Charte de Kurukan Fuga : mémoire et communauté

Amadou SAÏBOU ADAMOU

 

Introduction

La présente réflexion porte sur la Charte de Kurukan Fuga (désormais CKF) dont on situe la conception au 13e siècle (CELTHO 2008). La CKF a été produite oralement dans les toutes premières années de la création du grand empire du Mali, vers 1236 (Niane, 2009), après la victoire du chef de guerre Soundjata Keïta sur le roi Soumangourou Kanté. L’étude, à travers l’analyse du discours, vise à identifier les éléments structurants de cette Charte pour comprendre son intentionnalité et ses raisons subséquentes.

La Charte, parce qu’elle est restée longtemps orale (jusqu’en 2008, indique l’historien D.T. Niane) et s’origine dans un passé lointain, se prédestine à être un objet polémique, du moins chez les chercheurs en sciences sociales et politiques qui ont choisi de l’étudier. Elle nourrit la suspicion chez certains et la certitude chez d’autres. Elle suscite un métadiscours épidictique qui, selon les positions, flatte ou nie la CKF comme témoin oral d’une pensée politique africaine.

La prise en compte de deux considérations importantes conditionne notre étude de la CKF. La première est que cette Charte, depuis ses origines, a été sous forme orale – véhiculée notamment par les paroles de griots – avant d’être récemment (en 2008) transcrite et traduite en français (Niane, 2009). La seconde est que la CKF est un discours politique[1] commandé par la victoire de Soundjata Keïta mais surtout par une quête de paix sociale nécessitée par une très longue période de troubles (faite de guerre et de traite esclavagiste) vécue par les peuples occupant l’empire du Mali.

On pourrait effectivement se poser plusieurs questions sur la réalité et la fiabilité du document. La CKF est-elle un objet historique réel ? Qui ou qu’est-ce qui peut témoigner de son statut véritatif ? Si la CKF a réellement existé, son support (l’oralité) est-il ferme pour ne pas admettre des ablations, des altérations voire même des apories de l’histoire ? Mais, plus fondamentalement encore, une civilisation de l’oralité, africaine, du Moyen Âge, comme celle du Mali de Soundjata Keïta, peut-elle produire une pensée politique à même d’encadrer et de gérer le vivre ensemble de peuples culturellement différents que de longues guerres et les vicissitudes de l’esclavage ont considérablement divisés ?

On imagine que derrière la controverse sur la forme, le support et le statut du document, ce qui s’invite dans le débat controversé, c’est la question de la mémoire, précisément, comme dirait P. Ricœur (2000, p. 69), celle des abus de la mémoire : le trop de mémoire, l’influence des commémorations et l’oubli. Ces multiples formes de l’abus, précise Ricœur, « font ressortir la vulnérabilité fondamentale de la mémoire, laquelle résulte du rapport entre l’absence de la chose souvenue et sa présence sur le mode de la représentation » (2000, p. 69).

Il s’agit pour nous, à travers la lecture du métadiscours suscité par la CKF, de rendre compte des points de vue remémoratifs, c’est-à-dire de la diversité des arguments liés à la réception faite à ce document du passé (d’origine orale), en tant qu’il est « chose absente marquée du sceau de l’antérieur » (Ricœur, 2001, p. II). Voilà pourquoi, pour analyser la CKF, nous convoquons le concept de mémoire, non seulement dans son acception de faculté d’un sujet à se souvenir, mais aussi de mémoire comme de « ce qui se trouve et demeure en dehors des sujets, dans les mots qu’ils emploient » (Lecomte, 1981, p. 71-72).

La seconde considération est que la CKF est un discours politique. Dans cette optique, il est pris comme « le lieu par excellence d’un jeu de masques » (Charaudeau, 2005, p. 5). En effet, souligne Charaudeau, « toute parole prononcée dans le champ politique doit être prise à la fois pour ce qu’elle dit et pour ce qu’elle ne dit pas. Elle ne doit jamais être prise au pied de la lettre, dans une naïve transparence, mais comme résultat d’une stratégie dont l’énonciateur n’est pas toujours le maître » (2005, p. 5). Sous l’angle linguistique, c’est le même point de vue que formule J.-J. Robrieux, lorsqu’il annonce que « l’énoncé est, en effet, indissociablement lié à des présupposés et à des implications, c’est-à-dire à des implicites situés en amont et en aval du discours, conditionnant l’intelligibilité de l’explicite et les conclusions qu’on peut en tirer » (2010, p. 30). C’est dire que sur le plan interne, celui de sa structuration textuelle et discursive, un discours est aussi une mémoire. La CKF est, dans notre étude, considérée comme une « mémoire discursive » (Courtine, 1981) qui actualise des discours antérieurs et contemporains. Cette appréhension du discours offre une double possibilité : celle d’explorer le tissu textuel de la CKF pour en identifier les « structures héréditaires » (Kryzinski, 1981), celle d’étudier sa discursivité pour établir ce qui en fait une charte.

Dans la perspective qu’offrent les deux considérations susmentionnées et la notion de mémoire, notre étude épouse deux grands moments pour une lecture du discours de la Charte. Le premier moment est consacré au dehors de la CKF, il fait la genèse du document et rend compte de sa réception controversée et des points de vue défendus. Le deuxième moment s’intéresse au dedans du texte pour y étudier les différents discours qu’il mémorise et modélise pour se constituer ; il s’intéresse aussi aux aspects discursifs qui fondent son identité et sa raison pragmatique en tant que Charte.

La Charte de Kurukan Fuga est une mémoire en instance de…

La CKF est présentée par ceux qui l’ont (re)découverte comme un objet du passé dont, par un concours de circonstances, on s’est souvenu. Or, « se souvenir, c’est non seulement accueillir, recevoir une image du passé, c’est aussi la chercher, “faire” quelque chose » (Ricœur, 2001, p. 67). Le souvenir engage donc, selon Ricœur, une approche double : l’une cognitive (accueillir, recevoir une image du passé), l’autre pragmatique (« faire » quelque chose). Si la première est plutôt passive, la seconde approche est active, consistant en un effort de représentation de l’objet souvenu, pour lui donner actuellement forme et sens.  Exercer sa mémoire, c’est finalement se livrer à cette double face de la remémoration. C’est aussi s’exposer aux vicissitudes de l’abus, aux contradictions diverses. À travers sa (re)découverte et les tentatives de son objectivation comme charte et comme matière d’étude, la réception de la CKF a suivi, de la part de ses interprètes, ce processus double de la remémoration.

Une mémoire exhumée

On rappelle que la CKF appartient au passé africain ; elle est liée à l’histoire de l’empire du Mali institué au 13e siècle par Soundjata Keïta après sa victoire contre Soumangourou Kanté en 1235 et surtout après une très longue période de guerres fratricides entre les différentes communautés composant l’empire auquel il succède, celui du Ghana. Pourtant, c’est seulement en 1960 que, le premier, l’historien Djibril Tamsir Niane mentionne par écrit, dans un des derniers chapitres de son ouvrage Soundjata ou l’épopée mandingue (la partie intitulée « Kouroukan-Fougan ou le partage du monde ») non pas tous les éléments constitutifs de la Charte, mais des indices de son existence et, surtout, les conditions de sa naissance :

En sortant de Do, le pays aux dix mille fusils, Soundjata, longeant la vallée du fleuve, se rendit à Kà-ba ; toutes les armées convergeaient sur Kà-ba […]. Sidi Kamandajan avait devancé Soundjata pour préparer la grande assemblée qui devait se réunir à Kà-ba, ville située dans les terres du pays de Sibi […]. Au nord de la ville s’étend une vaste clairière : Fouga ; c’est là que devrait se réunir la grande assemblée […] ; avant même l’arrivée de Djata les délégations de tous les peuples vaincus s’étaient rendues à Kà-ba. (Niane, 1960, p. 133-134)

Soundjata ou l’épopée mandingue ne parle pas de charte. L’œuvre n’évoque que très synthétiquement le contenu de la réunion de Kurukan Fuga : « Soundjata prononça tous les interdits qui président encore aux relations entre tribus, à chacun il assigna sa terre, il établit les droits de chaque peuple et il scella l’amitié des peuples… » (p. 141)

D.T. Niane ne rapporte là, dit-il, que ce qu’il a recueilli auprès de griots traditionalistes assermentés, détenteurs pendant longtemps des secrets et de l’histoire des villages, des royaumes et empires africains. L’historien guinéen affirme que son livre est le fruit du contact avec les plus authentiques traditionalistes du Mandingue : « Je ne suis qu’un traducteur, je dois tout aux Maîtres de Fadama, de Djéliba Koro et de Keyla et plus particulièrement à Djéli Mamadou Kouyaté, du village de Djéliba Koro (Siguiri), en Guinée », dit D.T. Niane (p. 7).

Soundjata ou l’épopée mandingue révèle donc, à l’écrit, « un souvenir trouvé », pour utiliser la formule de P. Ricœur (2001, p. 4). À ce stade de sa découverte, la CKF s’assimile, pour D.T. Niane et pour les lecteurs de son ouvrage, à la mnémé des Grecs, c’est-à-dire à un souvenir qui apparaît presque sans effort de la part de celui qui le reçoit. Ce dernier se souvient, « passivement à la limite, au point de caractériser comme affection – pathos – sa venue à l’esprit » (Ricœur, 2000, p. 3).

Au lendemain des indépendances de la plupart des pays africains et dans la perspective d’une Renaissance d’un continent meurtri, dépossédé et dépersonnalisé par la colonisation européenne, cette évocation de l’Assemblée de Kà-ba par D.T. Niane va bientôt prendre un rôle symbolique de grande importance. Elle se présentera comme la découverte et l’exhumation d’une mémoire orale sinon oubliée, du moins méprisée par un système colonial qui n’a d’égard que pour ce qui est écrit.

La rencontre de Kà-ba évoquée dans l’épopée de Soundjata suscitera désormais un intérêt chez certains chercheurs africains (comme Souleymane Kanté, Youssouf Tata Cissé, D.T. Niane et bien d’autres encore). De « mémoire trouvée », la Charte deviendra, du fait de cet intérêt, une « mémoire cherchée », c’est-à-dire l’« objet d’une quête ordinairement dénommée rappel, recollection. Le souvenir tour à tour trouvé et cherché, se situe ainsi au carrefour d’une sémantique et d’une pragmatique. Se souvenir, c’est avoir un souvenir ou se mettre en quête d’un souvenir » (Ricœur, 2000, p. 4).

Ainsi, en 1998, lors d’un séminaire regroupant à Kankan en Guinée des communicateurs modernes, des chercheurs et des communicateurs traditionnels, et à l’issue d’une cérémonie de restitution orale par des griots venant de plusieurs pays ouest-africains, la CKF sera entendue dans les détails de son contenu. A l’initiative du Centre d’Études Linguistiques et Historiques par Tradition Orale (CELHTO), la Charte fut transcrite, traduite en français sous forme de texte juridique moderne et publiée en 2008[2]. Une année plus tard, en 2009, elle est classée par l’Unesco comme appartenant au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cela en fait un objet universel, une mémoire partagée. Il en fait aussi, naturellement, un objet exposé à la critique voire à une polémique porteuse « d’abus menaçants pour sa visée véritative » (Ricœur, 2000, p. 68).

Un espace discursif

Aussitôt passée de l’oral à l’écrit, puis du local à l’échelle internationale (labélisée par l’UNESCO), la CKF est prise dans une controverse multidimensionnelle qui la place au centre d’un métadiscours épidictique, la valorisant ou la dépréciant.

Le métadiscours laudatif provient naturellement des chercheurs qui ont fait la (re)découverte de la CKF et de ceux (surtout africains) qui s’investissent dans l’étude des cultures africaines. L’exemple le plus éloquent est celui de l’historien guinéen D.T. Niane qui, dans le discours inaugural qu’il prononçait en 2009 à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a expliqué de façon enthousiaste l’histoire, le contenu et les perspectives de la CKF.

A contrario, certains chercheurs, surtout occidentaux comme Francis Simonis et Jean-Loup Amselle, nient toute réalité historique et juridique à la CKF. Et, pour une tout autre motivation – des raisons politiques et culturelles –, une partie de la société civile malienne s’est élevée contre la CKF, du moins contre l’usage institutionnel contemporain que l’on a voulu en faire[3]. Le tableau suivant résume ce débat, en indiquant les voix et les positions susmentionnées et les énoncés qui tentent de légitimer ces positions.

 

La défense et illustration de la CKF par D.T. Niane repose sur quatre arguments essentiels : l’authenticité de la Charte (« transmise par des spécialistes ») ; son exceptionnalité (« unique »), son antériorité par rapport aux autres textes relatifs aux droits humains (« l’un des premiers textes connus »), sa rentabilité pour une Renaissance de l’Afrique (« elle est aux sources d’une pensée politique en Afrique »). L’historien guinéen voit ainsi dans la CKF, non seulement la marque ancienne d’une « présence africaine » en matière de droits de l’homme, mais une source d’inspiration pour le renouvellement de la pensée politique africaine. Le point de vue de D.T. Niane et la « conglobation » (Charaudeau et Maingueneau, 2002, p. 70)[4] qui le soutient reposent sur le topos du recours à la tradition africaine pour envisager un meilleur avenir africain. C’est du reste ce qu’actualise l’énoncé conclusif du discours inaugural de l’historien à Dakar :

La Charte de Kurukan Fuga est l’une des valeurs africaines les plus remarquables ; elle constitue une contribution non négligeable de l’Afrique à l’histoire des droits humains et de la démocratie. Que faire ? Découvrir notre passé c’est bien, en traduire les leçons en force de progrès pour bâtir notre futur, tout est là ; voilà le problème à résoudre. (Niane, 2009)

A ce topos répond celui qui nie la CKF dans ses fondements, sa nature et donc sa fiabilité en tant que texte constituant. De ce point de vue, la Charte ne se présente que comme un outil de récupération politique. Sous sa dénomination de charte, le document n’est qu’un objet fabriqué par des nostalgiques (griots, chercheurs traditionnistes et hommes politiques d’aujourd’hui) dont l’intérêt est de restituer un ordre despotique bien révolu.

Par le fait de ce débat polémique qui l’accueille, la CKF devient un espace discursif[5] (Maingueneau, 2014, p. 84) à la fois valorisant et disqualifiant son objet. Cette axiologisation actualise évidemment une somme de préconstruits de nature culturelle voire civilisationnelle, idéologique et méthodologique qui conditionnent les jugements.

Le plan civilisationnel est marqué par l’opposition supposée entre oralité (représentée par la CKF) et écriture (exemplifiée par la Magna Carta) et met en jeu l’authenticité des documents et celle de leurs contenus. Chacun de ces deux documents est ainsi mis en valeur par ses « défenseurs » à travers les arguments de sa fiabilité et de son authenticité en tant que médium. Le plan idéologique oppose deux centrismes (fruits de l’histoire coloniale) où chaque camp revendique son ancestralité dans la création des textes constituants, l’antériorité de sa position dans l’élaboration d’une pensée politique : l’afrocentrisme vs l’européocentrisme.

L’opposition méthodologique est la plus saillante. Deux herméneutiques sont en regard dans cette lecture polémique de la CKF : une herméneutique « claire » et une herméneutique « sombre », pour reprendre la terminologie de D. Maingueneau. La première – que dénotent le propos et le positionnement des défenseurs de la Charte – est celle par laquelle s’étudient

les énoncés (littéraires philosophiques, religieux, politiques…) qui font autorité dans une certaine communauté. Cette herméneutique claire implique divers présupposés […]. Dans un tel dispositif, plus le texte est interprété, plus il apparaît énigmatique. Toujours au-delà de la contingence des interprètes qui s’attachent à lui, il est censé recéler un « autre sens », qui ne peut être ni littéral ni trivial (Maingueneau, 2014, p. 52-53).

Dans cette perspective, la CKF apparaît pour ses défenseurs non seulement comme une mémoire retrouvée, mais aussi comme un texte d’autorité qui offre, à travers des lectures appropriées, des possibles pour une refondation de la vie politique en Afrique.

Le discours de ceux qui récusent la CKF relève plutôt de l’herméneutique « sombre », démarche dans laquelle

les textes ne sont pas commentés pour que leur autorité en sorte renforcée, mais pour ruiner l’autorité qu’ils prétendent avoir, pour mettre en évidence l’inavouable qu’ils masqueraient. Les textes qu’on étudie ainsi n’ont pas besoin d’être extra-ordinaires […]. Même quand le texte se veut extra-ordinaire, il est ramené à l’ordinaire, et au lieu que l’analyse augmente la profondeur et la richesse du sens des textes, elle l’appauvrit. À travers le texte étudié, ce n’est pas une Source transcendantale qui s’exprime, mais une ou des puissance(s) négative(s) […] qui servent à préserver une domination (Maingueneau, 2014, p. 71).

Sous ce rapport, la CKF ne serait qu’une (ré)invention, un produit de l’imagination ; elle obéit à un anachronisme calculé dont le dessein est d’instaurer un régime clanique et despotique révolu ; celui de la féodalité.

Ces deux interprétations donnent à la CKF une double origine et une double intentionnalité : pour ses défenseurs elle est le fruit d’une véritable mémoire, pour ses détracteurs elle est un artifice directement sorti de l’imagination de ceux qui l’ont inventée. Mais on note que les deux catégories relèvent toutes de la représentation du passé, de la problématique de la présence et de la signification de quelque chose d’absent. « L’une, celle de l’imagination, [est] dirigée vers le fantastique, la fiction, l’irréel, le possible, l’utopique ; l’autre, celle de la mémoire, vers la réalité antérieure, l’antériorité constituant la marque temporelle par excellence de la “chose souvenue ”, du “souvenu” en tant que tel » (Ricœur, 2000, p. 6).

Au total, la découverte de la CKF et le champ spéculatif et polémique (d’ordre scientifique, idéologique et politique) qu’elle ouvre administrent la preuve de l’intérêt porté à ce texte. Cela entérine non seulement l’existence de la Charte mais de son importance. Cela garantit son acceptabilité comme objet et sa disponibilité à être livrée au jugement et à la critique. Comme le note par ailleurs C. Kerbrat-Orecchioni, « plus un champ spéculatif est jugé d’importance, et plus il a de chances de se prêter aux débats polémiques ; mais aussi peut-être à des affinités plus profondes et moins conjoncturelles » (1980, p. 10).

La CKF fait désormais partie de la mémoire universelle. Par conséquent, elle est, soit en instance de marginalisation (elle ne sera alors au mieux qu’une pièce de musée), soit en instance de valorisation (elle fera alors l’objet d’autres questionnements et de rationalisation). Dans cette dernière perspective et au-delà des enjeux historiques et idéologiques, on peut appréhender la CKF comme un objet heuristique, questionnable à la fois dans sa forme et dans son fond, par exemple au niveau de sa textualité, de sa discursivité et de son intentionnalité.

La Charte de Kurukan Fuga est une mémoire instituante

Cette partie de notre réflexion va justement questionner la CKF, d’abord dans sa texture profonde, ensuite dans ses aspects discursifs de surface. La mise en résonance des deux niveaux permettra d’identifier les préoccupations profondes de la Charte.

Une mémoire discursive

Dans son analyse critique de la CKF, F. Simonis annonce que le document est un

amalgame entre une soi-disant charte de Kouroukan Fouga – qui aurait été édictée en 1236, mais a en fait été écrite en 1998 par le griot et magistrat guinéen Siriman Kouyaté, probablement à la demande de l’historien D.T. Niane – et le Serment des chasseurs qui daterait de 1222, et que le chercheur malien Youssouf Tata Cissé affirme avoir recueilli en 1965. On nage ainsi dans la plus grande confusion, l’Unesco ayant classé sans s’être livré à la moindre expertise scientifique un texte qui ne lui a pas même été communiqué et combine en raccourci audacieux les deux versions concurrentes d’une « charte » dont personne n’est capable de dire ce qu’elle est vraiment ! (Simonis, 2015).

La remarque de F. Simonis (qui venait appuyer sa prise de position susmentionnée) ne manque pas d’intérêt si, a contrario de l’« amalgame » et de la « confusion » entre la CKF et le Serment des chasseurs qu’elle relève, on voyait plutôt entre les deux textes évoqués une relation de parenté, un dialogisme qui convoquerait bien d’autres textes encore. De ce point de vue, la CKF pourra se présenter comme une « mémoire discursive » où cohabitent des discours qui se font écho.

On sait que tout discours (et tout texte) parasite d’autres discours qui lui sont antérieurs, contemporains ou postérieurs (Todorov, 1980 ; Courtine, 1981 ; Genette, 1982). Selon son intentionnalité, il intègre ces discours de façon spécifique, en les répétant, commentant, parodiant, modifiant, réfutant, en les subvertissant, etc.

La CKF souscrit à cette « transtextualité » (Genette, 1982, p. 7) ; elle est en relation, manifeste ou secrète, avec plusieurs textes et discours. Nous voudrions justement montrer qu’elle est à la confluence, entre autres, de la Charte du Mandé ou Hymne/Serment des chasseurs, du discours islamique et des discours, linguistiques et culturels, référant à la doxa manding de son époque.

Les chasseurs (corporation à laquelle appartient Soundjata) ont constitué l’essentiel de l’armée qui a conduit à la victoire sur Soumangourou. Leur présence dans l’instance dirigeante de l’empire (article 1er de la Charte), connote leur participation et influence dans l’élaboration de la CKF. Des similitudes existent entre leur Serment[6] et la CKF, comme l’indiquent les exemples suivants extraits des deux textes et notre commentaire (3e colonne).

 

Pour ce qui concerne le discours islamique, pour mieux comprendre son legs à la CKF, il est judicieux de faire appel au contexte d’élaboration de la Charte. On note d’abord qu’au 13e siècle, l’espace manding était en pleine phase d’islamisation. Sans être une guerre sainte, la longue lutte qui opposait le camp de Soundjata acquis à l’islam à celui de Soumangourou resté fidèle à la religion traditionnelle, avait une certaine connotation religieuse. De ce point de vue, le contexte d’édiction de la CKF n’est pas sans rappeler celui du traité (pacte) de Hudaybiyya[7]. Ce pacte entre musulmans et polythéistes de la Mecque est la marque d’une volonté de construire et de protéger le mieux vivre ensemble en dépit de la diversité des opinions, des intérêts et les tensions entre les protagonistes.

On note aussi que les « marabouts » ont pris part à la guerre contre Soumangourou Kanté aux côtés de Soundjata alors converti à l’islam. Ils sont, comme les chasseurs, membres de l’instance dirigeante de l’empire (article 1 de la CKF). Leur contribution à l’élaboration de la CKF tombe sous le sens. Les résonances de la CKF avec les textes islamiques (le Coran et les Hadiths[8]) sont légion. Presque tous les énoncés de la Charte relatifs à l’éthique sociale ont une parenté avec le discours islamique : le respect de la filiation parentale ; l’assistance aux pauvres ; le respect des dirigeants, des savants et des femmes ; l’incitation au travail ; l’entretien du bon voisinage ; l’hospitalité ; la protection de la nature, etc. Le tableau suivant montre, à titre indicatif, des éléments de correspondance entre la Charte et les textes islamiques.

 

On note au niveau de chaque énoncé que même si la CKF ne reprend pas la lettre des textes islamiques, elle en garde l’esprit, celui de la moralité et de la bonne conduite sociale.

Par ailleurs, la CKF parasite le langage culturel des peuples composant le Manding. Trois éléments signalétiques le prouvent : la parole vive reflétant les réalités manding, le code moral et le système de parenté à plaisanterie érigé en acte politique.

La parole vive est actualisée par le langage populaire et par le régime de l’indirection (articles 11, 17, 19, 21, 22, 32, 41). Ce langage est parfois celui qui évoque une réalité admise ou à faire admettre par tous, comme l’indique par exemple l’article 11 : « Quand votre femme ou enfant fuit, ne le poursuivez pas chez le voisin ». Cet énoncé connote l’importance du voisin auquel non seulement l’on doit du respect, mais auquel l’on fait confiance. Le cas échéant, il devient un agent de sécurité et une potentielle instance de médiation entre les conjoints en difficulté. D’autre fois, le langage du document apparaît sous la forme d’un aphorisme énonçant un principe, un précepte : « La vanité est le signe de la faiblesse et l’humilité le signe de la grandeur » (article 22).

Le langage de la CKF est, à certains endroits, allusif. Ainsi l’article 41, sans interdire les feux de brousse, appelle à mots couverts les populations au discernement et à la transcendance lorsque qu’elles veulent en faire usage : « Avant de mettre le feu à la brousse, ne regardez pas à terre, levez la tête en direction de la cime des arbres. » Le langage est même métaphorique, lorsqu’il adapte l’image comme support signifiant. Cela est illustré par l’article 26 : « Le taureau confié ne doit pas diriger le parc » ; de façon prosaïque, cet article signifie que le pouvoir de diriger ne doit pas être confié à un étranger.

Sur le plan social, la CKF est un véritable répertoire de valeurs érigées en un code d’éthique et d’honneur et portant un programme d’éducation civique et morale, comme l’attestent les articles suivants :

Article 9 : L’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La puissance paternelle appartient par conséquent à tous.

Article 14 : N’offensez jamais les femmes nos mères.

Article 15 : Ne portez jamais la main sur une femme mariée avant d’avoir fait intervenir sans succès son mari.

Article 18 : Respectons le droit d’aînesse.

Article 22 : La vanité est le signe de la faiblesse et l’humilité le signe de la grandeur.

Article 23 : Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur.

Article 24 : Ne faites jamais du tort aux étrangers.

Article 40 : Respectez la parenté, le mariage et le voisinage.

Article 41 : Tuez votre ennemi, ne l’humiliez pas.

On y retrouve les grands traits moraux par lesquels l’homme africain se définit : le respect de l’autre, en l’occurrence les anciens, les parents, le voisin, la femme ; la parole d’honneur ; l’humilité ; l’hospitalité.

Enfin, la CKF reprend le phénomène de la parenté à plaisanterie connu pour être un référent culturel séculaire commun à tous les peuples de l’Afrique de l’Ouest, pour en faire une loi : « Article 7 : il est institué entre les “Mandenkas le Sanankunya” (cousinage à plaisanterie) et le “Tanamanyöya” (forme de totémisme). En conséquence, aucun différend né entre ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l’autre étant la règle ».

Rappelons avec Thierno Amadou Ndiogou (2016) que

le cousinage à plaisanterie est un mécanisme social fondé sur la parenté fictive, métaphorique, l’amitié et la solidarité instituées entre groupes socioprofessionnels (castes), entre villages, régions, patronymes, ethnies, etc. La conjoncture sociale étant maintenue par l’amitié qui ne s’offusque pas de l’insulte, par l’antagonisme joué et sa répétition régulière.

Le cousinage à plaisanterie se présente sous la forme d’un jeu (le plus souvent verbalisé) opposant des individus qui s’admettent comme « parents », se reconnaissant les uns les autres comme des « enfants de la femme » et des « enfants de l’homme ». Ce cousinage sous-entend et active un certain nombre de principes : celui de l’extension du groupe familial à la tribu, à l’ethnie, au pays ; celui de l’institution de rapports d’autorité symbolique en faveur du groupe constitutif de l’aile masculine du cousinage ; celui de la libre circulation des personnes et des biens dans les espaces de vie des deux groupes sociaux liés par le cousinage croisé (Saibou Adamou, 2014, p. 397-398).

Par l’adoption du cousinage plaisant, la CKF s’offre ainsi – en plus du recours à la médiation (assurée selon les cas par le voisin, le griot ou le marabout) et du code moral mandé supporté par un projet d’éducation civique adossé à l’islam et aux traditions – une méthode endogène de prévention et de règlement des conflits pouvant intervenir entre les hommes et entre les peuples composant l’empire.  En somme, la CKF est une mémoire discursive ; elle est le fruit d’une interaction socio-discursive où l’univers culturel et linguistique est commun et significatif aux producteurs et aux destinataires du discours. Elle est dans cette optique, fondamentalement, l’émanation non pas de la conscience d’une personne (serait-ce l’empereur Soundjata), ni même de l’ensemble des vainqueurs de 1232, mais d’une somme de consciences antérieures et contemporaines à la victoire de Soundjata. Elle constitue une conscience représentative de celle, multidimensionnelle, des peuples de l’empire. C’est une conscience qui préfigure un dessein.

Un discours proactif

Le discours de la CKF est une mosaïque constituée des discours de toutes les classes composant le Mali de son époque ; il parle au nom et à l’ensemble du peuple de l’empire, c’est un discours instituant :

Le discours instituant est le résultat de procédés qui donnent à lire ou à entendre un discours unifié et homogène, destiné au grand public (et non à des cercles plus ou moins larges d’initiés), dépourvu de formes individuelles de modalisation (en tant qu’il s’agit d’un phénomène d’énonciation collective) et placé à un haut niveau de généralité (en tant qu’il doit être valide dans de nombreuses circonstances). (Oger et Ollivier-Yaniv, 2006, p. 67)

La CKF est d’essence polyphonique : elle est l’écho de toutes les voix antérieures et contemporaines immergées en son sein et qui l’érigent en charte. Dans le discours de la Charte, la voix qui affleure est celle d’un « nous » représentant à la fois les voix antérieures, le locuteur actuel (en l’occurrence « les délégués » des peuples réunis à Kà-ba) et le destinataire (la population du Mali) : « les “MoriKanda” sont nos maîtres et nos éducateurs (article 3) ; adressons-nous mutuellement les condoléances (article 10) ».

En unifiant l’instance de l’énonciation et en s’exprimant dans le langage de tous, au nom de tous, la CKF, non seulement réfère à un univers culturel commun, mais indique une communauté de destin des différents protagonistes du discours (destinateurs et destinataires).

Deux catégories d’énoncés composent la CKF : des énoncés informatifs (26 articles au total) et des énoncés injonctifs (18 articles). Certains des articles de la Charte réunissent les deux formes d’énoncés (par exemple les articles 3, 4, 19, 29, 44). La démarche de la CKF est donc à la fois cognitive et pratique ; il s’agit de faire savoir et de faire faire. Les articles se présentent comme des « inscriptions-prescriptions qui portent sur le comportement espéré du destinataire, [et] du locuteur lui-même » (Adam, 2017, p. 260). Un tel discours privilégie « la présence massive de prédicats actionnels » (Adam, 2017, p. 260) comme :

  1. l’injonction d’agir (article 2 : les « Nyamakala » se doivent de dire la vérité aux Chefs, d’être leurs conseillers et de défendre par le verbe, les règles établies et l’ordre sur l’ensemble de l’Empire ; article 10 : adressons-nous mutuellement les condoléances ; article 18 : respectons le droit d’aînesse ; article 30 : venons en aide à ceux qui en ont besoin…) ;
  2. et l’interdiction d’agir (article 23 : ne vous trahissez jamais entre vous ; article 24 : ne faites jamais du tort aux étrangers ; article 20 : ne maltraitez pas les esclaves…).

L’impératif indique le caractère jussif des prescriptions. Il crée une attente, présume une action de la part du destinataire du discours.

Notons que les énoncés de la Charte traitent de principes et de prescriptions d’ordre institutionnel (distribution des rôles), moral et social (éducation à un code de conduite) et économique (encouragement à la production et à la protection des biens). Les buts visés par ces articles sont de faire comprendre, d’éduquer, de créer une conscience générale du devoir et d’inciter tous les « Maliens » à agir, en sujets-agents. Sous ce rapport, on peut considérer la CKF comme un discours incitatif, un contrat social proactif à grande valeur illocutoire et dont l’intentionnalité – dans le contexte de sortie de guerre qui était le sien – est quadruple : réédifier une communauté apaisée, établir une société vertueuse, responsabiliser les individus dans le collectif et construire une nation épanouie.

Conclusion

L’étude a considéré la CKF comme un discours, c’est-à-dire comme la trace d’un acte de communication socio-historiquement déterminé. Parce que son élaboration est située loin, dans l’Afrique médiévale, et parce que la Charte possède des caractéristiques discursives particulières, nous l’avons identifiée comme une mémoire, c’est-à-dire, d’abord comme un souvenir accessible à des sujets variés, ensuite comme un interdiscours qui, pour se constituer, met en rapport plusieurs discours. C’est cette double perspective offerte par la notion de mémoire qui a permis de lire la CKF non pas sous un régime axiologique (épidictique), mais dans une perspective de configuration (au sens de processus constitutif du discours et de son fonctionnement) et de refiguration (au sens de processus interprétatif du discours). L’étude conclut que ce qui fait l’originalité de la CKF, c’est son endogénéité. Elle est le fruit des nécessités et des intelligences de l’empire. Elle en garde les formes d’expression, les principes et les aspirations. Elle montre ainsi que les peuples africains sont capables de penser par eux-mêmes, de verbaliser leur projet de vivre ensemble et de progresser dans la paix, en toute responsabilité.

La CKF est une mémoire qui manifeste une préoccupation malienne de la communauté et de l’humain, dans le contexte médiéval qui était le sien. Par conséquent, même si elle est récemment reconnue et admise comme patrimoine universel, elle ne peut en imposer ni aux Maliens d’aujourd’hui ni au reste du monde. Elle se passe donc de toute fétichisation. Mais, elle se passe aussi de tout abaissement, de toute banalisation de la part de ceux qui aspirent à l’étudier ou à l’utiliser à des fins variées. La CKF est, comme tous les objets à valeur culturelle, impassible, disponible. Elle est à la fois patiente et taquine. Elle s’offre comme objet de quête de significations. Ce sont des lectures actualisantes, circonspectes et créatrices que ce document, qui a traversé l’épaisseur du temps, attend de ses lecteurs actuels et futurs. Surtout de ses lecteurs d’Afrique auxquels les vicissitudes de l’histoire ont imposé, comme méthode, l’oubli (le mépris) de soi et la trop fréquente référence à l’Autre. C’est dire que la CKF sera encore longtemps une des nombreuses « taches aveugles », pour reprendre la métaphore optique du philosophe Georges Bataille cité par Marlène Kanaan (1998, p. 96), de la réflexion africaine ou sur l’Afrique. En effet, dit G. Bataille, « il est dans l’entendement une tache aveugle qui rappelle la structure de l’œil. Dans l’entendement, comme dans l’œil on ne peut que difficilement la déceler. Mais alors que la tache aveugle de l’œil est sans conséquence, la nature de l’entendement veut que la tache aveugle ait en lui plus de sens que l’entendement même ».

Bibliographie

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  1. Notons avec Christian Le Bart (1998, p. 6) que « la délimitation de l’objet « discours politique » est […] arbitraire [...]. On peut choisir de considérer comme politique un discours du fait de sa source […], mais d’autres critères sont recevables : le contenu (est politique un discours qui fait référence aux problèmes de gouvernement d’une société, ou bien qui se donne comme politique), les modes de diffusion (est politique un discours obéissant à certaines règles de publicité) ou encore les effets (électoraux par exemple) ». Pour ce qui concerne la CKF, nous choisissons les première et deuxième raisons.
  2. C’est cette version moderne écrite par Siriman Kouyaté, alors Conseiller à la Cour d’Appel de Kankan en République de Guinée, qui sert de support à notre étude. Elle se compose de 44 articles rassemblés en 4 rubriques respectivement intitulées : « De l’organisation sociale, des biens, de la préservation de la nature, dispositions finales ».
  3. La société civile réagissait ainsi contre certains aspects du rapport de la mission de réflexion sur la consolidation de la démocratie au Mali mise en place par les autorités politiques en 2008. Le rapport, comme le préambule du projet de Constitution qui le suivra, faisait référence à la Charte de Kurukan Fuga comme source endogène potentielle d’une réforme politique au Mali. Lire, à propos, l’intéressant article produit par Ambroise Dakouo, intitulé « La Charte de Kurukan Fuga dans le contexte de mise en œuvre des réformes politiques et institutionnelles post-crise au Mali » (Dakouo 2017).
  4. Ces auteurs définissent la conglobation comme un « cumul d’arguments convergents qui, pris séparément ne sont ni nécessaires ni suffisants, mais qui, pris en bloc, se renforcent et peuvent emporter l’adhésion. »
  5. Pour Dominique Maingueneau qui cite Wetherell, l’espace discursif est un « lieu de débat », centre de « nombreuses représentations concurrentes ».
  6. Nous tirons les extraits du Serment de l’ouvrage de Youssouf Tata Cissé, Soundjata, la Gloire du Mali, éd. Karthala, ARSAN, 1991.
  7. Le traité d'Houdaybiya est un pacte signé en 628 entre le Prophète Mohamed et les autorités mecquoises, qui devaient permettre au prophète de l'islam et à ses fidèles de se rendre en pèlerinage à La Mecque pendant trois jours l'année suivante. Il prévoyait également une période de paix de dix ans entre les deux parties en conflit depuis 612. Ce pacte est de nos jours interprété par des chercheurs-historiens comme le début d'une confédération (umma) de nature politique soudée par l'adhésion au Prophète d'Allah. (Source Wikipédia).
  8. En islam, les Hadiths sont essentiellement des recueils des actes et paroles du Prophète Mohammed. Ce sont des commentaires du Coran ou de règles de conduite. Les Hadiths constituent, après le Coran, le second fondement du dogme de l'islam.

Pour citer cet article

Saïbou Adamou, Amadou. 2023. Charte de Kurukan Fuga : mémoire et communauté. Magana. L’analyse du discours dans tous ses sens, 1(0), en ligne. DOI : 10.46711/magana.2023.1.0.2

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