allouche et al., 2004, p. 2390). Tous reconnaissent néanmoins l’origine de la « Responsabilité sociétale des organisations » dans l’expression américaine « Corporate Social Responsibility (CSR) » (Capron, 2009, en ligne) qui renvoie plus exactement à la responsabilité sociale. Il s’agit d’une nuance sujette à des discussions, car de plus en plus d’expert·e·s et d’institutions emploient le terme « sociétale » lorsqu’ils parlent de la RSE, considérant que le mot « sociale » ne permet pas d’englober toutes les dimensions de la RSE (économique ou environnementale par exemple)[1]. En 1953, Howard Bowen jette les bases d’une compréhension avancée en posant que « CSR is how businesses align their values and behavior with the expectations and needs of stakeholders – not just customers and investors, but also employees, suppliers, communities, regulators, special interest groups and society as whole » (Bowen, 1953, p. 4). Cet auteur reconnaît par sa définition que l’entreprise ne naît pas ex nihilo et doit fonctionner avec la composante sociale qui est à la fois un « client » et un « partenaire ». Plus tard, le Conseil Mondial des Entreprises pour le développement durable (cité par Panwar et Hansen, 2008, p. 45) a introduit certains aspects du concept de développement durable dans sa définition en parlant de « l’engagement continu des entreprises à adopter un comportement éthique et à contribuer au développement économique, tout en améliorant la qualité de la vie des travailleurs et de leurs familles, ainsi que de la communauté locale et de l’ensemble de la société ». De ce point de vue, la RSE apparaît comme une concrétisation de l’intégration de repères éthiques dans le domaine de l’entreprise (Sautré, cité par Ben Yedder et Zaddem, 2009, p. 85) qui semblait jusque-là régi uniquement par la logique du profit (Ben Yedder et Zaddem, 2009, p. 88).

L’Union européenne parlait jusqu’en 2001 de « l’intégration dans l’entreprise des préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire » (2001, p. 8). Cette approche étant plus focalisée sur l’action en amont des investissements ou de la production, l’UE a élargi son champ d’études : « responsibility of enterprises for their impacts on society » (Noack, 2012, p. 3).

Dans la présente étude, en vue d’éviter toute confusion conceptuelle, la définition adoptée est celle plus englobante de la norme ISO 26 000. La raison est l’ensemble des circonstances de la mise au point de cette norme, suite à la consultation de plusieurs acteurs issus d’horizons divers (ONG, gouvernements, industries, pays du Nord, du Sud, etc.). En effet, dans ses Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale, notamment en son article 2.18, la norme ISO 26 000 (2010, p. 4) considère que la RSE est la

responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui :

  • contribue au développement durable y compris à la santé et au bien-être de la société;
  • prend en compte les attentes des parties prenantes;
  • respecte les lois en vigueur et est compatible avec les normes internationales;
  • est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations.

Par rapport aux précédentes définitions, celle lève l’équivoque relative au concept de développement durable, lequel représente à peine le quart des attributions comportementales fixées pour la RSE. En effet, même si certains auteurs assimilent la RSE à une traduction managériale du développement durable (Ben Hassine et Ghozzi-Nékhili, 2013, p. 62), les trois sphères de la durabilité sont envisagées de manière orientée et plus restreinte :

  • sur le plan social: insertion et inclusion des salariés;
  • sur le plan économique: optimisation des capacités de production;
  • sur le plan environnemental: gestion participative aux ressources environnementales.

Il s’agit donc, pour une entreprise ou une organisation, de se comporter de façon responsable et de contribuer au développement humain, voire humanitaire, de la société dans laquelle elle évolue (Capron, 2009). Ce comportement responsable peut être compris suivant trois dimensions (Gendron et al., 2004, p. 77-81) :

  • les pratiques de RSE qui s’assimilent à des initiatives corporatives volontaires à caractère social et environnemental allant au-delà des obligations fixées par la loi;
  • le discours sur la RSE favorable à élargir la marge de manœuvre de l’entreprise à travers la « main régulatrice » du gestionnaire; cette mesure vise à préserver l’intérêt général (Goodpaster et Matthews 1982, p. 74) par l’équilibre entre la « main invisible » du marché et la « main trop visible » de l’État;
  • Le questionnement sur la RSE au milieu de la pertinence de son projet productif, de l’idée de l’autocontrôle et du contrôle de ses activités par « la société ». Ce débat contradictoire ressort, d’une part, la problématisation stratégique dont les initiatives légitiment la mission traditionnelle – à savoir la maximisation des profits – et, d’autre part, la problématisation moraliste (Bowen, 1953) axée sur le défi éducatif qui renvoie à la question de savoir comment rendre l’entreprise socialement responsable.

La RSE est désormais une notion très en vogue. Elle représente une nouvelle grille de lecture de la productivité fondée sur l’éthique. De même, toute définition proposée introduit l’intérêt (direct ou indirect) porté à sa cause qui est en même temps son opposé, à savoir l’irresponsabilité sociétale des entreprises.

Acception première de l’ISE

À partir de la phase d’analyse précédente, l’on pourrait comprendre l’ISE comme l’absence caractérisée, le manque total de tout ce qui est exprimé dans la définition de la RSE par la Norme ISO 26 000 : 2010[2], soit plus explicitement : (i) au meilleur des cas « l’inconscience, l’inattention », (ii) au pire des cas « l’insouciance, la légèreté, le laxisme » d’une entreprise vis-à-vis des impacts multiformes de ses décisions et de ses activités sur l’environnement et sur la société. Le meilleur des cas est plus relatif à la non-connaissance. À l’extrême, le pire des cas connote du manque avéré de volonté, de la négligence d’agir, malgré la conscience des impacts engendrés.

D’emblée, l’ISE se prêterait à une situation de « contre-RSE ». Cette définition de l’ISE nécessite cependant un support pratique pour prendre son sens. C’est ce qui justifie l’analyse relationnelle des deux concepts avec un secteur d’activité, pour le cas espèce l’exploitation forestière.

RSE et foresterie : quelle relation pour quel cadre conceptuel de l’ISE?

Dans cette section, nous essaierons d’interroger les liens entre la RSE et la foresterie dans l’optique de dégager des critères de l’ISE. Il s’agit en réalité d’un esssai conceptuel basé sur quelques faits observés dans le domaine de la foresterie communautaire.

La composante sociale de quelques entreprises forestières

De manière générale, la responsabilité sociale se décline en deux volets, à savoir celui interne relatif à la protection des travailleurs et travailleuses de l’entreprise et celui externe qui interpelle l’inclusion sociale en termes de parties prenantes locales. Cet article interpelle le second volet et l’option méthodologique de cette partie analyse la RSE en termes d’option, de promesse et de réalisation. Dix (10) entreprises actives dans la foresterie communautaire, la coupe et transformation du bois ont été sélectionnées. Une grille d’évaluation de leur implication et considération sociales a porté sur cinq points transversaux (tableau 1) :

  1. L’existence d’un plan d’action social (PAS) et d’un service (cellule ou direction) dédié à la responsabilité sociale : elle dénote la volonté de l’entreprise à engager les aspects sociaux dans ses actions;
  2. La typologie des objectifs et engagements sociaux;
  3. L’effectivité des activités sur le terrain : c’est le respect des cahiers de charges;
  4. L’accessibilité aux informations sociales : c’est un signe de transparence évaluée sur la base des facilités d’accès aux bilans de réalisation par les autorités publiques pour contrôle. Les documents présents dans les délégations régionales et sur les sites web des entreprises ont été utilisés.
  5. La validation par les autorités compétentes : c’est le bilan par toute ONG ou l’État en comparaison des objectifs et attentes des populations.

Tableau 1. Grille d’évaluation de la composante sociale dans neuf entreprises forestières

Existence Objectifs Effectivité Accessibilité Validation %
ALPICAM + + + ? 60
CUF + + + + + 100
FIPCAM/GVI + + + ? 60
FIPCAM/SFIL + + + ? 60
PALLISCO-CIFM + + + + + 100
PANAGIOTIS + + + ? 60
ROUGIER + + + + + 100
SEFAC + + + ? 60
VICWOOD + + + ? 60
WIJMA + + + ? 60

Sources : Délégations régionales des forêts et de la faune (Centre et Littoral)/sites web des entreprises.

Légende : + (positif); (négatif) ; ? (inconnu)

Ainsi, 3/10 des entreprises (30 %) remplissent les cinq conditions d’évaluation. En dehors des points communs que sont la création des comités paysans-forêts, l’emploi des populations locales, les actions caritatives et le versement des Redevances forestières annuelles (RFA), quelques spécificités de leurs PAS les distinguent l’une de l’autre :

  • la Cameroon United Forest (CUF), dans sa politique sociale, a mis un accent particulier sur l’assistance agricole des planteurs et planteuses (distribution des produits) et la multiplication des orphelinats[3];
  • le groupe Rougier qui exprime un besoin de « concilier les activités d’exploitation forestière avec la préservation des droits, usages et savoir-faire traditionnels des populations vivant sur ces mêmes espaces»[4] se distingue par son approche par cartographie participative et post exploitation;
  • la société PALLISCO-CIFM dispose d’une plateforme sociale accessible aux autochtones tandis que tous les détails financiers relatifs aux RFA et investissements locaux sont rendus publics dans le journal « Les Échos de la forêt » afin de faciliter le dialogue transparent et prévenir des conflits potentiels[5]. Ces précautions et les différentes réalisations lui valent chaque année une « Attestation de réalisation des œuvres sociales » décernée par le Ministère des Forêts et de la Faune.

Ces exemples d’appui au développement local et de transparence dans l’action qui n’ont pas pu être confirmés pour les sept autres entreprises ne parviennent pas à voiler les faiblesses de la RSE forestière.

Manquements généraux et implications pour la conceptualisation de l’ISE

La RSE de manière générale est, au regard de plusieurs indicateurs, mise à mal dans le domaine de l’exploitation forestière au Cameroun. En prenant le cas des aires protégées du Dja et de Campo Ma’an étudiées dans un précédent texte, les pratiques sont défaillantes en cinq grands points (Ngandam et al., 2019) :

  • la défiance vis-à-vis de la législation forestière nationale en créant notamment des moyens de contournement;
  • le non-respect des normes environnementales internationales;
  • l’instauration et l’entretien volontaires d’un système d’exploitation de la naïveté des populations locales, notamment dans le processus de cession et par rapport aux promesses d’investissement non tenues;
  • les luttes d’influence, les brimades et les répressions vis-à-vis des droits territoriaux autochtones sous la forme d’un « hold-up territorial »;
  • le sexisme avéré, notamment depuis la cession, la réorganisation et l’exploitation des Unités forestières d’aménagement (UFAs).

Pourtant des trois définitions de la RSE évoquées plus haut, il ressort certains principes et attentes de la RSE. Le conseil mondial des entreprises pour le développement durable insiste sur l’amélioration de la qualité de vie des travailleurs et travailleuses par un engagement volontaire et continu avec une connotation de flexibilité personnelle de l’entrepreneur ou l’entrepreneuse sur le long terme sans aucune intervention législative. Secondairement, il invite à un comportement éthique avec des principes moraux, la prise de conscience par l’entrepreneur ou l’entrepreneuse d’un traitement humain équitable et d’un soutien vis-à-vis des employé·e·s et autres acteurs. L’Union européenne interpelle, sur une base volontaire, les idées telles que les préoccupations durables, le fonctionnement en partenariat selon l’approche de parties prenantes et l’impact des activités de l’entrepreneur ou de l’entrepreneuse. La Norme ISO 26000 (2010) insiste, quant à elle, sur la transparence dans l’éthique, le respect des principes juridiques nationaux et des normes internationales. Il y a donc des obligations et prescriptions passibles de sanctions, au-delà de la volonté des entrepreneurs et entrepreneuses.

Ces qualités reconnues à une entreprise responsable partent beaucoup plus de la « volonté » de l’entrepreneur ou l’entrepreneuse. La législation forestière camerounaise n’en parle qu’en termes d’infractions, tandis que la Convention provisoire d’exploitation (CPE) signée par exploitants forestiers l’évoque suivant une approche d’entente communautaire et de contrats de confiance entre parties prenantes. Étant donné qu’il n’existe plus de contrôle rigoureux, la démarche est éthique, philanthropique et paternaliste. Elle suit une « auto-législation » et un « autocontrôle » de l’entrepreneur ou l’entrepreneuse. Elle vise à assurer une qualité de vie meilleure à ses travailleurs et travailleuses et à ses client·e·s selon le cas. En bref, les pratiques et attitudes des entreprises d’exploitations décrites participent non seulement à opposer les deux notions, mais surtout à étoffer du le contenu sémantique de l’ISE.

La sélection finale des notions basiques : qu’est-ce donc que l’ISE?

Partant de différents enseignements tirés de l’activité d’exploitation forestière autour des aires protégées, l’on peut reconfigurer la conception de l’ISE sur la base de quelques constats. Au premier chef, le contournement des lois et textes en vigueur par tous les moyens. Ceci est d’autant plus exacerbé que c’est le seul niveau à même d’imposer une démarche et donc des sanctions. Ensuite, le manque de volonté dans les actions, dans l’éthique et pour l’amélioration des conditions de vie des autochtones dénonce justement le fait que la stagnation des conditions précaires de vie des populations constitue un avantage pour l’essentiel des exploitants forestiers, sauf s’ils craignent la loi. Plus encore, la volonté, entendue au sens de la RSE comme l’autolégislation, l’autorégulation et l’autocontrôle, loin d’inspirer aux entreprises forestières la conscience d’un paternalisme vis-à-vis des autochtones, constitue plutôt un moyen de les exploiter. Pour finir, dans le cadre des activités d’exploitation forestière, l’ISE désignerait des négligences, omissions et abus, volontaires et atemporels aux manifestations reconnues comme contre-éthiques et sexistes et dont l’impact tant psycho-social qu’environnemental est évalué par toutes les parties prenantes comme étant dégradant sur la base d’une législation consensuelle et contextuelle de la RSE.

D’une part, l’insistance sur la « volonté de contre-éthique, de sexisme et de dégradation » ou, au choix, la « non-volonté d’éthique, de parité et de préservation/protection » marque un véritable fossé conceptuel avec l’acception première de l’ISE développée d’entrée d’étude. En effet, l’on est passé de l’inconscience, signe de naïveté dans le meilleur de cas, et du manque avéré de volonté d’agir malgré la conscience des impacts engendrés, signe de laxisme dans le pire des cas, à des attitudes d’une dynamique plus négative : le vice ou la malice.

D’autre part, l’atemporalité est directement liée aux « manifestations », soulevant principalement la question du « pendant », car des études d’impact sont régulièrement menées par les entreprises forestières, en tenant compte de l’« avant » et de l’« après », tandis que le suivi-évaluation, devant être effectué au cours de l’exploitation, demeure une faiblesse, notamment sur la composante sociale. Les défauts d’investissements ou l’insolvabilité des frais de cession vis-à-vis des autochtones, comme il a été relevé au cours des enquêtes de terrain, en sont des illustrations. Les entreprises doivent donc assumer bien au-delà de la simple conduite des études d’impact.

Ce dernier pallier notionnel marqué par le « vice atemporel » semble résumer au mieux le comportement jugé inacceptable et irresponsable des entreprises forestières dans les aires protégées du Dja et de Campo Ma’an. À partir du moment où c’est la volonté ou la main libre des entreprises qui est le principal problème, la législation forestière nationale devrait mettre un accent sur la considération et l’application plus concrètes de la RSE en amont, au cours et en aval des activités d’exploitation forestière.

Conclusion

Cette étude s’est intéressée à conceptualiser l’ISE en vue de mieux comprendre les fondements et la dynamique de la RSE. La démarche a été celle de la synthèse bibliographique et des enquêtes de terrain. Ensuite, les informations tirées de part et d’autre ont permis de comparer des aspects saillants de l’ISE d’exploitation forestière avec les exigences de la RSE. L’on retient qu’il existe une différence entre les définitions institutionnelles, celles théoriques et celles académiques de la RSE. Le premier groupe s’intéresse à l’engagement de l’entreprise au-delà des obligations et des attentes légales. Le deuxième groupe porte sur les rapports entre les parties prenantes. Quant au troisième groupe, il recouvre des dimensions qui dépassent les aspects purement économiques ou légaux de l’activité de l’entreprise. Néanmoins, il existe un point commun qui est celui d’appliquer un traitement éthique sur une base volontaire. L’analyse faite de la RSE (ou ISE selon l’angle d’approche) d’exploitation forestière démontre que l’aspect volontaire, le libre choix d’orientation des interventions éthiques, est source d’interprétations subjectives et autocentrées, et donc de nombreux problèmes. La nature devient ainsi un instrument utilisé par les entreprises pour exercer leur pouvoir sur les autochtones et non pour les aider à s’épanouir.

L’on peut en même temps considérer la RSE/ISE d’exploitation forestière comme étant une résultante du contexte sociopolitique, car la corruption, les interventions arbitraires, la marginalisation de la femme et les intimidations sont encore légion dans le système forestier camerounais. Toutefois, de même que les principes de la RSE sont universels, autant les manifestations de l’ISE doivent être reconnues et même clairement énoncées sous ce vocable à toutes fins utiles. Dans le même sens, autant les sociétés ont un Plan d’action sociale (PAS) différent suivant le contexte socioculturel et économique local et national, autant l’ISE pourra être accentuée ou atténuée au moyen d’un encadrement législatif. Il est question ici d’une législation évoquant littéralement la RSE comme une « stratégie anti-ISE » et qui est conçue suivant une approche participative afin de permettre un contrôle des activités de l’entreprise par toutes les couches sociales et de renforcer la parité homme-femme et faire primer l’intérêt général.

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  1. Voir https://e-rse.net/definitions/rse-definition/#responsabilit-sociale-des-entreprises-ou-responsabilit-socitale-des-entreprises- consulté le 8 janvier 2019.
  2. https://www.iso.org/fr/iso-26000-social-responsibility.html consulté le 11 Octobre 2018.
  3. https://www.cufcm.co/le-groupe/
  4. http://www.rougier.fr/fr/1311-politique-sociale-en-faveur-des-populations-locales-et-autochtones.html
  5. http://www.pallisco-cifm.com/index.php/fr/social

Pour citer cet article

Ngandam Mfondoum, Alfred Homère, Mfondoum, Roy Théophile, Lounang Tchatchouang, Frédéric Chamberlin et Tchakam Mbouwe, Yves Bertrand. 2021. Essai conceptuel de l’irresponsabilité sociétale des entreprises pour mieux comprendre la responsabilité sociale des entreprises. NGABAN-DIBOLEL. Revue africaine de responsabilité sociale et management durable, 2(1), 125-143. DOI : 10.46711/ngaban-dibolel.2021.2.1.5

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ISSN : Version imprimée

2756-7206

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