Appel volume 1, numéro 2 : « Le transport artisanal dans les villes africaines et haïtiennes »

Dossier coordonné par Hassane MAHAMAT HEMCHI, École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme (Lomé, Togo)

Présentation

Dans de nombreuses métropoles d’Afrique, les transports collectifs institutionnels normatifs font défaut. Lorsqu’ils existent, ils ne parviennent pas à répondre aux besoins escomptés des populations urbaines et rurales pour leurs déplacements quotidiens. Ainsi, l’absence, l’insuffisance ou l’inefficacité des transports en commun adaptés à la demande des populations sont compensées par des solutions non institutionnelles : ce sont les transports dits « artisanaux » qui comblent ces déficits et constituent l’unique offre de transport en commun accessible. En effet, le secteur de transport artisanal repose sur des travailleuses et travailleurs indépendant-e-s, voire des microentreprises, et se caractérise par une grande autonomie des équipages de véhicule (Godard, 2008).

Les différents exemples étudiés à travers le monde en général et l’Afrique en particulier considèrent l’émergence des transports artisanaux comme une initiative individuelle, bien qu’ils fournissent des solutions d’urgence pour la mobilité de millions de personnes depuis de dizaines d’années. L’essor du secteur repose sur sa souplesse et son adaptabilité aux territoires. Les notions d’« informel », d’« artisanal », de « para-transit », de « non-conventionnel », de « transitionnel ou en sursis » sont souvent amalgamées sous l’appellation de « transport informel », en particulier dans les travaux centrés sur les réseaux institutionnels et centralisés. Le terme informel est lié aux activités économiques, si l’on s’en tient aux travaux du Bureau International du Travail (BIT) de 1972 (Mazumdar Dipak, 1976), et le terme artisanal est une émanation des travaux scientifiques, ceux de Xavier Godard (1985, 2002, 2008) notamment, sur les transports dans les villes des pays en développement. Il apparaît toutefois plus fécond, scientifiquement, de les séparer pour mieux analyser les liens qu’ils entretiennent. Cette perspective invite bien évidemment à déceler ce que les transports artisanaux ont d’informel ou non.

Le dossier thématique entend recueillir des travaux de qualité mettant en avant les connaissances et expériences sur les transports artisanaux en Afrique et en Haïti. L’expérience des usagers et usagères des mototaxis, des taxis urbains, des minibus, etc. reste peu archivée dans les écrits sur les transports artisanaux des villes africaines et haïtiennes et demeure peu considérée de manière holistique par les sciences sociales, précisément dans la sphère de la géographie, de la sociologie, de l’économie, de la politique et de l’ingénierie des transports. La question interpelle aujourd’hui et amène à penser en profondeur l’urbanisation aux contours complexes, l’inadaptation des politiques de gestion de la mobilité urbaine et les transformations et les adaptations des modes de vie face aux transports artisanaux. Il faudrait également interroger l’accessibilité et les coûts de ces derniers dans les contextes sociétaux évolutifs, leur place dans la société et la ville avec ou sans ancrage de même que les dynamiques actuelles de ce phénomène supposé être transitoire. Les résumés pourraient, à cet effet, s’inscrire dans l’un des axes ci-après.

Axe 1 : Transport artisanal et urbanisation des villes africaines et haïtiennes

Le déplacement est devenu un sérieux problème social face à l’étalement urbain sans fin que connaissent certaines villes africaines et haïtiennes. Il se pose dès lors un problème d’accessibilité dans la mesure où il faut recourir à des modes et moyens de transports variés pour diverses raisons. Les propositions pourraient donc s’intéresser au transport artisanal appréhendé comme cause et conséquence de l’étalement urbain.

Axe 2 : Les pratiques artisanales de mobilité en contexte urbain

Cet axe pourrait approcher le problème par une entrée sociale en considérant la mobilité comme droit. Les analyses pourraient alors s’intéresser aux possibilités offertes par les villes pour résoudre les problèmes d’accessibilité, les motivations et ressorts des pratiques du transport artisanal, l’identité, le mode et les conditions de vie des usagers et usagères qui utilisent ce type de transport.

Axe 3 : Les politiques de gestion de la mobilité artisanale en contexte urbain

Le transport artisanal en milieu urbain pourrait être appréhendé par l’entrée managériale. Les propositions pourraient ainsi examiner les aspects liés à sa gestion et les différentes mesures juridiques prises par l’autorité et les acteurs en charge de ce secteur. C’est également le lieu d’apprécier le rôle et l’action des syndicats pour assurer la pérennité de cette solution palliative. On ne manquera pas d’étudier les politiques d’équilibre qui plaident d’une part pour le bannissement de ce type de transport et justifient d’autre part les tolérances administratives qui traduisent leur acceptation implicite (Mahamat Hemchi, 2015).

Axe 4 : Le système de transport urbain en Afrique et en Haïti : intégrer le transport artisanal dans la modernité

Les réflexions pourraient entrer par la typologie et la qualité d’infrastructures de transport artisanal dans l’optique d’apprécier leur intégration dans la modernité. Elles pourraient prendre en compte les évolutions technologiques et sociétales qui rendent les villes africaines et haïtiennes des « pseudo-smart » ou « afro-smart » par le développement des applications de mobilité pour le transport artisanal.  Certaines villes ont par exemple pu mettre en place des solutions adaptées comme les safeboda à Kampala (Ouganda). Cette situation donne lieu à une nouvelle typologie de ville beaucoup plus complexe entraînant un foisonnement des modes et moyens de déplacement. Il serait alors intéressant d’étudier leur intégration dans des politiques urbaines actuelles dominées par le transport artisanal.

Les axes ci-dessus sont non exhaustifs. Les contributions peuvent relever de la géographie, de la sociologie, de la gestion publique, de l’urbanisme, de l’aménagement, de l’architecture, etc., mais les approches interdisciplinaires, les études de cas et les textes empiriques sont fortement encouragés. Le dossier thématique souhaiterait surtout décloisonner les débats et les regards sur le caractère artisanal du transport qui marque les villes africaines et haïtiennes.

La revue rappelle que plusieurs types de texte peuvent être proposés, outre les articles scientifiques et les synthèses de littérature. Des entretiens avec des experts ou  des responsables du transport urbain seraient très appréciés, par exemple.

Conditions de soumission

La revue Gari publie exclusivement en langue française, mais peut exceptionnellement admettre des textes en anglais ou en d’autres langues si elle dispose d’une ressource humaine circonstancielle pour les évaluer et les réviser. Elle pratique l’évaluation par les pair-e-s (peer-review) et dispose d’une politique anti-plagiat arrimée à celle du Grenier des savoirs. Les résumés seront exclusivement soumis en ligne à l’adresse suivante : https://www.revues.scienceafrique.org/formulaire/

Calendrier

Ouverture de l’appel : 1 mars 2020

Date limite de réception des résumés (en ligne uniquement) : 15 mai 2020

Réponse aux auteurs et autrices après évaluation de la proposition : 25 mai 2020

Réception des textes complets : 15 septembre 2020

Publication du volume : 30 novembre 2020

Comité de rédaction

Comité scientifique

Références

Godard, Xavier. 1985. Quel modèle de transports collectifs pour les villes africaines? (Cas de Brazzaville et Kinshasa). Politique africaine, 17, 41-57.

Godard, Xavier. 2002. Les transports et la ville en Afrique au Sud du Sahara : le temps de la débrouille inventif. Paris : Karthala.

Godard, Xavier. 2008. Transport artisanal, esquisse de bilan pour la mobilité durable. Codatu XIII. Hô Chi Minh Ville (Vietnam), 10.

Mahamat Hemchi, Hassane. 2015. Mototaxis ou clandos entre adaptation citoyenne et refus politique au sein de la ville de N’Djamena. CODATU. Energy, climate air quality challenges: the role of urban transport policies in developing countries, 2-5 february. URL: http://www.codatu.org/wp-content/uploads/Hassane-Mahamat-Hemchi.pdf

Mazumdar Dipak. 1976. The Urban Informal Sector. World Development, 4 (8), 655-679.

Licence


GARI – Recherches et débats sur les villes africaines est sous une license Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

Partagez cet article