Volume 2, numéro 2 – 2025. Retour sur l’analyse du discours politique en Afrique
De la fonctionnalité des données chiffrées dans le débat présidentiel Gbagbo vs Ouattara
Mian Gérard AYÉMIEN et Nanourougo COULIBALY
Résumé :
Un fait notable dans les débats politiques est la fréquence du recours aux données chiffrées par les débatteurs. Cette stratégie dans un échange appartenant au champ politique qui a, a priori, comme cadre de référence des valeurs idéologiques, sociales ou morales n’est pas sans attirer et captiver l’attention de l’allocutaire mais aussi de l’analyste qui est tenté de s’interroger sur la fonctionnalité de telles informations. L’objet du présent article est de mettre en évidence la portée argumentative des données chiffrées qui s’avèrent opératoires surtout au niveau de l’ethos et du pathos dans le débat contradictoire de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire. Les investigations menées dans une perspective d’analyse du discours prennent appui sur l’argumentation dans le discours et révèlent la dimension argumentative des données chiffrées, qu’il s’agisse de la construction d’une image de soi valorisante, de la déconstruction de l’image de l’autre ou encore de la mobilisation des émotions. Elles permettent en outre d’en interroger la portée didactique.
Mots-clés : analyse du discours, argumentation, Débat présidentiel, Données chiffrées, ethos, pathos
Abstract :
The Role of numerical Data in the Gbagbo vs Ouattara Presidential Debate
A notable fact in political debates is the frequent use of numerical data by the debaters. This strategy, within exchanges that belong to the political sphere and are a priori framed by ideological, social, or moral values, not only attracts and captivates the attention of the addressee but also that of the analyst, who is led to question the functionality of such information. The aim of the present article is to highlight the argumentative scope of numerical data, which proves to be particularly effective at the level of ethos and pathos in the adversarial debate of the 2010 presidential runoff in Côte d’Ivoire. Conducted from a discourse analysis perspective, this investigation draws on argumentation in discourse and reveals the argumentative dimension of numerical data, whether it involves the construction of a valorizing self-image, the deconstruction of the opponent’s image, or the mobilization of emotions. It also makes it possible to explore their didactic potential.
Keywords : argumentation, discourse analysis, ethos, Numerical data, pathos, Presidential debate
Résumé (swahili) :
Kuhusu matumizi ya takwimu za nambari katika mjadala wa urais kati ya Gbagbo na Ouattara
Makala hii inachunguza matumizi ya mara kwa mara ya takwimu katika mijadala ya kisiasa, kwa kuzingatia duru ya pili ya uchaguzi wa urais wa mwaka 2010 nchini Côte d’Ivoire. Ingawa hotuba za kisiasa kwa kawaida hujikita katika thamani za kiitikadi, kijamii au kimaadili, takwimu hutumika kimkakati kujenga taswira chanya ya nafsi, kudhoofisha mpinzani na kuamsha hisia. Kwa kutumia uchambuzi wa hotuba na nadharia ya hoja, utafiti huu unaangazia nafasi ya hoja za takwimu, hasa zinazohusiana na ethos na pathos, na unajadili umuhimu wake katika muktadha wa kielimu.
Mots-clés (swahili) : Data za nambari, Mjadala wa urais, Uchambuzi wa hotuba, Uwasilishaji wa hoja, Vadharia ya mawasiliano, Vivyo hivyo
Historique de l’article
Date de réception : 20 juillet 2025
Date d’acceptation : 29 septembre 2025
Date de publication : 25 novembre 2025
Type de texte : Article
Introduction
Les campagnes d’élection présidentielle sont des périodes de vives confrontations discursives au cours desquelles les candidat·es et leurs états-majors multiplient les prises de parole et autres interventions, donnant le ton à une dynamique discursive intense. Ce foisonnement d’interventions trouve son ultime matérialisation dans les débats contradictoires qui opposent les principaux prétendants à la magistrature suprême. Devenus une pratique traditionnelle dans les régimes démocratiques, ces débats, bien qu’ils ne garantissent pas à eux seuls la victoire d’un·e candidat·e, peuvent s’avérer décisifs. Une prestation maîtrisée renforce la crédibilité d’un·e candidat·e; à l’inverse, une performance hésitante ou maladroite peut entamer son capital de sympathie, voire éroder la confiance des électeurs et électrices. L’histoire récente des démocraties modernes en fournit plusieurs illustrations. En France, par exemple, François Hollande aurait pris l’ascendant sur Nicolas Sarkozy lors du débat de l’entre-deux-tours de 2012 grâce à la puissance rythmique et persuasive de son anaphore « Moi, président… » (Amade, 2018). Plus récemment, aux États-Unis, la performance catastrophique de Joe Biden face à Donald Trump, en 2024, a mis en lumière ses limites, contribuant ainsi à son retrait de la course présidentielle au profit de Kamala Harris (Du Cluzel, 2024). En Côte d’Ivoire, on enregistre un seul débat contradictoire entre les deux tours de l’élection présidentielle, celui qui a opposé Laurent Gbagbo (désormais LG) à Alassane Ouattara (désormais ADO) en 2010. Ce moment de confrontation directe visait, comme il est de coutume dans cet exercice, à persuader les électeurs et électrices de la capacité des candidat·es-orateur·trices à incarner la fonction présidentielle. Il s’est agi, pour eux, de projeter une image valorisante d’eux-mêmes, apte à rassurer, séduire et légitimer leurs ambitions. Ce travail de persuasion mobilise naturellement des stratégies discursives parmi lesquelles le recours aux données chiffrées.
La présente étude propose d’analyser le rôle et la fonction de l’emploi à profusion des chiffres dans le cadre de ce débat présidentiel. Elle s’interroge sur leur portée argumentative, en montrant que leur usage ne se limite pas à soutenir une démonstration rationnelle, mais participe, en règle générale, à la construction de l’image de soi et à la mobilisation des affects. Autrement dit, loin de représenter une simple objectivation du réel, les données chiffrées deviennent des instruments rhétoriques au service d’un projet politique. Le travail s’inscrit donc dans le cadre théorique de l’analyse du discours dans sa dimension communicationnelle (Barry, 2000) et de l’analyse argumentative qui essaie « d’explorer les échanges concrets qui se déploient dans un espace social et institutionnel donné, elle s’attaque – comme la rhétorique antique – aux voies globales de la persuasion. » (Amossy, 2006, p. 4) Dans cette perspective, notre souci est d’appréhender les mécanismes de persuasion en considérant le fait que la rhétorique saisit le langage en action, et que l’argumentation doit être perçue aussi bien dans ses variations dans la langue que dans les actes de communication concrets. Pour ce faire, nous commencerons par présenter notre cadre théorique et méthodologique puis, nous proposerons une esquisse de typologie des données chiffrées extraites du corpus avant de procéder à l’analyse de leur impact rhétorico-argumentatif.
Cadrage théorique et méthodologique
Le corpus et son cadre d’analyse
Nous partons du postulat que, pour appréhender la quintessence des données chiffrées dans notre corpus, il faut tenir compte des conditions de production du discours (contexte d’énonciation). Ainsi, nos analyses s’inscrivent dans le cadre théorique d’une analyse du discours dans sa dimension socio-communicationnelle. À ce sujet, Barry fait remarquer que
Comprendre un discours, saisir l’intention qui s’y exprime, ce n’est pas seulement extraire ou reconstituer des informations pour les intégrer à ce que l’on connaît déjà. C’est plutôt identifier la fonction de cette information dans la situation de discours où elle est produite. (…) On s’aperçoit alors que tout discours dépend de circonstances de communication particulières et que chacune de ces circonstances est le produit d’un certain nombre de composantes qu’il faut inventorier. (…) Le système communicatif comprend les “contraintes sociales” et les “règles linguistiques”; c’est un dispositif complexe d’aptitudes dans lequel les savoirs linguistiques et les savoirs socioculturels constituent un tout. C’est ce qui fait de la communication langagière le résultat de l’adéquation réussie d’un ensemble de compétences (Barry, 2000, p. 9-11).
À travers ces propos, on note que l’analyse du discours (AD) prend en compte la dimension sociale de l’énonciation ainsi que le contexte global de communication. Ceci fait écho aux dires d’Amossy qui, parlant de la tradition française d’AD, écrit qu’il s’agit de :
Une discipline rapportant la parole à un lieu social et à des cadres institutionnels, dépassant l’opposition texte/contexte : le statut de l’orateur, les circonstances sociohistoriques dans lesquelles il prend la parole ou la plume, la nature de l’auditoire visé, la distribution préalable des rôles que l’interaction accepte ou tente de déjouer, les opinions et les croyances qui circulent à l’époque, sont autant de facteurs qui construisent le discours et dont l’analyse interne doit tenir compte (Amossy, 2006, p. 3).
Ainsi, nous nous appuyons, dans cette contribution, sur l’appareillage théorico-méthodologique qui en découle. En effet, l’analyse argumentative (Amossy, 2006), dont nous nous inspirons, saisit le langage en action en revenant au projet aristotélicien de la rhétorique. Dans cette étude, nous verrons comment le contexte d’élection présidentielle, les ethos prédiscursifs des orateurs, etc. contribuent à l’efficacité des données chiffrées lors de l’interaction verbale.
C’est le lieu de rappeler quelques éléments essentiels qui fondent l’identité psychologique et sociale (Charaudeau, 1992, p. 133) de nos locuteurs. Cette notion rappelle celle d’ethos prédiscursif (Amossy, 2006) en ce sens qu’elle renvoie à la position de l’orateur, sa légitimité ou sa crédibilité aux yeux de l’auditoire qu’il cherche à persuader, avant sa prise de parole.
Notons donc que LG a été, pendant longtemps, la figure qui incarnait l’opposition à Houphouët-Boigny, premier Président de la Côte d’Ivoire. Universitaire et historien, c’est un homme de terrain qui s’est construit une image « d’enfant du peuple », celui qui parle le même langage que les populations qu’il dit connaître. Il arrive au pouvoir en octobre 2000 à la suite d’une élection présidentielle houleuse. Depuis son accession à la magistrature suprême, il a été continuellement confronté à des crises militaro-politiques dont la plus grave survient le 19 septembre 2002.
Quant à Ouattara, il est reconnu comme un brillant économiste ayant occupé de hautes fonctions dans des institutions internationales comme le FMI et la Banque mondiale. Houphouët-Boigny fait appel à lui en 1990 pour assainir les comptes de l’État et relancer l’économie ivoirienne. Depuis son apparition sur la scène publique, sa nationalité ivoirienne est remise en cause par ses opposants qui l’accusent d’ailleurs d’user de moyens anti-démocratiques pour arriver à ses fins. C’est en ce sens qu’il est accusé par certains d’être à la base de la rébellion armée qui divise le pays depuis le 19 septembre 2002.
En effet, la Côte d’Ivoire est confrontée à une rébellion armée qui a profondément divisé le pays. D’un côté, les Forces Nouvelles, favorables à ADO, contrôlent la moitié nord du territoire; de l’autre, la partie sud reste sous l’autorité du président LG. Après plusieurs accords et de longues négociations, l’élection présidentielle d’octobre 2010 est organisée dans l’espoir de clore plus d’une décennie de crises politiques et militaires. Elle se veut largement inclusive : LG, alors chef de l’État, recourt à l’article 48 de la Constitution pour autoriser l’inscription d’ADO sur la liste des candidat·es[1] qui était jusque-là exclu des compétitions électorales. Au premier tour, LG arrive en tête avec 38 % des suffrages, suivi d’ADO qui en obtient 32 %. Tous deux sont qualifiés pour le second tour. Mais avant, ils s’affrontent dans un débat contradictoire télévisé – une première dans l’histoire politique ivoirienne. C’est ce débat, retranscrit par nos soins pour les besoins de notre étude, qui constitue la base de notre analyse : nous cherchons à y décrypter l’usage et l’impact des données chiffrées dans la stratégie argumentative des candidats.
La rhétorique et les chiffres
Le recours aux données chiffrées dans le propos répond à une exigence certaine dans un débat contradictoire. En effet, celles-ci constituent une représentation de la réalité beaucoup plus saisissable par l’esprit et l’imagination par le moyen de la stratification, de la catégorisation, ou mieux, par une simplification ou une fragmentation de la réalité. Les données chiffrées introduisent donc dans le discours politique une forme de rationalité, voire une rationalisation, qui contraste avec sa tendance présumée à mobiliser des ressorts émotionnels, voire mensongers, au détriment d’une appréhension objective du réel. C’est en substance ce que note Koren (2009) en ces termes :
L’indication chiffrée peut certes être controversée et susciter des polémiques, mais elle bénéficie a priori d’un prestige incontestable : le prestige des apparences objectives, de l’évidence et du discours scientifique rationaliste (p. 72-73).
En ce sens, les chiffres produisent un effet de « vérité », là où les autres éléments d’argumentation relèvent tout au plus du vraisemblable. Cette dynamique renvoie à l’opposition — en grande partie factice — entre les sciences dites exactes (mathématiques, physique, médecine), dont les fondements (axiomes et théorèmes) et les conclusions seraient réputés vrais, et les sciences sociales, souvent cantonnées au champ de l’hypothétique et du plausible. La quantification confère aux discours une impression de tangibilité, et par là même, de vérité. Cette perception est d’autant plus renforcée que les données chiffrées sont souvent issues d’études, de recherches ou d’analyses menées par des institutions perçues comme légitimes ou investies d’une certaine autorité scientifique. C’est cette idée que développent Bacot et al. (2012, p. 8-9) lorsqu’ils affirment :
cette production tend, de nos jours, en raison de la sophistication et de la technicisation très grande des outils mathématiques et statistiques, à devenir le domaine exclusif des spécialistes, des savants. Si certains de ces « experts », fortement médiatisés, sont connus du grand public à titre individuel, les sources des chiffres cités proviennent massivement d’organismes divers : organisations internationales, services ministériels, agences européennes, Conseil d’État, instituts d’études, cabinets d’audit et de conseil, think tanks…
Cependant, la question de la qualité des sources peut rapidement poser problème. Ainsi, pour contester une donnée chiffrée, il est courant de chercher à en discréditer la source, notamment en soulignant son absence d’indépendance ou son éventuelle partialité. Il est par ailleurs intéressant de noter que, bien souvent, le producteur de la donnée n’est pas celui qui la mobilise dans le débat publique : ce sont d’autres acteurs et actrices — journalistes, responsables politiques, militant·es — qui s’en emparent. Or, une même donnée, issue d’un champ scientifique donné, n’est à l’origine qu’une information brute. Transposée dans le champ politique, elle peut faire l’objet d’interprétations multiples, parfois orientées. Par exemple, affirmer que « 28 % de la population en Côte d’Ivoire est étrangère » constitue en soi une donnée froide, une photographie statistique d’un instant donné. Prise isolément, elle n’a pas de valeur explicative ou prescriptive; elle ne fait qu’indiquer une grandeur. Mais insérée dans un discours politique, elle peut être investie de significations diverses, infléchie dans une direction ou une autre selon l’intention de celui qui la mobilise. Bacot et al. (2012, p. 10) notent à ce propos :
Auréolés d’un prestige scientifique d’autant plus grand que les acteurs de l’énonciation ne possèdent pas la maîtrise des disciplines dans lesquelles ils s’inscrivent, les chiffres ont alors vocation à se mettre au service de la dimension rhétorique et argumentative des discours politiques. De chiffres-grandeurs, ils accèdent alors au statut de chiffres-valeurs.
Il convient donc de dire que cette manière d’appréhender la réalité reste en fait une perception de cette réalité au même titre que le regard fixé sur un verre à moitié vide ou à moitié plein. Cela révèle clairement que si les chiffres constituent une représentation de la réalité, ils constituent une lecture ou une interprétation de cette dernière. Par ailleurs, étant entendu que les chiffres dans un discours découlent du propos d’un sujet qui est déterminé par l’environnement culturel mais aussi par les affects individuels, il y a une tendance à l’imbrication de sa subjectivité dans l’usage des chiffres. On parlera alors de l’imbrication du sujet dans la perception chiffrée de la réalité représentée.
Enfin, se pose la question de la finalité recherchée par le recours aux chiffres. Cette finalité détermine toujours le lexique utilisé dans la description chiffrée d’une réalité. Rappelons-nous l’idée du verre à moitié vide ou à moitié plein qui révèle les connotations appréciatives mises en évidence par chacun des énoncés. L’idée-force de cette étape est que les représentations chiffrées sont loin d’être faites en soi et pour soi. Elles focalisent une perception de la réalité s’appuyant sur des positions en prise sur un certain imaginaire et destinée à communiquer et à rechercher un certain impact.
Les données chiffrées dans le corpus : approche typologique
La confrontation discursive entre LG et ADO est émaillée de données chiffrées allant du phénomène de datation à l’évaluation financière en passant par l’expression de la proportion, la quantification, la période, l’âge, la distance, la numérotation, l’ordre et l’expression du temps. Cette large diversité pourrait être catégorisée en quatre grands axes que nous avons construits à partir de la forme des chiffres et de leurs fonctions argumentatives. Ainsi, chaque famille est caractérisée par un usage spécifique dans le discours et permet d’analyser comment les données numériques contribuent à la construction de l’argumentation, à la légitimation des positions des candidats et à l’influence exercée sur l’auditoire.
Les chiffres de la temporalité dans l’échange discursif
Le premier axe de notre typologie se rapporte aux chiffres qui permettent de désigner les aspects liés au temps à savoir les dates, les durées, les périodes, les horizons. Les chiffres ici permettent de cadrer le récit ou d’authentifier un évènement en le présentant comme factuel.
À propos de la date, c’est un indicateur temporel qui permet de situer un évènement sur l’échelle du temps. Sa forme, en général, est composée d’au moins un des éléments suivants : « jj mm aaaa » (jour mois année). Elle indique un évènement historique ou à venir. Dans le cadre du corpus de l’étude, la majorité des dates a un rapport avec un repère historique. C’est ce qu’on peut voir à travers ces exemples :
Moi j’avais annoncé dès le départ que j’étais contre les coups d’État. Et quand j’ai vu l’évolution du régime militaire, dès le mois de mai 2000, nous avons démissionné du gouvernement militaire [ADO].
On a crié sur tous les toits au moment du premier tour que le 31 octobre serait le début de la guerre tribale, ethnique, religieuse [LG].
Le premier exemple renvoie à la transition militaire du Général Guéï. Ici la date permet au locuteur d’être précis quant à la sortie du gouvernement de son parti et donc à la rupture d’avec le régime militaire. On ne saurait donc lui reprocher, comme le faisait LG, d’être à la base ou complice du coup d’Etat de décembre 99. Quant au deuxième exemple, il fait référence à la période électorale de 2010. Le locuteur montre que ses adversaires avaient prédit l’apocalypse mais que cela n’est pas arrivé, signe de sa bonne foi. En effet, il lui était reproché de vouloir s’éterniser au pouvoir en organisant des crises.
Pour ce qui concerne les dates historiques, l’on enregistre l’évocation des années 1990, 1993, 1999, 2000, 2001, 2002, 2005, 2009, 2010, 2011. Si parfois ces dates rappellent l’année indiquée de manière générale, le plus souvent, elles sont spécifiées et rendent compte d’évènements ayant fait date dans l’histoire récente de la Côte d’Ivoire. Il en est ainsi pour décembre 1999 qui marque l’irruption de l’armée dans le jeu politique à travers le premier coup d’État intervenu dans le pays[2].
En ce qui concerne les occurrences datées qui s’inscrivent dans la prospective dans le corpus, on peut citer les exemples ci-dessous :
Dès donc l’année prochaine, ainsi nous allons pouvoir à la fin de l’année 2011 ou en 2012 aller vers une économie de croissance de 6 à 8 % et qui nous permet d’absorber donc le chômage. Et de créer des emplois auxquels tout le monde notamment les jeunes aspirent [ADO].
Je vous remercie chers compatriotes de m’avoir donné cette opportunité et de faire que tout se passe bien pour la Côte d’Ivoire au soir du 28 novembre [ADO].
Il faut aussi noter que des informations chiffrées portent sur des périodes qui servent en quelque sorte de repères aux locuteurs dans les prises de parole. Elles se construisent généralement avec une préposition ou une locution prépositive à laquelle on adjoint une date comme dans les exemples ci-dessous :
Je voudrais d’abord dire à mes compatriotes que la pauvreté n’est pas une fatalité. Ce pays était prospère, il y a 23 ou 25 ans. Quand j’étais Directeur Afrique du FMI dans les années 80, nous avions une économie plus forte que certains pays de l’Afrique du Nord [ADO].
Mais les phrases de ce genre amènent l’instabilité, les coups d’État, c’est ce qui est arrivé à partir de 1999, 11 ans de turbulences, c’est trop [LG].
Aujourd’hui, on apprend, et tout le monde le sait, qu’il y a beaucoup de familles qui ne mangent qu’une ou deux fois par jour. Ce n’était pas la Côte d’Ivoire, il y a 20 ans [LG].
Déjà de 1990 à 1993, nous avons fait des efforts considérables pour faire baisser la fiscalité et ça également, c’est un domaine sur lequel je vais m’appuyer [ADO].
Depuis 1987, j’écoute et je dis que le secteur privé est le centre et le nerf. C’est le secteur privé qui est pourvoyeur d’emplois et de richesses. Donc depuis 1987, je me répète [LG].
En toile de fond à ces périodes évoquées par les débatteurs, il y a la référence des moments ayant marqué la conscience collective ivoirienne sur les plans politique et socioéconomique. À ces périodes, l’imaginaire collectif associe une signification particulière aux périodes que les locuteurs essaient de mobiliser dans leur argumentation. Ainsi, par exemple, lorsqu’ADO rappelle la période « de 1990 à 1993 », il se réfère à son passage aux affaires en qualité de Premier Ministre. Cette époque, aux dires de ses proches, se serait caractérisée par une relance de l’économie ivoirienne et des résultats tangibles dont le crédit est à mettre à son actif. Par contre, lorsque LG évoque la période de l’histoire de la Côte d’Ivoire « d’après 1999 », il met en avant les troubles sociopolitiques à répétition qu’une partie de l’opinion attribue à ADO.
Les chiffres financiers
Une frange importante des données chiffrées du débat est en rapport avec le monde de l’Économie et de la Finance. On enregistre principalement des informations liées :
− aux investissements: « Il faudra de nouveaux barrages hydroélectriques, ça demande des centaines de millions d’euros d’investissements. » [ADO]
− à la dette: « Dès que je suis arrivé au pouvoir, j’ai trouvé une dette de 6700 milliards de francs CFA. Cette dette était assurément trop forte pour un petit pays comme la Côte d’Ivoire, donc nous avons commencé à négocier et ça marchait très bien. » [LG]
− à la demande sociale: « Moi, j’envisage un investissement massif de 12000 milliards en cinq ans, pour améliorer les conditions de vie des Ivoiriens » [ADO].
Dans cet axe, les chiffres permettent de légitimer la compétence de l’orateur. En effet, ADO montre qu’il a les capacités d’un bon économiste avec des prévisions bien chiffrées pour les investissements qui amélioreraient la qualité de vie des Ivoirien·ne·s. LG quant à lui montre ses capacités de bon gestionnaire qui ne dilapide pas les ressources du pays, contrairement à ses adversaires qu’il égratigne au passage.
Les données chiffrées indicateurs de quantités ou de proportions
Dans le corpus, les chiffres jouent un rôle de quantificateur dans les propos des locuteurs. Il s’agit alors d’éléments en rapport avec :
− les capacités de production : « Pour le cacao, nous sommes leader mondial; nous produisons environ 1,2 million de tonnes ou 1,4 million de tonnes par an. Mais j’ai estimé qu’il nous fallait doubler notre production sur les dix ans à venir. Et il est possible d’atteindre 2 millions de tonnes en remplaçant les plants vieux, certains ont un âge, par de nouvelles variétés qui sortent des instituts de recherche ivoiriens, ghanéens, malaisiens… Et nous tenons sur les 20 ans de réussir à produire les 2 millions de tonnes. » [LG]
− la démographie : « Il faudrait parler de la réalité du terrain. Aujourd’hui l’espérance de vie est tombée en Côte d’Ivoire à 46 ans, elle était à 55 ans, il y a quelques années. La malnutrition touche un enfant sur 15, sur trois personnes dépistées du VIH SIDA, un n’a pas accès au traitement. 40000 à 60000 femmes meurent chaque année en donnant la vie. » [ADO]
− les infrastructures : « Je me souviens que quand je suis arrivé en 90 et que j’ai rencontré les étudiants, leur première requête, c’était les infrastructures. Et aussi quelque fois les professeurs, c’est comme cela que j’ai pris l’engagement avec eux de construire de nouvelles Universités et en trois ans, j’ai pu construire deux Universités : l’Université Abobo-Adjamé et Bouaké ensuite pour décongestionner. Donc pour le programme de cinq ans que j’envisage, j’ai dit, je vais construire cinq Universités parce qu’il faut décongestionner l’Université. » [ADO]
− des proportions mettant en évidence un processus évaluatif de politiques : « Parce que quand vous avez une économie nationale, vous devez vous assurer qu’il y a un minimum de ressources allouées à l’investissement. Parce que c’est l’investissement qui permet de faire des travaux, de créer des emplois, et ainsi de suite. Nous avons maintenant un budget qui est consacré à 95% à la consommation. Vous avez une maison, que vous avez achetée et pendant dix ans, vous ne faîtes pas l’entretien de la maison. Vous ne faîtes que payer vos frais d’électricité et d’eau, mais à un moment donné, vous avez des problèmes dans une partie de la maison. » [ADO]
− un état des lieux : « En 1991, ils disent que l’école a chuté aujourd’hui, mais en 1991, pour le CEPE et l’Entrée en 6e, on avait 21 % de réussite. En 2002, on a 64 % de réussite. Au BEPC, en 1991, on a eu 32 % de réussite. En 2002, on a eu 36,47 % de réussite. Au Baccalauréat en 1991, on a eu 27,25 % de réussite. En 2002, on a eu 27,25 % de réussite. Je vais prendre en 1994, CEPE et Entrée en 6e, 37,34 % de réussite. En 2004, nous avons 68,94 % de réussite. Au BEPC, en 1994, nous avons 7,85 % de réussite. En 2004, nous avons 31,43 % de réussite. Au Baccalauréat en 1994, on avait 13,52 % de réussite. En 2004, nous avons 23,71 % de réussite » [LG].
Comme on peut le voir avec ces exemples, dans cet axe, les chiffres permettent aux locuteurs de faire des comparaisons entre les résultats obtenus lors de leurs gouvernances respectives (exemples 2 et 5) et aussi de faire la preuve, à travers des données chiffrées, de leurs réalisations (exemples 1, 3 et 4).
Les classements et les numérotations
Le dernier axe de notre typologie concerne les données chiffrées qui permettent d’effectuer des hiérarchisations. On y retrouve les rangs, les ordres, les séries comme dans ces exemples :
La Côte d’Ivoire est la première puissance économique de l’UEMOA et la deuxième puissance économique de la CEDEAO. [LG]
Nous avons parlé d’un plan de santé. (…) Nous comptons le faire, gratuitement pour les plus faibles revenus. C’est important, nous comptons fournir les centres de santé de médicaments de première nécessité, comme l’aspirine et autres. [ADO]
Les déclarations des uns et des autres, ce n’est pas cela qui m’importe mais je prends l’engagement de faire la lumière sur ces choses. L’assassinat du Général Guéï, de Boga Doudou, ça c’est la première chose. La deuxième chose, il faudra mettre en place une commission Vérité-Réconciliation [ADO].
Considérons cet autre exemple :
L’école est un problème majeur, je dirais que dans mon programme, les priorités, tout est priorité, je dirais les premières priorités, c’est la santé d’abord et ensuite l’école [ADO].
Dans cet exemple, il apparait que l’objectif est d’établir une priorisation pour justifier la politique menée.
L’esquisse de typologie nous a permis de rendre compte des divers usages des chiffres dans notre corpus. Ceci nous a donné une base méthodologique claire pour aborder la question de leur impact et des mécanismes rhétorico-argumentatifs qu’ils déploient.
Ce que valent les chiffres dans la confrontation discursive
La visée argumentative des informations chiffrées
Les informations chiffrées s’inscrivent dans une dynamique argumentative dans le corpus d’étude. À ce titre, elles possèdent deux orientations opérantes. La première est tournée vers l’image de celui qui parle pendant que la seconde met davantage l’accent sur l’interlocuteur immédiat[3]. À ce niveau, il y a, à la fois construction de l’image de soi et déconstruction de l’image de l’autre. Il y a en outre une relation qui se construit avec l’auditoire à qui le locuteur apporte des informations et chez qui il essaie de susciter des émotions. Aussi, on note que cet aspect a davantage une dimension didactique.
L’élaboration d’une image de soi
Il y a lieu de dire ici que le corpus d’étude est produit dans un contexte électoral. Le discours produit a donc une visée argumentative c’est-à-dire que le destinateur s’exprime avec l’intention affichée d’agir sur les destinataires dans le but d’obtenir leur adhésion à ses idées. Pour ce faire, il élabore une image de soi favorable à même de lui conférer le crédit et l’autorité indispensables au ralliement des auditeurs à la cause défendue. Cette approche fait appel à la notion d’ethos que Amossy (2010, p. 25) présente comme
l’image que l’orateur construit de lui-même dans son discours afin de se rendre crédible. Fondé sur ce qu’il montre de sa personne à travers les modalités de son énonciation, il doit assurer l’efficacité de sa parole et sa capacité à emporter l’adhésion du public.
Le recours aux données chiffrées joue un rôle de premier plan dans ce processus de présentation de soi. En effet, appuyer son propos sur des exemples chiffrés fait la preuve de la connaissance et même de la maitrise de la question traitée et contribue à mettre en évidence l’expertise de celui qui parle. Ce procédé est utilisé par chacun des orateurs. LG, d’entrée de jeu, adopte une posture discursive qui met en évidence ce qu’il veut paraître aux yeux des auditeurs et auditrices :
Je voudrais aussi remercier le Premier ministre pour sa présence sur ce plateau et le féliciter. Mais avant de commencer, je voudrais que toute la Côte d’Ivoire observe une minute de silence en mémoire de toutes les victimes de ces crises qui ont commencé en 99 et des gens qui sont morts mutilés. Je voudrais que chacun dans son foyer, devant sa télévision, se lève et observe une minute de silence. (Silence). Je peux maintenant répondre. Je suis candidat parce que c’est l’aboutissement d’une longue lutte, parce que j’ai commencé à militer quand j’avais 18 ans.
Dans cette séquence, deux informations chiffrées sont présentes. L’une rappelle une date pendant que l’autre informe sur l’âge de l’engagement militant du locuteur.
D’abord, l’année 99 constitue, nous l’avons déjà souligné, une date de mémoire pour les Ivoirien·ne·s. La sollicitation adressée à la population afin d’observer une minute de silence est la manifestation d’une solidarité à l’endroit des victimes des crises qui secouent le pays depuis l’année de mémoire 1999. La démarche vise donc à créer une communauté des victimes autour de cette date de mémoire qu’est l’année 1999 à laquelle il appartient et dont il partage les peines. Il cultive ainsi l’image du chef attentionné et proche des populations.
Ensuite, la référence à l’âge de son engagement militant épouse une image de combattant historique qu’il a toujours cultivée et qui fonde, selon une perception largement présente dans l’imaginaire social ivoirien, un certain soutien populaire. Son discours s’inscrit dans une dynamique de renforcement d’un ethos préalable fortement ancré dans une frange importante de l’opinion ivoirienne.
Une autre image de soi mise en jeu par LG est celle de gestionnaire irréprochable de la chose publique. Pour ce faire, il établit un parallèle entre deux périodes. Celle d’Houphouët-Boigny caractérisée par la gestion opaque des ressources du pétrole et celle qui commence en 2000, l’année de son accession au pouvoir qui a marqué une ouverture et une transparence dans la gestion des ressources :
Je voudrais dire que sur le pétrole, Houphouët-Boigny a pris sa première coupe de champagne en 1977, parce qu’on venait de découvrir le pétrole. Mais c’est sous Gbagbo Laurent qu’on parle des ressources du pétrole. De 77 à 2000 on n’a jamais parlé de ressources du pétrole; c’est déjà une transparence. Cela a été l’une des satisfactions qui a permis au FMI de prendre la décision du FMI.
Outre l’image du gestionnaire transparent cultivée dans cette séquence, l’on y retrouve une logique de contestation des soupçons de fraude dans la gestion des ressources pétrolières évoqués par le contradicteur. Les dates apparaissent alors comme des éléments qui construisent le jeu interactionnel sur lequel nous reviendrons.
Dans son discours, ADO a aussi recours aux données chiffrées pour se construire une certaine image. Il s’agit principalement pour lui de mettre en avant ses qualités d’experts. À ce sujet, lisons le propos suivant :
Au-delà, il faudrait parler de la réalité du terrain, aujourd’hui l’espérance de vie est tombée en Côte d’Ivoire à 46 ans, elle était à 55 ans, il ya quelques années. La malnutrition touche un enfant sur 15, sur trois personnes dépistées du VIH SIDA, un n’a pas accès au traitement. 40000 à 60000 femmes meurent chaque année en donnant la vie. Ce que nous avons prévu dans notre plan de santé, en plus de l’assurance générale qui permettra de prendre en compte les plus défavorisés, il s’agira de construire 5 CHU, c’est de faire en sorte qu’un certain nombre de centres de santé soient construits, et surtout qu’aucun Ivoirien n’ait à parcourir plus de 5 km avant d’avoir accès à un centre de santé. Cela veut dire qu’il faut réhabiliter les centres de santé existant et en créer de nouveaux. Il faut surtout les équiper en médicaments de base et cela gratuitement, il faut faire en sorte qu’il y ait un hôpital tous les 5 km.
Les données chiffrées portent sur des éléments démographiques. Les ratios qu’il souligne, les chiffres décrivant la carte sanitaire, traduisent un travail fouillé même si les sources ne sont jamais données. Son ethos prédiscursif de brillant économiste lui permet d’en faire l’économie sans être soupçonné de faux. Les promesses faites sont, quant à elles, articulées aux indicateurs internationaux en matière de planification des infrastructures hospitalières. Cette dynamique traverse ses interventions d’un bout à l’autre. Elle est davantage présente dans les données financières notamment l’aspect des investissements programmés pour les cinq années à venir. Il cultive et renforce ainsi l’ethos de l’économiste expert des questions de développement et de mobilisation des ressources financières.
Par ailleurs, lorsqu’il dit :
en parlant de l’école, je me souviens que quand je suis arrivé en 90 et que j’ai rencontré les étudiants, leur première requête, c’était les infrastructures. Et aussi quelque fois les professeurs, c’est comme cela que j’ai pris l’engagement avec eux de construire de nouvelles Universités et en trois ans, j’ai pu construire deux Universités : l’Université Abobo-Adjamé et Bouaké ensuite pour décongestionner. Donc pour le programme de cinq ans que j’envisage, j’ai dit, je vais construire cinq Universités parce qu’il faut décongestionner l’Université. Il faut que l’Université sorte de la ville d’Abidjan; j’ai l’ambition de faire un grand campus universitaire à Bingerville ou ailleurs ou même à plus de 40 km d’ici. Pour que ce soit un campus qui doit pouvoir accueillir des dizaines de milliers d’étudiants avec des infrastructures modernes et tout ce qui a trait avec les nouvelles technologies.
L’on notera que les données chiffrées établissent une sorte de bilan de sa gestion des affaires publiques à partir de 1990 avant d’annoncer les perspectives de son retour aux commandes si bien entendu, il avait le suffrage qu’il sollicite. C’est l’ethos du travailleur qui est mise en avant par ADO.
La déconstruction de l’image de l’autre
La déconstruction de l’image de l’autre par le moyen du propos chiffré est une stratégie argumentative que les locuteurs utilisent. C’est ce qui se passe dans le propos suivant de LG :
Septembre 1999, il a dit : « Je frapperai ce pouvoir au moment opportun et il tombera ». Ce n’est pas une phrase à annoncer par un démocrate. Et effectivement, en décembre 1999, le régime du président Bédié s’est écroulé. Revenu en décembre en Côte d’Ivoire, le Premier ministre Ouattara a dit à Odienné : « Les Ouattara et les Cissé sont des hommes de parole. J’avais dit que je serai candidat et que malgré les tracasseries, je maintiendrai ma candidature. Quand un mandat d’arrêt a été lancé, j’ai dit que je rentrerai au pays avant la fin de l’année. Me voici, j’ai dit que je vais gagner au premier tour et je ferai, toujours, dans les citations de ce même type, en décembre 2001, le Premier ministre dit : « Nous n’attendrons pas cinq ans pour aller aux élections ». En août 2002 : « je rendrai le pays ingouvernable, s’ils veulent, on va tout gnagami (mélanger, en malinké) ». Ce sont des citations du Premier ministre, ça ne plait non pas à Gbagbo, mais ça ne plait pas à la démocratie, la paix et la sécurité. Il a dit quelque chose tout à l’heure, c’est tout à fait juste. On ne peut faire une économie prospère si on n’a pas la paix, si on n’a pas la stabilité. Mais les phrases de ce genre amènent l’instabilité, les coups d’État, c’est ce qui est arrivé à partir de 1999, 11 ans de turbulences, c’est trop.
LG énumère une liste de propos avec mention du mois dans lequel le propos en question a été tenu par Ado. Ces propos sont une sorte de prémonition qui a annoncé régulièrement les troubles sociopolitiques qui ont émaillé l’histoire de la Côte d’Ivoire depuis 1999, date à laquelle ADO a quitté son poste au Fonds Monétaire International afin de s’engager dans une carrière politique. Il aurait ainsi annoncé le coup d’État de décembre 1999, les troubles de 2001 et la tentative de coup d’État de septembre 2002 qui a consacré la partition du pays en zone rebelle et zone gouvernementale. Implicitement LG rend ADO responsable de l’instabilité chronique qui secoue la Côte d’Ivoire depuis près d’une décennie, alors qu’il se dit démocrate et acteur de développement. Les dates sont des indicateurs factuels. Lorsqu’elles ont été l’occasion d’évènements majeurs qualifiables d’expériences collectives, elles deviennent, selon Paveau (2006, p. 99), des « lieux d’inscription des rappels mémoriels ». L’argumentation de LG s’appuie sur cette capacité des dates à rappeler les évènements passés. Lorsque ses souvenirs sont douloureux et que, dans une situation d’interaction discursive contradictoire, un locuteur est rendu responsable, il est clair que son image en prend l’ombrage que les accusations ainsi portées soient avérées ou non. Les dates se présentent alors comme de puissants vecteurs de dévalorisation de l’autre. C’est à ce jeu de disqualification de son contradicteur, ADO que se livre LG en s’appuyant sur son ethos prédiscursif d’historien qui lui permet de légitimer son propos sur les dates.
Décrédibilisé par le moyen des dates, ADO y retrouve des éléments susceptibles de contrarier son adversaire. Ainsi, il retrace des propos datés de son interlocuteur afin de ternir son image :
Quand le coup d’État est arrivé en 1999, il a dit que c’était « un coup de pouce à la démocratie » Et quand il est de Libreville, via Bouaké, il a été escorté depuis le corridor de « Gesco » en champion, par des militaires. Mais, pour moi, cela ne veut pas dire qu’il est l’auteur du coup d’État. Parce que prendre des phrases et à partir de là porter des accusations, ce n’est pas juste. Je pense qu’il faudrait aller encore plus loin. Alors, parlons de ce fameux coup d’État, le FPI a tout de même accompagné le régime militaire jusqu’au bout. Moi j’avais annoncé dès le départ que j’étais contre les coups d’État. Et quand j’ai vu l’évolution du régime militaire, dès le mois de mai 2000, nous avons démissionné du gouvernement militaire. Mais Laurent Gbagbo, lui, a continué avec ce gouvernement militaire. Lida Kouassi, membre du FPI, était même le conseiller militaire du Général Guéi. Gbagbo et Guéi sont allés aux élections ensemble, en nous excluant, le président Bédié et moi. Mais, vous savez, si on veut entrer dans ces choses, je crois qu’on va perdre du temps. Ce qui m’intéresse c’est de connaitre les causes de cette crise. Il faut qu’on y mette fin, parce qu’il faut rappeler que Laurent Gbagbo n’a pas été élu en 2000.
L’objet de ces propos est de fragiliser l’argumentation de LG en mettant en avant l’aspect précipité des accusations formulées sur la base de phrases ou de déclarations de presse. Implicitement, il essaie de faire entendre que son contradicteur n’est pas sérieux dans sa méthode : il formule des accusations sans preuve. Mieux, il va plus loin avec la date de mémoire qu’est l’année 2000. En référence à l’élection présidentielle qui s’est tenue à cette date, il affirme que LG n’a pas été élu. L’idée est de dire qu’il a occupé illégitimement la fonction de président de la République. Il le présente ainsi comme un usurpateur. Ce qui ne manque de susciter une réaction de LG. On retient ainsi qu’il y a, dans cette approche croisée de l’utilisation des dates par les deux débatteurs, une sorte de réponse du berger à la bergère. Les dates deviennent ainsi une dynamique de l’échange verbal parce qu’elles sont un facteur de relance de la confrontation.
Données chiffrées comme moyen de construction discursive des émotions
Une émotion est la réaction provoquée par la confrontation à une situation donnée ou par l’interprétation de la réalité. Celle-ci (la réaction) peut être physique ou psychologique. Sur le plan du discours, les émotions se construisent par le moyen d’un ensemble de ressources verbales parmi lesquelles on compte les chiffres et les nombres. La littérature sur les émotions permet de distinguer deux types d’émotions. Les émotions éprouvées d’une part et les émotions marquées ou construites par le discours d’autre part (Micheli, 2008). Notre propos s’inscrit exclusivement dans le cadre des émotions construites par le discours. Dans ce paradigme, l’on établit encore une distinction entre l’émotion dénotée qui est mise en évidence directement parce qu’étant objet du discours du locuteur et l’émotion connotée pour laquelle le locuteur n’a pas recours au lexique des émotions mais plutôt qu’il laisse entendre ou découvrir par le biais de traits stylistiques. L’on note également l’émotion visée. Il s’agit de la situation où « les locuteurs ne se contentent pas d’« exprimer » des émotions, mais peuvent également viser à provoquer des émotions chez leur(s) allocutaire(s) ou, de façon plus abstraite, à fonder la légitimité d’une émotion » (Micheli, 2008). Il s’agit donc de chercher à déterminer dans notre corpus les éléments dont l’énonciation est susceptible de déclencher chez l’auditoire un état émotionnel pouvant être de l’ordre de la joie, la tristesse, l’indignation, la peur, la colère, le mépris ou tout autre sentiment. À ce niveau, chacun des locuteurs choisit des axes censés provoquer une réaction émotionnelle. L’axe de la menace est ainsi mobilisé par LG dans le propos qui suit :
Je suis un peu désolé, parce que je vois que des dérapages se dessinent. Aujourd’hui même à Daloa la gendarmerie m’a signalé qu’on a arrêté 21 personnes avec des camions pleins de cartouches, on a arrêté des sacs pleins de machettes, je n’accuse pas quelqu’un encore sur ces points [LG].
Ici c’est la quantité qui fonde même l’émotion. En effet, échaudé par plus d’une décennie de conflits politiques traversés par des séquences de violences extrêmes, l’évocation d’un grand nombre de personnes arrêtées détentrices d’armes blanches et de munitions d’armes de guerre est de nature à réveiller les sentiments de peur chez l’auditoire.
Chez ADO, on notera une nette volonté de susciter espoir et joie par le moyen des chiffres qui mentionnent les perspectives d’embellies que pourraient générer son élection :
Vous savez que les Ivoiriens détiennent plus de trois milliards de dollars dans leurs comptes bancaires à l’étranger. Pourquoi? [ADO].
Le chiffre (trois milliards de dollars) indicateur de la capacité financière des Ivoirien·ne·s hors du pays est destiné à susciter l’étonnement chez l’auditoire sidéré de ce qu’une telle manne financière soit maintenue à l’extérieur pendant qu’il est possible d’investir en Côte d’Ivoire ce qui créerait sans aucun doute des emplois pour les milliers de chômeurs et de sans-emplois. Par ailleurs, lorsqu’il annonce :
Moi, j’envisage, un investissement massif de 12000 milliards en cinq ans, pour améliorer les conditions de vies des Ivoiriens en investissant l’eau, l’électricité, mais en améliorant également les conditions d’emploi des jeunes [ADO].
Tout le long du débat, les tirades et prises de parole d’ADO sont rythmées par les données chiffrées financières en rapport soit avec une perspective d’investissement ou avec sa capacité intrinsèque de mobilisation de ressources financières. L’idée est, certainement, de susciter l’espérance chez l’auditoire ce qui l’emmènerait à conforter sa ligne de conduite électorale ou à la modifier si nécessaire. La visée persuasive est donc clairement affichée dans l’usage des chiffres chez ADO.
L’axe de la souffrance et des difficiles conditions de vie des populations est largement évoqué dans les interventions des deux protagonistes. Chez LG on lit :
Vous ne pouvez pas savoir combien de personnes frappent à la porte de la Présidence pour se faire soigner, pour se faire opérer, pour se faire ceci, pour se faire cela. Ça coûte cher à la Présidence. La Présidence de la République est devenue le plus grand centre social du pays. C’est pourquoi j’ai décidé qu’il faut qu’on crée l’Assurance Maladie Universelle. C’est-à-dire, c’est une Assurance, mais ce n’est pas une Assurance privée. C’est une Assurance, chacun cotise et une fois qu’il a cotisé, il a un papier, une carte à partir de laquelle on peut le soigner gratuitement.
Pendant que chez ADO on a :
C’est important, nous comptons fournir les centres de santé de médicaments de premières nécessités, comme l’aspirine et autre. Au-delà, il faudrait parler de la réalité du terrain, aujourd’hui l’espérance de vie est tombée en Côte d’Ivoire à 46 ans, elle était à 55 ans, il y a quelques années. La malnutrition touche un enfant sur 15, sur trois (3) personnes dépistées du VIH SIDA, un (1) n’a pas accès au traitement. 40000 à 60000 femmes meurent chaque année en donnant la vie.
La crainte du lendemain, la pitié pour les populations vivant dans les conditions décrites sont les sentiments que les orateurs mobilisent dans ces séquences par le moyen de la quantification aussi importante qu’indicible chez LG et par le biais des proportions que révèle ADO.
Cet usage de l’émotion argumentée par les deux locuteurs en confrontation obéit clairement à l’idée selon laquelle « la construction argumentative des émotions passe par la représentation discursive d’une situation à laquelle le locuteur associe typiquement le déclenchement d’une émotion particulière, ce qui suppose en garantir la légitimité » (Guilhaumou, 2011, p. 177). Il est ainsi parce que chaque recours à l’émotion trouve un ancrage dans la situation vécue par les populations ivoiriennes et dont les caractéristiques sont l’extrême paupérisation, l’exaspération par un conflit interminable et la nécessité d’une relance économique pour une meilleure redistribution des richesses nationales.
La valeur didactique des chiffres
Outre le jeu sur l’image, la fréquence des chiffres permet de faire appel à la capacité de discernement des auditeurs à qui l’échange est adressé. Dans ce cas spécifique, les locuteurs informent les auditeurs sur ce qu’est la réalité des choses. ADO table ainsi sur la capacité de financement propre des Ivoirien·ne·s :
Vous savez que les Ivoiriens détiennent plus de trois milliards de dollars dans leurs comptes bancaires à l’étranger. Pourquoi? Parce que beaucoup n’ont pas confiance. Ils gardent cet argent à l’extérieur, ils vont le ramener quand on aura une élection apaisée et que nous serons tous d’accord que cette élection se sera bien passée.
Ou encore sur les nécessités d’investissements impliqués par la démographie dans le secteur de l’éducation :
Vous savez, il y a 70000 naissances en Côte d’Ivoire chaque année, c’est pratiquement autant en France. Quand vous faites le calcul, il faut recruter des dizaines de milliers d’instituteurs sur les cinq ans. Vous voyez, quand je dis 60000 instituteurs, c’est parce que la démographie l’exige. Donc, nous avons un investissement massif à faire également dans l’école, nous devons construire des infrastructures, recruter des professeurs, des instituteurs et devons faire en sorte que la stratégie globale soit révisée par ceux dont c’est le métier.
Pendant ce temps, LG essaie de faire comprendre aux Ivoirien·ne·s la vérité sur les résultats scolaires en Côte d’Ivoire :
Il faut que je relève certaines choses parce que les Ivoiriens sont vraiment dans l’émotion plus dans les faits. En 1991, ils disent que l’école a chuté aujourd’hui, mais en 1991, pour le CEPE et l’Entrée en 6e, on avait 21 % de réussite en 1991. En 2002, on a 64 % de réussite. Au BEPC, en 1991, on a eu 32 % de réussite. En 2002, on a eu 36,47 % de réussite. Au Baccalauréat en 1991, on a eu 27,25 % de réussite. En 2002, on a eu 27,25 % de réussite. Je vais prendre en 1994, CEPE et Entrée en 6e, 37,34 % de réussite. En 2004, nous avons 68,94 % de réussite. Au BEPC, en 1994, nous avons 7,85 % de réussite. En 2004, nous avons 31,43 % de réussite. Au Baccalauréat en 1994, on avait 13,52 % de réussite. En 2004, nous avons 23,71 % de réussite. Donc les Ivoiriens sont dans l’émotion actuelle, ils ne regardent pas les chiffres. Nous faisons mieux aujourd’hui qu’il y a vingt ans.
Ces différentes informations témoignent de plusieurs orientations du discours, toutes ayant cependant un lien avec la relation que le locuteur établit avec l’auditoire. La première des choses est qu’il s’adresse principalement à la faculté de discernement de ce dernier et non plus à l’émotion. Ce qui trahit l’image qu’il se fait du public qui l’écoute. C’est un public qui a besoin de l’information exacte afin de mieux comprendre les choses plutôt que de structurer ses opinions autour de l’émotion. En clair, il faut sortir les Ivoirien·ne·s du mode de raisonnement par l’émotion qui prévaut. C’est d’ailleurs ce qu’affirme LG dans son propos. La relation est donc didactique. Les locuteurs (LG et ADO) ont la science infuse. L’auditoire a besoin d’être informé par les leaders dont c’est la responsabilité. C’est ce que révèle l’interpellation (« vous savez ») qui précède l’occurrence des données financières lancée à son endroit dans les séquences discursives d’ADO.
Conclusion
Finalement, on retiendra, de cette analyse des données chiffrées dans la confrontation discursive d’entre-deux-tours qui a opposé LG à ADO lors de l’élection présidentielle d’octobre 2010, que ces dernières constituent un facteur essentiel de la dynamique ou de la progression de l’échange discursif. Les données chiffrées apparaissent également comme élément structurant de la stratégie d’argumentation des débatteurs en ce sens que chacun y recherche et retrouve les moyens et ressources verbales lui permettant de se bâtir une image susceptible de persuader l’auditoire ou de décrédibiliser l’interlocuteur, pour construire un raisonnement logique et s’adresser ainsi à la faculté de discernement de l’auditoire ou encore de faire agir le pathos toujours dans la logique d’orienter le comportement électoral de l’auditoire. En définitive, on relèvera les constats suivants :
Premièrement, les chiffres assurent un cadrage discursif. En effet, en traduisant des enjeux complexes en indicateurs mémorisables (taux, ratios, séries temporelles), ils dessinent des frontières interprétatives et fixent les termes de ce qui peut être vu, dit ou contesté.
Deuxièmement, les chiffres confèrent une autorité au locuteur. Ils participent à la construction d’un ethos de compétence (Amossy, 2006). Cette autorité se consolide par l’adossement à des sources — explicites ou implicites — et à un ethos prédiscursif et par la régularité d’un style chiffré (promesses quantifiées, projections prospectives, comparaisons sérielles).
Troisièmement, les chiffres nourrissent la dimension polémique de l’échange (Amossy, 2014). En effet, une même donnée peut être réinterprétée selon les positions : rappel de repères traumatiques pour disqualifier l’adversaire, ou contre-lecture destinée à renverser la causalité alléguée. Ce mécanisme illustre la transformation des chiffres-grandeurs (mesures) en chiffres-valeurs (arguments) (Bacot et al., 2012). Ainsi, on peut affirmer que la puissance argumentative du nombre ne tient pas à sa nature, mais à sa mise en discours (sélection, cadrage temporel, hiérarchisation).
Quatrièmement, les chiffres contribuent à rationaliser le débat, sans pour autant l’assainir mécaniquement. Ils coexistent avec des dimensions affectives telles que la peur, l’espoir ou l’indignation. En ce sens, ils renforcent les émotions que le locuteur cherche à provoquer en leur conférant une épaisseur de preuve crédible.
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Mian Gérard AYÉMIEN
L’auteur est enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan, Côte d’Ivoire). Spécialiste d’analyse du discours, de rhétorique et d’argumentation, il s’intéresse aux mécanismes qui fondent l’efficacité des pratiques discursives. Ses dernières recherches portent notamment sur les stratégies de persuasion mises en œuvre dans les contextes institutionnels, médiatiques et politiques africains.
Contact : ayemien@yahoo.fr
Nanourougo COULIBALY
Enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire. Spécialiste de stylistique et rhétorique argumentative, ses travaux adressent les questions de persuasion et d’argumentation dans les discours de l’espace public en Afrique de l’Ouest francophone. Il a participé à plusieurs conférences internationales. Il est auteur de plusieurs publications (livres et articles scientifiques) sur le discours médiatique, le discours électoral et sur la littérature francophone.
Courriel : coulyna@yahoo.fr
- La Constitution ivoirienne de 2000 dispose, en son article 48, que « Lorsque les Institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exceptionnelles exigées par ces circonstances après consultation obligatoire du Président de l'Assemblée nationale et de celui du Conseil constitutionnel. » ↵
- Le 24 décembre 1999, des militaires renversent le Chef de l’État élu Henri Konan Bédié et installent le Général Robert Guéï ancien Chef d’État Major de l’Armée ivoirienne. ↵
- Nous précisons la notion de « interlocuteur immédiat » parce que le débat contradictoire fonctionne sur le modèle de la double énonciation. C'est-à-dire qu’en s’exprimant, le locuteur s’adresse à un interlocuteur immédiat avec qui il interagit sur la scène du débat. Dans le même temps, il parle à l’auditoire qui suit le débat et dont il cherche à rallier l’opinion. ↵