Volume 2, numéro 2 – 2025. Retour sur l’analyse du discours politique en Afrique
Discours politique et politique du discours en contexte de résistance postcoloniale : entre colonialité du pouvoir et positionnement idéologique
Lucie KENGNE GATSING
La société doit définir son identité, son articulation, le monde, ses rapports à lui et aux objets qu’il contient, ses besoins et ses désirs. Le rôle des significations imaginaires est de fournir une réponse de toute évidence, que ni la « réalité » ni la « rationalité » ne peuvent fournir (Cornelius Castoriadis, 1975, p. 2).
Introduction
Marasme économique, sous-développement, terrorisme international, insécurité galopante, société africaine en pleine déliquescence et hétéronomie politique constituent quelques prismes de regard des pays africains subsahariens à l’ère de la contemporanéité. Les indépendances africaines s’essoufflent ainsi sur des réalités caustiques révélant des contradictions sanglantes entre l’acte de parole prometteur et la praxis sociale. Analysant l’ouvrage au titre thématique et incisif d’Yves Benot, Les indépendances africaines (1975), Martin Denis relève à juste titre le tableau macabre de ces institutions politiques :
Les indépendances africaines… que de mythes ne se sont-ils pas greffés sur cet arbre qui commença à pousser à l’aube des années 1960! La prise en main du pouvoir – de tous les pouvoirs – par les Africains eux-mêmes, le développement, le décollage en une décennie, la construction nationale et l’unité continentale. Quinze ans plus tard, les rêves semblent s’être écroulés et les mythes se projettent, cette fois, en négatif : irréalité et inutilité des indépendances, développement du sous-développement, unité africaine digne de l’opéra bouffe (Denis, 1976, p. 983).
Cette dysphorie en son temps, un quart de siècle seulement après le « carnaval des indépendances africaines » (Ahmadou Kourouma, 1968, p. 10), croise aujourd’hui déceptions et désenchantement des peuples africains résolument décidés à « sortir de la grande nuit » (Mbembe, 2010). Entre leurre et désillusions, des voix discordantes s’élèvent dans une posture de contestation et de réappropriation. Contestation de l’ordre colonial toujours en place à travers des structures et ramifications diverses et parfois obscures (Verschave, 1999, 2000, 2004; Hepke, 2003, 2006; Phaëton, 2009; Kengne Gatsing, 2017, 2022; Pigeaud et Ndongo Samba, 2018). La posture de réappropriation s’inscrivant dans le paradigme de la reconquête du bien-être commun et de la justice sociale en proie à la présence hégémonique permanente occidentale en postcolonie (Mbembe, 2000; Thimonier, 2008) met en lumière « la colonialité du pouvoir » (Quijano, 2007, p. 111). Dans ce contexte d’influence paternaliste où même la démocratie mue en un objet de pouvoir et de domination dans « les périphéries postcoloniales » (Petitcorps et Desille, 2020, p. 17), un contre-pouvoir sur fond discursif s’institue comme un dispositif stratégique de riposte aux attaques et violences plurielles et un tremplin à l’accession à la souveraineté et à l’autonomie véritables. Les discours d’Ibrahim Traoré[4] du Burkina Faso, d’Abdoulaye Maiga[5], porte-parole du gouvernement du Mali et celui d’Abdourahamane Tiani[6] du Niger, en tant que discours officiels, institutionnels et ritualisés, passent pour des espaces de construction de la légitimité, le théâtre de monstration des dérèglements sociaux sous l’impact des violences internationales et, en dernier ressort, le lieu de manifestation publique d’une vision libératrice. Comment la rhétorique politique de ces locuteurs met-elle en mots leur légitimité et leur crédibilité? Quel est le régime de verbalisation du réel social enclin aux violences dans leurs productions discursives respectives? Quels en sont les enjeux? Cette réflexion a pour objectif de montrer comment, en contexte de diplomatie étranglée, de tensions politiques sous-régionales et internationales, les orateurs politiques construisent leur légitimité et s’affirment comme guides-bergers, acteurs et auteurs du bien-être, de la justice, de la souveraineté et du développement de leurs pays. Autrement dit il est question de montrer que la parole politique de I. Traoré[7], A. Maiga et A. Tiani est programmatique. Étant donné que « la parole politique existe en relation organique avec son contexte » (Gingras, 2003, p. 71), l’analyse s’inscrit dans les cadres théoriques de l’analyse du discours politique (Charaudeau, 2005) et du postcolonialisme (Said, 1978). Aussi convoque-t-elle l’énonciation (Kerbrat-Orecchioni, 1980 ; Benveniste, 1970), la pragmatique (Austin, 1970; Armengaud, 1999; Jaubert, 1990), l’argumentation (Amossy, 1999, 2000; Perelman et Olbrechts-Tyteca, 2008) et la mémoire discursive (Paveau, 2006) comme approches. Ce dispositif heuristique favorise le déchiffrement des phénomènes langagiers afin de rendre compte des données complexes de discursivisation des faits sociaux en rapport avec la sublimation de soi, la dénégation de l’instance altéritaire adversaire, la relation de pouvoir, l’expression du dissensus, le rapport de force ou encore le consensus entre les instances politiques et les instances citoyennes. Trois moments structurent cette réflexion : d’abord le contexte socio-discursif crisogène favorable à la mise en scène des locuteurs politiques revendiquant leur crédibilité, ensuite la sémiotisation du réel social sous l’emprise des violences multiformes et, enfin, la figuration de la parole politique comme créatrice des mythes et imaginaires de justice et de salvation. Les résultats révèlent que malgré le contexte socio-politique conflictuel, I. Traoré, A. Maiga et A. Tiani se montrent comme des locuteurs politiques légitimes et crédibles, défenseurs de la justice sociale et garants de la souveraineté de leurs peuples.
Contexte socio-discursif crisogène et parole politique située : entre légitimité des locuteurs politiques et délégitimation de l’instance adversaire
L’intensification des systèmes de gouvernance autocratiques, le déclin de la démocratie et la rémanence des schèmes coloniaux en contexte postcolonial ressuscitent les débats sur la crise socio-politique en Afrique noire et dans le Sahel. La série des coups d’État militaires enregistrés ces dernières années au Mali (18 août 2020), en Guinée Conakry (5 septembre 2021), au Burkina Faso (30 septembre 2022) et au Niger (26 juillet 2023) revendiqués par leurs auteurs respectifs semble annonciatrice d’une ère nouvelle où l’accession à la magistrature suprême par la force s’impose comme voie de libération des peuples de « la nasse » (Fabien Kange Ewane, 2000, p. 112) des puissances occidentales. Achille Mbembe (2023, en ligne) regarde dans la même direction et postule que « Les putschs en Afrique de l’Ouest annoncent la fin d’un cycle qui aura duré près d’un siècle ».
Malencontreusement, cette posture est sujette à de vives polémiques nourries de discours et contre-discours. Pourtant, la discursivisation de la politique chez I. Traoré, A. Maiga et A. Tiani dans un contexte de crise semble à la fois porteuse de signification et d’espoir. Ces pratiques politiques mises en mots dans le macro-texte discursif sont déchiffrables à partir des signifiants linguistiques révélateurs du contexte situationnel et socio-discursif pertinents en rapport avec la prise de parole politique. La quête de la significativité du discours politique des instances institutionnelles sous étude s’inscrit dans la perspective cognitive de Gilles Bourque et Jules Duchastel (1988, p. 10) qui perçoivent le discours politique comme « la représentation de l’espace, de la communauté, des rapports sociaux et du rapport de l’individu à la société (l’éthique). Le discours politique prend part ainsi aux différents procès d’institutionnalisation de la société et contribue à la formation des blocs sociaux particuliers ». Les composantes spatiale et actoriale qui fusionnent avec la dimension temporelle constituent ainsi des seuils discursifs de dévoilement du sens latent des énoncés politiques assertés.
Contexte socio-discursif ritualisé et parole politique légitimée
Les discours d’I. Traoré, A. Maiga et A. Tiani sont encadrés par des institutions politiques ritualisées satisfaisant à « l’ordre du discours » (Foucault, 1970). En effet, les traceurs de la spatialisation et la temporalisation sont révélateurs des cadres discursivo-politiques institutionnalisés. Les occurrences ci-dessous le démontrent :
[1] DISCOURS DE S.E LE CAPITAINE IBRAHIM TRAORÉ, PRÉSIDENT DU FASO, CHEF DE L’ÉTAT. Prononcé le samedi 6 juillet 2024 à Niamey, à l’ouverture du 1er Sommet des Chefs d’État des pays membres de l’Alliance des États du Sahel. (IT, 2024, p. 1)
[2] C’est un immense plaisir et un honneur pour nous de nous retrouver à Niamey aujourd’hui 6 juillet 2024, un jour béni, une date mémorable. (IT, 2024, p. 1)
[3] Discours du Colonel Abdoulaye MAIGA, Ministre d’État, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Porte-Parole du Gouvernement de la République du Mali, à l’occasion du Débat général de la 79ème session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies. New York, le 28 septembre 2024 (AM, 2024, p. 1)
[4] Demain 18 décembre 2024, par la grâce d’Allah, le Clément et le miséricordieux, nous célébrerons le 66ème anniversaire de la République du Niger. Il est de tradition en cette occasion qui coïncide avec la fin de l’année, de faire un rappel des principales réalisations accomplies par le Gouvernement et d’exposer les perspectives qui s’offrent à nous (AT, 2024, p. 1).
Ces extraits font état des propos d’escorte, des seuils paradiscursifs qui situent ces productions dans leurs contextes socio-historiques de production, voire d’interprétation. Les titres en [1] et [3] tels que présentés par les sites officiels des présidences du Faso et du Mali font la captation sur la nature des propos, la qualité des sujets discoureurs et les contextes officiels de la prise de parole par ces orateurs politiques. Cette plantation de décor référentiel est complétée par les propos ouvroirs des prééminences institutionnelles du Burkina Faso et du Niger en [2] et [4] qui situent leurs auditoires sur l’objet de leurs discours, lequel est assorti des caractérisations spatiales et temporelles réelles et vérifiables qui s’insèrent, selon, dans une tradition nationale ou historico-diplomatique. Le discours de I. Traoré à Niamey est donc le geste inaugural d’une diplomatie de crise postcoloniale à trois constituants, trois États, ce qui convient d’appeler désormais l’Alliance des États du Sahel. Ce regroupement sélectif au sein d’un « régionalisme coopératif » (Sahouegnon, 2025) rappelle la genèse et les attentes de l’ONU à sa création en 1945, actualisées par A. Maiga à l’entame de ses propos à la tribune de la 79ème session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies :
Monsieur le Président, le 2 juin 1945, en signant la Charte des Nations Unies, à San Francisco, les peuples se sont résolument engagés « à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances ». Aujourd’hui, l’occasion nous est offerte de nous prononcer sur le thème suivant : « Ne laisser personne de côté : Agir ensemble pour la promotion de la paix, du développement durable et de la dignité humaine pour les générations présentes et futures ». Le choix de ce thème, qui intervient 79 ans après la signature de la Charte des Nations Unies, est-il un pur hasard ou le résultat d’une construction mentale? Nous l’ignorons. Cependant, force est de constater, malheureusement, que se pose, encore, avec forte acuité, la problématique de la préservation des générations : non seulement celles du future, mais également la nôtre (AM, 2024, p. 2).
Bien qu’incisifs, mais empreints de registre analogique, ces propos, tout en donnant une orientation globale au ton et au sens de sa prise de parole, révèlent en filigrane la légalité et la légitimité d’une organisation de défense des droits des peuples opprimés durement réprimée tant dans la sous-région qu’à l’international. Par parallélisme de fond et de forme, l’AES créée et défendue par I. Traoré, A. Goïta (représenté à l’ONU par A. Maiga) et A. Tiani est donc, comme l’ONU, légale et légitime. Mais dans un environnement crisogène, ponctué de « l’accroissement du désordre et de l’incertitude » (Morin, 2016, p. 17), cette légalité et cette légitimité sont davantage renforcées par des actions diplomatiques (la tenue du 1er sommet de l’AES) et des inférences emphatiques intradiscursives dénotant et connotant la nouvelle organisation sous régionale chez A. Maiga et A. Tiani. Ces cadres réglementaires de la prise de parole légitiment le discours et les auteurs du discours qui se mettent en scène dans la posture des voix autorisées.
Prise de parole politique et adresse légitimante
À en croire Chaim Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca (2008, p. 426), « le discours est une manifestation, par excellence, de la personne ». L’un des lieux de monstration de la mise en scène de soi est bien le discours politique qui offre la possibilité aux locuteurs politiques en quête de légitimité de se déployer afin de faire valoir leur crédibilité. Les discours de I. Traoré, A. Maiga et A. Tiani sont un creuset de la construction de la légitimité et de la crédibilité. Leurs actes de parole assumés à travers l’énonciation élocutive participent de leur autolégitimation et consacre « la légitimation du rôle et la légitimation du titulaire du rôle » (Le Bart, 1998, p. 79-81). En tant que personnes, militaires et chefs d’État, leurs différents statuts et rôles sont pris en charge par des signifiants linguistiques affectés du sceau de la subjectivité. Les subjectivèmes sériés dans leurs discours sont symptomatiques d’une charge énonciative caractéristique des postures individuelle et collective. Les marqueurs de la subjectivité individuelle, notamment les déictiques de première personne du singulier (« je » / « me » / « moi » / « mes ») sont quasi inexistants chez I. Traoré mais prégnants et en co-usage avec les adjectifs déterminatifs exprimant la pluralité (« notre » / « nos ») au niveau de l’attaque et dans le corps du texte des discours de A. Maiga et A. Tiani :
[5] À l’entame de mes propos, je voudrais vous adresser les chaleureuses salutations de son excellence Le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’État, celles du gouvernement et du Peuple Maliens; Je voudrais ensuite vous adresser, Monsieur le Président, les chaleureuses félicitations de la délégation Malienne pour votre brillante élection à la présidence de la 79ème session de l’Assemblée générale; Enfin permettez-moi de réitérer à M. le Secrétaire général de l’ONU, M. Antonio GUTERRES, nos encouragements à poursuivre les efforts pour la réalisation des nobles objectifs de notre Organisation commune (AM, 2024, p. 2)
[6] J’aimerais ici vous dire que je sais ce que vous êtes en train d’endurer, en termes de privation et de vie chère; Je mesure les sacrifices que vous êtes en train de consentir pour notre dignité retrouvée, pour la souveraineté de notre patrie et pour notre cher pays, le Niger, reste debout dans l’indépendance; Je salue votre résilience, votre courage dans l’épreuve, votre patriotisme et votre sens de l’histoire; Je tiens à vous assurer que votre engagement et vos efforts commencent à porter leurs fruits : celui de la dignité et de la souveraineté retrouvées d’un Niger nouveau dans lequel les Nigériens sont maîtres de leur destin (AT, 2024, p. 4).
Ces occurrences ont en commun les traces de l’énonciation individuelle mais avec une nuance cognitive. Le locuteur politique dans [5] s’exprime à la première personne. Cependant, il complète son énonciation avec la charge du mandat par procuration dont il jouit en tant que porte-parole de gouvernement de la République du Mali. Par contre, dans [6], l’orateur assume son rôle politique de chef de l’État, garant du bien-être de son peuple dont il bénéficie de la loyauté. La rencontre entre loyauté du peuple et crédibilité de l’instance discursive construit la légitimité de A. Tiani tandis que celle de A. Maiga est tributaire de son pouvoir par mandatement. En tant que représentants de leurs peuples aux différentes instances de la prise de parole, les trois hommes politiques s’identifient à ces derniers pour verbaliser leur degré de fusion, de cohésion et de partage. Les actualisateurs du lien fusionnel sont légion et perceptibles dans l’emploi itératif des déictiques de la première personne du pluriel tantôt pour révéler la profondeur du cordon familial transnational entre les trois nations [7], tantôt pour mettre en perspective leur objet de quête c’est-à-dire la véritable souveraineté et le développement de leurs pays [8] et [9] :
[7] C’est un immense plaisir et un honneur pour nous, de nous retrouver à Niamey aujourd’hui 6 juillet 2024; Dans nos veines coule le sang de ces vaillants guerriers qui ont combattu et qui nous ont légué ces terres que nous appelons le Mali, le Burkina Faso et le Niger; Dans nos veines coule le sang de ces vaillants guerriers qui ont aidé le monde entier à se débarrasser du nazisme et bien d’autres fléaux ; Dans nos veines coule le sang d’hommes dignes, d’hommes robustes, d’hommes forts. Et pour cela, soyons fiers d’être des ressortissants de l’espace AES (IT, 2024, p. 1)
[8] La voie médiane promue par le Mali consiste à réaliser notre développement en empruntant un chemin plus vertueux : veiller au respect de notre souveraineté tout en respectant celles des autres; refuser l’hétéronomie tout en refusant de nous ingérer dans les affaires intérieures des autres (AM, 2024, p. 4)
[9] Ce que nous avons réussi, c’est renvoyer de notre pays, sans haine, ni violence, les forces qui entravaient notre souveraineté et empêchaient véritablement à nos FDS de monter en puissance pour accomplir efficacement leurs missions (AT, 2024, p. 6).
Comme cela se voit, dans sa forme plurielle, le pronom personnel, en emploi conjoint avec le déterminatif possessif tel qu’illustré plus haut, construit la subjectivité collective d’un peuple frère lié par le même destin, ayant connu les mêmes tribulations et conjecturant le même avenir. Dans leur style républicain, appelant constamment le peuple à témoin des actions antérieures et prospectives, mais aussi en tant qu’acteurs essentiels de la construction nationale et sous-régionale, I. Traoré, A. Maiga et A. Tiani remplissent davantage leur compte de crédibilité et passent pour des sujets orateurs-politiques autorisés, sources du vrai discours au sens où l’entend Foucault :
Le discours vrai – au sens fort et valorisé du mot – le discours vrai pour lequel on avait respect et terreur, celui auquel il fallait bien se soumettre, parce qu’il régnait, c’était le discours prononcé par qui de droit et selon le rituel requis; c’était le discours qui disait la justice et attribuait à chacun sa part; c’était le discours qui, prophétisant l’avenir, non seulement annonçait ce qui allait se passer, mais contribuait à sa réalisation, emportait avec soi l’adhésion des hommes et se tramait ainsi avec le destin (Foucault, 1970, p. 8).
Sur cette base principielle, fondée sur la relation de réciprocité entre l’instance politique et l’instance citoyenne, les discours de A. Tiani, A. Maiga et I. Traoré envoient des signaux qui satisfont aux trois conditions de crédibilité, à savoir la condition de sincérité, la condition de performance et la condition d’efficacité :
[10] C’est pourquoi nous avons décidé de nous révolter et de prendre le destin de nos États en main… Nous sommes venus briser la chaîne, et c’est inconcevable pour eux. Ils nous ont approchés et nous ont demandé de rentrer dans les rangs pour faire partie de l’élite qui doit diriger l’Afrique, parce qu’ils ont une élite formée et formatée pour suivre leur logique, qui est incrustée dans leur chaîne. Nous avons refusé de rejoindre leurs rangs. Et dès lors les hostilités ont commencé. Ils ont envoyé dans nos zones plusieurs mercenaires, des formateurs, des agents dans le Sahel pour mener des attaques barbares et lâches contre nos populations, dans l’espoir de les révolter. À ces attaques sur le terrain s’ajoutent la guerre de communication, la manipulation et la désinformation (IT, 2024, p. 4).
[11] Sur le plan de la lutte contre l’insécurité, depuis que les Forces de Défense et de Sécurité maliennes ont lancé des actions offensives, de manière autonome, de nombreux succès ont été remportés sur le terrain de la lutte contre le terrorisme, toutes les régions ont été reprises des mains des groupes terroristes, notamment la région de Kidal, le 14 novembre 2023, à la suite d’une opération militaire mémorable… Aujourd’hui, les groupes terroristes ont été sérieusement affaiblis, les Forces de Défense et de Sécurité sont déployées sur l’ensemble du territoire national. En outre, les actions offensives de nos forces se poursuivent, pour démanteler les réseaux terroristes résiduels (AM, 2024, p. 5).
[12] La célébration de l’anniversaire de la proclamation de notre République intervient, cette année, dans un contexte particulier marqué par l’affirmation par le peuple nigérien de sa souveraineté suite à la prise de pouvoir par les Forces de Défense et de Sécurité regroupées au sein du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). Depuis lors, comme vous le savez, notre pays fait face à une adversité totale d’un côté, de la part de tous les acteurs externes qui voudraient nous voir revenir dans leur giron; et de l’autre, des traîtres internes qui se sont compromis avec les intérêts étrangers et se sont adonnés à l’accaparement frauduleux de nos ressources publiques (AT, 2024, p. 2).
Dans ces extraits, la franchise des propos et la transparence des informations communiquées sur l’impasse sécuritaire dans les trois pays en crise justifient la solution militaire implémentée et valident la condition de sincérité de ces orateurs. En outre, la volonté de rupture des liens de dépendance et la reconquête de la souveraineté du peuple ne se limite pas aux effets d’annonce. Elle coule dans le moule de la performativité, faisant ainsi valoir l’implicature pragmatique entre le dire et le faire. La congruence entre la praxis linguistique d’annonce et la mise en œuvre des pratiques sociales conséquentes valide la condition de performance. En contexte de lutte de souveraineté, les actions réussies agissent comme de véritables stimuli qui poussent l’instance adversaire à la réaction. Comme le montrent les séquences discursives ci-dessus, lesdites réactions sont parfois frappées de violences inédites. Dans cette veine, le dit et le fait suscitant de violentes réactions offensives confirment la condition d’efficacité. Les actions défensives des victimes situent le lecteur au cœur de la pragmatique où l’entremêlement des actes locutoires, illocutoires et perlocutoires construisent la crédibilité de ces locuteurs politiques, renforcent leur autorité intra-discursive tout en façonnant leur ethos de chef. Cette image de grandeur et d’honnêteté, celle qui « n’admet pas qu’on trompe le peuple » (Charaudeau 2005, p. 135), est révélée dans la triple figure de guide, de souverain et de commandeur. En tant que guides, les trois locuteurs politiques sont issus du même groupe social qu’ils mobilisent et tentent d’assurer la survie et le bien-être. Dans leur étiquette de chefs-souverains, ils se montrent garants des valeurs de paix, de justice sociale, de l’identité nationale et de la souveraineté totale de leur peuple. Sous leur manteau de commandeurs, les discours de I. Traoré, A. Tiani, A. Maiga donnent à voir des acteurs politiques prompts à l’action, voire à la violence légitime de l’État, comme le démontrent ces propos sentencieux :
[13] Vous me donnez l’occasion d’une part, de vous réitérer que nul ne peut aimer le Mali, plus que les Maliens et d’autre part, de vous rappeler que le Mali et son peuple ne seront pas les spectateurs face aux assauts et l’adversité : pour chaque mot employé de travers, nous réagirons par réciprocité, pour chaque balle tirée contre nous, nous réagirons par réciprocité. À bon entendeur, tant pis! (AM, 2024, p. 8).
Les actes de langage potentiellement menaçants dans cet extrait sont symptomatiques du rapport de force entre les entités oppositionnelles et augurent l’équilibre de la terreur en situation de trouble. Dans leur posture de leaders charismatiques, de combattants et du rejet de l’adversaire, l’ethos de chef de ces derniers croise une altérité binarisée verbalisée selon une classification antithétique.
Binarisation altéritaire sous le prisme de la construction antinomique
En contexte de production discursive qui appelle les interlocuteurs du type « présent + non-loquent » (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p. 34), les allocutaires directs et indirects sont textualisés sous deux paradigmes oppositionnels : l’altérité constitutive et l’altérité adversative. L’altérité constitutive ou intégrative, l’autre Moi des orateurs politiques-militaires, formée de leurs compatriotes loyaux et de la fratrie recomposée, est marquée du sceau de la positivité. Les pronoms d’adresse et leurs allomorphes, les termes génériques assortis des axiologiques mélioratifs affectifs illustrent la connivence entre l’instance politique et l’instance citoyenne. Les séquences ci-dessous en sont une illustration :
[14] Vous êtes plus que des amis, vous êtes plus que des voisins, vous êtes nos frères, vous êtes nos sœurs; hommes dignes; hommes robustes; ressortissants de l’espace AES; populations de l’AES; peuples de l’AES; vaillants guerriers; Maliens; peuple malien; vaillantes Forces de Défense de Sécurité maliennes; Nigériens; Nigériennes; peuple nigérien; notre grand peuple, soutenu par ses frères du Burkina et du Mali; pays amis et frères; chers compatriotes; nos autres deux pays frères, le Burkina Faso et le Mali; nos concitoyens de la Confédération AES (IT; AM et AT, 2024).
L’usage gratifiant de ces marqueurs de l’altérité fusionnelle, preuve de la réciprocité politique, contraste, dans le même espace discursif, avec le système de désignation de l’altérité adversative. En effet, dans un contexte de crise, la prise de parole des locuteurs politiques est au service de la bataille symbolique ou non. Symboliquement, l’affront verbal emprunte au sémantisme de la guerre pour construire une isotopie lexicale frappée du sceau de la disqualification de l’instance altéritaire. Ces évaluatifs axiologiques minoratifs le montrent :
[15] impérialistes; valets locaux; esclaves de salon; des individus qui n’ont aucune dignité, qui n’ont aucune morale, qui n’ont aucune personnalité. Mais le maître des esclaves a toujours su identifier ces individus; élites formées et formatée pour suivre leur logique; mercenaires; provocateurs; groupes criminels; sponsors étatiques étrangers; terroristes; groupes armés; saigneurs de la guerre et du chaos; entités impérialistes et néocoloniales; puissances néocoloniales; nos ennemis; Africains renégats; organisations mafieuses; certains responsables de la CEDEAO (IT, AM et AT, 2024).
À l’observation, l’artifice rhétorique construit sur le modèle de l’évaluation négative, avec un emploi vigoureux des axiologiques dépréciatifs, dévoile deux composantes actoriales, internes et externes. Au regard de leurs actions conjuguées et de l’impact sur les structures sociales, il va sans dire que l’ultime objectif de leur collaboration est la déstabilisation, la désintégration, la paupérisation et l’exploitation à perpétuité des peuples postcolonisés. Ce système de caractérisation à dominance négative atteste que dans le duel symbolique pris en charge par la parole, « les mots sont des bombes et des balles » (Roth cité par Kerbrat-Orecchioni, 1980, p. 74). Au demeurant, le regard critique sur l’adversaire, dans ses aspects les plus pervers, renforce l’intention des discoureurs politiques dont l’une des visées est la caractérisation du réel social postcolonial car « le discours politique est une pratique sociale qui permet aux idées et aux opinions de circuler dans un espace public où se confrontent divers acteurs qui doivent respecter certaines règles du dispositif de communication » (Charaudeau, 2005, p. 42).
Discours politique et figuration du réel social : une triangulation impérative
Les prises de parole de I. Traoré, A. Maiga et A. Tiani charrient les stigmates d’une conjoncture politique ponctuée de crises plurielles. Dans leur posture de guides suprêmes, ces locuteurs politiques entendent conjurer cette réalité sociale et insuffler une dynamique prometteuse. Sur cette trajectoire, leur rhétorique politique s’inscrit dans la conceptualisation de Charaudeau puisque
Le discours politique, qui cherche à faire adhérer le public à un projet ou à une action, ou à le dissuader de suivre un projet adverse, insiste plus particulièrement sur le désordre social dont est victime le citoyen, sur la source du mal qui s’incarne dans un adversaire ou un ennemi, et sur la solution salvatrice qui s’incarne dans un homme politique qui tient le discours (Charaudeau, 2005, p. 70).
À l’analyse, désordre social et source du mal structurent la trame discursive des acteurs politiques susmentionnés. Dans la perspective de son inflexion positive, la réalité sociale au Burkina Faso, au Mali et au Niger est portraiturée sous les aspects les plus abjects.
Un présent abject sous l’emprise des instances oppressives : entre souffrance, crises sécuritaires et violence internationale
L’état du social dépeint dans les discours politiques étudiés est révélateur des clichés et lieux communs caractéristiques de la narration eurocentriste. Le poncif de l’Afrique, continent de malheur et de misère, le No Man’s Land est rappelé dans des tours sarcastiques. Souffrances, crises, violences et interventionnisme construisent le sémantisme du supplice imputé à l’instance adversaire. De façon méthodique, I. Traoré, A. Maiga et A. Tiani s’accordent les violons de la description :
[16] Permettez-moi également de rendre hommage au peuple nigérien, ce peuple qui a tant souffert depuis l’avènement du CNSP, à cause des sanctions de la CEDEAO mais qui continue de rester debout… L’Afrique est ce continent qui a tant souffert, et qui continue de souffrir, du fait des impérialistes. Ces impérialistes n’ont qu’un seul cliché dans la tête. L’Afrique est le continent des esclaves; c’est ainsi qu’ils voient l’Afrique. Ils n’ont jamais pu changer de logiciel jusqu’aujourd’hui et c’est déplorable (IT, 2024, p. 2).
[17] Le drame du Mali remonte à l’allégeance à AL-Qaida du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat… Fort de cette expérience et réalisant que le péril malien ne résultait que de l’état de nature… (AM, 2024, p. 3).
[18] Le moment est certainement venu de vous entretenir solennellement de la stratégie cynique mise en place par nos ennemis pour mettre notre pays à genoux et le soumettre… D’abord, sous le coup de la surprise et de la colère, nos ennemis, comme vous le savez, ont décidé d’un embargo inédit et inhumain contre le peuple nigérien pour donner à leur agression militaire contre notre pays toutes les chances de réussir (AT, 2024, p. 2).
Entre discours direct et psycho-récit, les mots et leurs expressions métaboliques sémiotisent les maux africains et en identifient les auteurs. Dans leurs propos liminaires, ces acteurs politiques constatent le niveau d’indigence des peuples puis remontent l’origine à un passé à la fois lointain et proche. La charge historique est marquée par le lexique qui rappelle les soubresauts de l’histoire coloniale de la France en Afrique, mais également les nouvelles formes de domination des peuples victimisés. L’articulation du passé douloureux au présent austère passe par la convocation des cadres prédiscursifs collectifs avec emphase sur le réalisme expérientiel. Dans ce cadre, l’« appel aux prédiscours » (Paveau, 2006, p. 127) consolide les savoirs partagés et l’expérientialité des discoureurs dont la trame textuelle renvoie les signaux d’un malaise social constant et de l’oppression permanente. La textualisation des stratégies actuelles de domination est réalisée selon la sensibilité linguistique et la charge émotionnelle des locuteurs :
[19] L’Afrique est le continent des esclaves; c’est ainsi qu’ils voient l’Afrique. Ils n’ont jamais pu changer de logiciel jusqu’aujourd’hui et c’est déplorable. Mais comment procèdent-ils? C’est malheureusement depuis les années 60, lorsque ces simulacres d’indépendances ont été donnés à l’Afrique. Ils n’ont juste fait que placer des valets locaux à la tête, selon eux, de leurs sous-préfectures, pour pouvoir continuer à les alimenter… Ces valets locaux, que nous allons qualifier aujourd’hui d’esclaves de salon, n’ont d’autre repère que chercher à vivre comme le maître, et faire tout ce que le maître leur dicte. Ils volent, ils pillent nos États et apportent tout chez le maître, et leur richesse est conservée chez le maître. Ils font tout pour vivre comme le maître et toujours le satisfaire. Lorsque le Maître commande ils exécutent…. Ils sont toujours prêts à trahir leurs frères pour satisfaire le maître. Ils nous ont trahis depuis les indépendances, et d’autres continuent jusqu’aujourd’hui de nous trahir au profit de leur maître (IT, 2024, p. 2).
[20] Soit dit en passant, qu’il me soit permis de rappeler que ce nouvel envoi de lettre intervient, pendant que le Mali attend encore la suite réservée à une précédente lettre de saisine du Conseil de Sécurité des Nations Unies, en date du 15 août 2022, afin d’exposer les actes d’agression français à son encontre ainsi que leur implication dans la promotion de trois formes de terrorisme au Sahel : terrorisme armé, terrorisme économique et terrorisme médiatique… Curieusement, depuis la création de l’AES, nous avons été surpris par l’hostilité farouche avec laquelle elle a été accueillie, en particulier par certains responsables de la CEDEAO aux ordres d’entités impérialistes et néocoloniales (AM, 2024, p. 6).
[21] Face à leur échec, au lieu de s’inscrire dans la marche de l’histoire en cours au Sahel, en prenant notamment acte de notre choix politique, nos ennemis, nostalgiques de leur position de puissance néocolonialiste et déterminés à défendre leurs intérêts, ont élaboré avec la complicité de certains Nigériens et Africains renégats, une nouvelle approche méthodologiquement articulée autour des actions suivantes : une cabale médiatique organisée contre le Niger; une approche machiavélique pour saper la cohésion entre les membres du CNSP; une campagne diplomatique pour diaboliser et isoler notre pays ; une guerre financière et économique pour étouffer notre pays; des démarches pour diviser notre peuple, l’installation des bases militaires, d’unité mixte de déstabilisation… (AT, 2024, p. 3).
Les contenus ci-dessus font l’état des lieux d’un espace sahélien crisogène resserré dans l’étau d’une volonté hégémonique sous-tendue par des forces externes et internes. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger étant le théâtre de la domination postcoloniale tous azimuts, les formes les plus saillantes sont clairement énoncées. Alors que I. Traoré dévoile le fonctionnement du colonialisme par procuration fondé sur le mythe de l’identification à l’agresseur [19], A. Maiga et A. Tiani démantèlent le dispositif oppressif multisectoriel et systémique consubstantiel à la Françafrique [20] et [21]. Une Françafrique décomplexée dont les pratiques explicitement exprimées actualisent le « pacte néocolonial qui ne sert ni l’indépendance économique des pays africains, maintenus dans une économie de traite, ni l’amélioration des conditions de vie de la masse des populations » (Phaëton, 2009, p. 12). Dans cette veine, la parodie d’indépendances, les démocraties tronquées sous le poids des fraudes électorales, la complicité entre les États et l’instrumentalisation des peuples, l’insécurité galopante et les interventions militaires à répétition et d’autres formes de violence sont autant de chefs d’accusation qui légitiment et revitalisent le sens du combat des présidents de l’AES.
Rhétorique politique et rapport de force : l’impératif de survie
En contexte de résistance postcoloniale, le ressassement des miasmes coloniaux en cours nourrit l’idée de la revanche. Inscrite dans la relation de pouvoir, la compensation recherchée se situe à la lisière de l’intra- et de l’extra-discours. La correction extra-discursive se manifeste par des actions concrètes menées dans la perspective de redorer l’image des États et des autorités inculpées. La répression intra-discursive procède de la rhétorique de la controverse pour tourner en dérision les valeurs occidentalisées et, par ricochet, la colonialité du pouvoir. Cette double posture corrobore l’idée selon laquelle « le discours est une forme d’‘‘agir’’ qui a d’ailleurs un caractère forcément agoniste, c’est-à-dire qu’il agit dans un champ marqué d’oppositions. Chaque discours politique valorise une position, défend certaines valeurs, appuie une personne plutôt qu’une autre » (Gingras, 2003, p. 71). Les discours d’I. Traoré, A. Maiga et A. Tiani sont traversés par ces considérations qui participent de leur positionnement en situation de dissension et de tensions diplomatiques. Leurs actions majeures se situent à l’entre-deux de la protection sécuritaire et la défense de la souveraineté de leurs États. Malgré leur longueur, ces extraits méritent d’être cités :
[22] Nous avons décidé de nous assumer. C’est pourquoi un 26 juillet 2023, alors que le Niger décidait de tourner la page, les esclaves de salon et leurs maîtres sont montés sur leurs grands chevaux. Ils ont mis en avant leurs valets locaux et ils ont décidé de mener une guerre contre le peuple nigérien. Nous avons donc dit que quiconque oserait s’en prendre au Niger nous aura en face, parce que nous mènerons une guerre sans pitié jusqu’à la dernière goutte de sang pour quiconque oserait s’attaquer à nos États. Cette décision que nous avons prise hier, est d’actualité aujourd’hui et le sera demain et pour toujours. Ainsi naquit l’AES le 16 septembre 2023 dans une architecture de défense mutuelle (IT, 2024, p. 4).
[23] Sur le plan de la lutte contre l’insécurité, depuis que les Forces de Défense et de Sécurité maliennes ont lancé des actions offensives, de manière autonome, de nombreux succès ont été remportés sur le terrain de la lutte contre le terrorisme, toutes les régions ont été reprises des mains des groupes terroristes, notamment la région de Kidal, le 14 novembre 2023, à la suite d’une opération militaire mémorable… Au regard de la complexité de la situation au Sahel et motivés par leur seul désir de prendre le destin de leurs pays en main, leurs excellences Le Capitaine Ibrahim TRAORE, Président du Faso, Chef de l’État du Burkina, Le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’État du Mali et Le Général de Brigade Abdourahamane TIANI, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l’État du Niger, ont dans un premier temps institué l’Alliance des États du Sahel : une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle dans la lutte contre le terrorisme, en signant la Charte du Liptako-Gourma, le 16 septembre 2023 (AM, 2024, p. 4-5).
[24] Ce que nous avons réussi, c’est de renvoyer de notre pays, sans haine ni violence, les forces qui entravaient notre souveraineté et empêchaient véritablement à nos FDS de monter en puissance pour accomplir leurs missions. Ce que nous avons réussi à faire c’est de dénoncer tous les contrats, textes législatifs, traités et conventions injustes qui ne vont pas dans le sens de l’intérêt du Niger. Ce que nous avons réussi, c’est prouver que le Niger peut tenir debout, faire face courageusement et avec succès au terrorisme, payer ses fonctionnaires, assurer ses dépenses de souveraineté de façon générale, bref, vivre, sans la prétendue assistance étrangère souvent utilisée pour menacer ou humilier les Nigériens. Ce que nous avons réussi, c’est que pour la première fois dans l’histoire de notre pays, les décisions qui engagent le Niger et son peuple sont prises au Niger, par des Nigériens et dans l’intérêt du Niger et nulle part ailleurs (AT, 2024, p. 6).
Trois contextes, trois militaires, trois hommes politiques, trois discours mais articulés et entremêlés les uns sur les autres avec pour finalité la communication sur leurs actions politiques et l’impact sur le quotidien des citoyen·nes. Dans leur stratégie communicationnelle, les actes de langage performatifs et les structures présuppositionnelles verbalisent les actions sociales, économiques et stratégiques réelles, visibles et palpables qui restaurent la confiance, la cohésion et la sécurité des peuples victimisés soucieux de la réappropriation de leurs entités territoriales. Par ailleurs, dans un ton acerbe, par le biais des constructions à la fois figuratives et anaphoriques, lesdites actions consolident la fracture entre un passé affligeant toujours présent et un présent en cours de transformation aux attentes radieuses fondées sur la participation citoyenne des peuples. Cette passerelle temporelle est assurée par des déictiques et les temps subjectifs qui se conjuguent pour inscrire lesdites actions dans l’antériorité, la simultanéité et la postériorité en rapport avec le bien commun et les aspirations du peuple. Dans leur style réaliste, ces locuteurs politiques réussissent à mettre en lumière les contradictions entre l’intention et l’action, le dire et le faire, le dit et le fait contraire et/ou approximatif des prééminences internationales. Les paradoxes pragmatiques ainsi relevés accentuent la rupture du pacte colonial et autres formes de liens de servitude en contexte postcolonial. En outre, des actions diplomatiques à l’échelle régionale, mais dont l’impact a une résonance internationale, constituent l’étymon du combat discursif de ces orateurs politiques. La mise en place du dispositif de contre-offensive sécuritaire fiable pour la protection des États sous les menaces et invasions extérieures structurent leur démonstration. Au 1er sommet de l’AES, à la 79e Session de l’ONU et pendant son adresse à la nation, la sublimation de l’AES comme alternative à la violence internationale devient une constance discursive tout comme le rejet de l’hétéronomie et la célébration de la souveraineté retrouvée. Mais un état de dignité et de souveraineté qui s’adosse sur quelques imaginaires de vérité dans une perspective de pérennisation des acquis et de l’ouverture critique.
Parole politique et perspective différentielle de la pratique politique
En situation de rivalité idéologique, la parole politique des trois chefs d’État s’offre comme un espace symbolique de réglage conflictuel et de positionnement. Si par essence l’« idéologie est une représentation du monde social et politique qui justifie des relations de pouvoir » (Gingras, 2003, p. 78), I. Traoré, A. Maiga et A. Tiani la perçoivent différemment. La strate textuelle de leurs discours est traversée par des idéogrammes lexicaux caractéristiques des croyances des peuples dont ils ont la charge. Liberté, dignité, souveraineté, justice, sécurité et bien-être sont des idéogrammes dominants qui participent des valeurs cardinales à implémenter à travers des actions politiques conséquentes. Deux orientations complémentaires se montrent comme condition sine qua non de réalisation de ce mythe politique en situation de domination postcoloniale.
Imaginaire de la tradition et renforcement de la fraternité transnationale
La fragmentation comme outil de domination des peuples africains par les puissances impératrices au moment du partage historique de l’Afrique est de plus en plus perçue par les instances victimaires comme un héritage démoniaque. Les frontières artificielles issues de la colonisation, sources de tensions internes et des conflits régionaux, alimentent les débats et structurent les discours contemporains qui mettent en toile de fond les identités politiques désincarnées. C’est dans cette perspective que Joseph-Roger de Benoist (2013, p. 5) réévalue « les dégâts corrélés au maintien des solidarités forgées par la colonisation et les ferments de division à l’œuvre dans l’Ouest africain française ». Dans une double posture d’évocation de ce séisme culturel et de reconstitution des identités fragmentées, les locuteurs politiques garants du ciment social l’État se positionnent. Sur les sentiers de la débalkanisation à petite échelle, les orateurs politico-militaires convoquent l’imaginaire de la tradition qui s’appuie sur la quête de l’origine afin de restaurer le patrimoine antérieur déstructuré dans la mesure où
L’imaginaire de la « tradition » est portée par des discours qui se réfèrent à un monde éloigné dans le temps, un monde dans lequel les individus auraient connu un état de pureté. Ce monde est évoqué comme un paradis perdu (l’Eden d’or de l’antiquité, l’Eden de la Bible) vers lequel il faudrait remonter pour retrouver une origine source d’authenticité. Est alors décrite une histoire de la communauté concernée, une histoire parfois inventée mais nécessaire pour établir une filiation avec les ancêtres, un territoire, une langue. Les descendants en seraient les héritiers, ce qui leur imposerait un devoir de « ressourcement », de récupération de l’origine identitaire (Charaudeau, 2005, p. 163).
L’authenticité recherchée par les présidents de l’AES étant consubstantielle à leur prise de parole, les marqueurs de l’ancestralité dans ses dimensions culturelle, sociale et politique y sont foisonnants. Les séquences discursives ci-dessous font l’économie des traceurs du ressourcement :
[25] À cette vision, s’ajoute une orientation du Chef de l’État qui appelle les Maliens, dans le cadre de la Refondation, à « redevenir eux-mêmes ». En effet, le Chef de l’État a procédé, le 23 avril 2024, au lancement du Programme National d’Education aux Valeurs (PNEV) qui vise « Un retour aux sources, sans lesquelles, il serait difficile d’envisager un avenir radieux pour notre pays, dans sa quête légitime de souveraineté ». L’invitation à redevenir nous-mêmes, ne saurait faire l’économie de la question de savoir qui nous sommes. La réponse immédiate à cette interrogation est donnée par la devise du Mali : Un peuple : grande famille, nation cosmopolite, un But : magnifier la diversité dans l’unité, uni pour bâtir le bien commun, une Foi : la foi à ce que Dieu a donné comme ressource pour la réalisation de la prospérité (AM, 2024, p. 3-4).
[26] Nous avons créé une alliance avec les pays avec lesquels nous avons la même histoire, la même trajectoire, les mêmes défis, les mêmes peuples et les mêmes aspirations : l’Alliance des États du Sahel qui nous unit au Burkina Faso et au Mali, deux pays frères qui sont résolument à nos côtés… Enfin, je voudrais, en ce moment où le regard des Nigériens est tourné vers les compétitions de notre lutte traditionnelle qui est à sa 45ème édition, souhaiter une belle KOKOWAR GARGAJIYA à tous : que le meilleur gagne et que les Nigériens fraternisent dans leur diversité culturelle et la sécurité (AT, 2024, p. 7-11).
La quête de l’origine et de la souveraineté sacrée sont les traits caractéristiques des deux occurrences ci-dessus. Aux Nations Unies, entre autres sujets abordés, le porte-parole du gouvernement malien rappelle, dans des structures emphatiques, les vertus ancestrales et la portée des valeurs culturelles et identitaires redéfinies dans la résolution interne de leurs différends [25]. Plus précisément, il s’agit des identités socialement et communautairement reconstituées sur le socle de la souveraineté ancestrale décloisonnée [26]. Un décloisonnement identitaire matérialisé dans la fraternité transnationale autant exaltée que la commémoration d’un évènement culturel renforçant la fibre identitaire. En outre, l’évocation du rassemblement commémoratif sportif, marqué d’empreinte nationale en langue locale, raffermit le sentiment de l’appartenance à une culture dépréciée en voie de revalorisation. L’alternance codique français-haoussa, avec mention spéciale sur le Championnat National de la Lutte Traditionnelle, « KOKOWAR GARGAJIYA », intensifie le sentiment national et la promotion des valeurs culturelles endogènes. La reconquête de la souveraineté nationale à travers l’usage de la langue locale trouve écho dans le slogan patriotique « LAABU SANNI NO ZANCEN KASA NE » signifiant « La Patrie d’abord, la Partie ensuite, la Patrie enfin » employé en usage et en mention dont la connotation autonomique dans le discours de A. Tiani magnifie les prouesses réalisées et à venir. Ces expressions culturellement marquées s’intègrent dans la verbalisation des prédiscours patrimoniaux, traceurs de l’héritage collectif des peuples du Sahel. Ce retour aux sources corrobore le Décret[8] du président I. Traoré sur l’érection de la Journée des coutumes et traditions au Burkina Faso.
Pratique politique et hétéronomie responsable : du conditionnement postcolonial à l’ouverture choisie
Le ressassement des frasques coloniales qui participent du conditionnement des postcolonisé·es et la communication publique sur les actions de sauvetage entreprises en contexte de violence plurielle accréditent le compte des acteurs politiques militaires d’un quotient de responsabilité et de crédibilité. Leur degré d’attachement à leur socle national, assorti de leur pugnacité à réformer leurs nations, fait d’eux des leaders charismatiques aux allures de guides-bergers et de guides-prophètes à la recherche du souverain bien. Cependant, cette idéalité sociale n’est réalisable qu’à travers l’implémentation d’une philosophie politique qui s’adosse sur le vécu des citoyen·nes. Le geste réparateur s’articule entre la fracture idéologique antérieure et l’ouverture critique. Dans les structures textuelles des discours étudiés, les signaux de la rupture sont pris en charge par l’énoncé négatif et les déictiques temporels en lien avec la postériorité :
[27] À ces attaques sur le terrain s’ajoutent la guerre de communication, la manipulation, la désinformation. Mais les peuples du Sahel ont compris et ils ne pourront plus jamais les manipuler. Ils savent d’où ils viennent, ce qu’ils font et où ils vont. Nous ne permettrons plus cela; les peuples sont éveillés. Et nous nous battons aujourd’hui, non pas pour nous-mêmes, mais pour les générations futures. Nous ne tremblerons pas. Nous allons affronter ; nous nous battrons pour une véritable indépendance, pour notre liberté (AT, 2024, p. 3).
[28] Depuis la fin de l’Accord d’Alger le 25 janvier 2024, les Maliens n’expriment qu’un seul vœu le concernant : que son âme repose en paix! M. Le Ministre des Affaires étrangères, l’accord est bel et bien mort, vos incantations ne serviront pas à le ressusciter. Vous me donnez l’occasion d’une part, de vous réitérer que nul ne peut aimer le Mali, plus que les Maliens et d’autre part, de rappeler que le Mali et son peuple ne se seront pas des spectateurs face aux assauts de l’adversité : pour chaque mot employé de travers, nous réagirons par réciprocité. À bon entendeur, tant pis! (AM, 2024, p. 8).
[29] Ce que nous avons réussi, c’est l’unité de notre peuple sur des questions d’intérêt national. Désormais, tous les Nigériens regardent dans la même direction; celle qui préserve les intérêts supérieurs de notre pays : Labou Sanni No. Zanchin Kassa né (AT, 2024, p. 6).
Dans leurs différents propos, ces locuteurs politiques font figure de guides-souverains issus de leurs communautés terrifiées et dont la vision est de les conduire vers la liberté et la dignité totales. Pour y parvenir, ils procèdent par la mise en opposition de deux temporalités contrastées : le passé et le l’avenir. Un passé ignoble qui se conjugue avec un présent austère à partir duquel se projette un avenir sublimé, d’où la triple articulation des temps déictiques : passé composé-présent-futur. Dans ce processus, la conjonction entre les marqueurs de l’énonciation délocutive (« ils », « les peuples », « les Maliens », « les Nigériens ») et ceux de l’énonciation élocutive (« Nous », « notre ») met en toile de fond la position idéologique commune des instances politique et citoyenne : la rupture. Explicitement exprimée dans les structures textuelles, la rupture est actée par l’usage itératif de l’énoncé négatif sous ses multiples variances. Dans la figuration sémiotique de cette fracture, une valeur ajoutée est accordée à la forme tonique « ne… plus », marqueur grammatical de l’irréversibilité des décisions prises, amplifié par les adverbes de temps « jamais » et « désormais », accomplissant la même fonction cognitivo-syntaxique. En tant que leaders investis d’un capital culturel élevé, leur attitude proactive participe d’un basculement irrévocable dans l’avenir. Ce qui subsume un choix stratégique et opérationnel en contexte de diplomatie préférentielle.
Sur cette voie, ces acteurs politiques remettent en question le partenariat exclusif de la puissance française dans ses anciennes colonies, mettant ainsi à mal le pré-carré français en Afrique. D’après la philosophie politique des présidents des États membres de la Confédération des États du Sahel, leurs pays ne sauraient être la propriété d’un quelconque État fût-il de la métropole hexagonale. C’est pourquoi, à l’unanimité, ces locuteurs politiques rejettent l’hégémonie sempiternelle de la France sur toutes ses formes et prônent l’ouverture critique aux autres :
[30] Pour effrayer les populations de l’AES, ces individus n’ont que trois termes à la bouche : démocratie, liberté, droits humains. Bien entendu, leurs valets locaux ne sont élus que dans le cadre d’un processus démocratique, libre et transparent, selon eux et leurs valeurs. Quoi de plus normal pour eux; mais qu’on veuille nous imposer cela, parce que ce sont eux qui édictent les règles, nous ne l’accepterons pas (IT, 2024, p. 3-4).
[31] La voie médiane promue par le Mali consiste à réaliser notre développement en empruntant un chemin plus vertueux : veiller au respect de notre souveraineté tout en respectant celle des autres; refuser l’hétéronomie tout en refusant de nous ingérer dans les affaires intérieures des autres; être ouvert à tous les partenariats sur une base gagnant-gagnant. Aussi, il est important de relever que ces principes et valeurs caractérisent, mutatis mutandis, les peuples frères du Burkina Faso et de la République du Niger (AM, 2024, p. 4).
[32] Ensuite nous avons décidé de diversifier nos partenaires et d’inscrire désormais nos relations diplomatiques dans le principe de respect mutuel, d’égalité souveraine et d’un partenariat sincère, équilibré et gagnant-gagnant qui prend en compte les intérêts de notre pays… Aussi, j’invite chaque Nigérien à se forger l’intime conviction que le Niger est notre bien commun. Il nous appartient et non à une quelconque puissance étrangère ou à une quelconque organisation régionale ou internationale (AT, 2024, p. 7-10).
Dans ses tours sarcastiques, I.·Traoré tourne en dérision les valeurs défendues par la République française dont l’application en postcolonie demeure querellée. Les marqueurs de la distance énonciative (« selon eux », « leurs valeurs », « pour eux »), corrélés à la désignation minorative de l’adversaire (« ces individus »), acèrent les angles de la critique des mauvaises pratiques des us occidentaux en Afrique. Il y a donc chez cet homme d’État une volonté de désacralisation des idéaux politiques de l’Ailleurs par l’opération de désémantisation du patrimoine discursif idéologique antérieur. Les contenus des notions telles que la démocratie, la liberté et les droits de l’humain semblent géographiquement instables. La polémique qui en découle est davantage perceptible dans la distance énonciative textualisée dans la construction antinomique de l’altérité puissante et de l’identité opprimée [30]. Dans la même veine, A. Maiga et A. Tiani prennent position sur le sens du protectionnisme de leurs États en capitalisant sur la qualité du partenariat et la pluralité des partenaires géostratégiques. La double caractérisation par le nom, réalisée par l’attelage du déterminant spécifique et du déterminant complémentaire exprimant la totalité dans l’expression « être ouvert à tous les partenariats » [31] est symptomatique de la fracture postcoloniale et de la pluriversalité idéologique aux multiples vertus. Bien qu’encore au stade inaugural, les retombées des accords[9] avec la Russie et la Chine sur leurs structures sociales semblent alléchantes.
Conclusion
Au regard des analyses ci-dessus menées, la parole politique des orateurs-présidents de la Confédération de l’AES est un acte de langage complexe à trois variables sociologiques : le constat, l’action et la vision. Sur la base de la réalité sociale marquée de tensions et de violences protéiformes, des actions concrètes conséquentes répondent en écho, illustrant un environnement conflictuel où le rapport de place et l’équilibre de la terreur sont en vigueur. Dans leur posture d’acteurs politiques républicains, ces hommes d’État s’entourent du manteau de guide-souverain pour éclairer leurs peuples et les conduire sur les chemins de la liberté, moyennant courage et abnégation. En définitive, en contexte de controverse idéologique et de légitime défense, le discours politique des militaires-présidents devient un acte de foi républicain. Seulement, afin que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets dans les mêmes circonstances, ces meneurs d’hommes en quête de souveraineté devront faire preuve de sincérité et d’honnêteté dans leurs stratégies managériales pour éviter un éternel recommencement. Aussi et surtout, en portant la voix d’une Afrique en quête de dignité et de souveraineté, ces locuteurs et acteurs politiques devront être précautionneux sur la nature des accords avec les nouveaux partenaires. Une démarche géostratégique avisée avec la Russie et la Chine éviterait que, comme hier, l’Afrique assiste, impuissante, à un nouveau dispositif de domination sous les labels Russeafrique et/ou Chineafique.
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Thimonier, Olivier. 2008. La France coloniale d’hier et d’aujourd’hui. Paris : Survie.
Verschave, François-Xavier. 1999. La Françafrique. Le plus long scandale de la République. Paris : Éditions Stock.
Verschave, François-Xavier. 2000. Noir silence : Qui arrêtera la Françafrique? Paris : Éditions des Arènes.
Verschave, François-Xavier. 2004. De la Françafrique à la Mafiafrique. Bruxelles : Éditions Tribord.
Corpus
- Discours de S.E. Le Capitaine Ibrahim TRAORÉ, Président du Faso, Chef de l’État, prononcé le samedi 6 juillet 2024 à Niamey, à l’ouverture du 1er Sommet des Chefs d’Etat des pays membres de l’Alliance des États du Sahel. https://www.presidencedufaso.com
- Discours du Colonel Abdoulaye MAIGA, Ministre d’État, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Porte-Parole du Gouvernement de la République du Mali, à l’occasion du Débat général de la 79e session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies. New York, le 28 septembre 2024. www.gadebate.org
- Message à la Nation du Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), Chef de l’État, le Général de brigade Abdourahamane TIANI / 66è anniversaire de la proclamation de la République du Niger, le 18 décembre 2024. https://www.actuniger.com
- Nous empruntons cette expression à Edgar Morin, théoricien de la crisologie qui a commis plusieurs ouvrages dans le domaine parmi lesquels Pour une crisologie publié en 2016. ↵
- Ces acteurs politiques ne sont pas choisis au hasard. En effet, l’actualité politique en Afrique de l’Ouest depuis 2021 est dominée par des coups d’État à répétition revendiqués par des militaires portés à la magistrature suprême de leurs États. Dans leurs postures de militaires-présidents, ils tiennent des contre-discours porteurs d’un imaginaire de souveraineté et de justice sociale. Dans ce contexte de crise sécuritaire, d’agressions extérieures multiformes, de tension avec la CEDEAO et autres formes d’ingérence, émerge une rhétorique de la rupture structurée autour de la légitimation des acteurs politico-militaires et de la reconfiguration idéologique. De ce fait, les productions discursives analysées sont des discours institutionnels ritualisés, prononcés (par deux militaires-Présidents (le Capitaine Ibrahim Traoré et le Général Abdourahamane Tiani) et un porte-parole d’un gouvernement militaire (Abdoulaye Maiga, en lieu et place du Colonel Asimi Goita)) à des moments déterminants de la vie d’une nation (1er Sommet de l’AES; 79è Session de l’Assemblée générale de l’ONU et le 66è anniversaire de la proclamation de la République). Étant donné que les trois discours des trois hommes d’État sont des discours politiques, qu’ils sont ancrés dans une temporalité commune (2024) et une spatialité homogène (États du Sahel), alors ils satisfont aux trois critères de pertinence d’un corpus notamment : la représentativité, l’exhaustivité et l’homogénéité. Par ailleurs, en tant que discours officiels, ils sont l’émanation des transcriptions officielles issues des sites officiels de la présidence de chacun des pays (Burkina Faso, Mali, Niger). ↵
- Cette langue d’expression est le Nguemba. Elle est parlée par la communauté linguistique répartie dans quatre départements de la région de l’Ouest au Cameroun, notamment : Bamendjou et Baméka (dans les Hauts-Plateaux), Bansoa (dans la Menoua), Bamougoum (dans la Mifi) et Bafounda (dans les Bamboutos). ↵
- Son discours du 6 juillet 2024 à Niamey, à l’ouverture du 1er Sommet des Chefs d’État des pays membres de l’Alliance des États du Sahel. ↵
- Son discours du 28 septembre 2024 à New York à l’occasion du Débat général de la 79e session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies. ↵
- . Son discours du 18 décembre 2024 à l’occasion du 66e anniversaire de la proclamation de la République du Niger. ↵
- Dans la suite du raisonnement, les noms de ces locuteurs politiques seront abrégés entre parenthèses comme suit : Ibrahim Traoré = IT; Abdoulaye Maiga = AM et Abdourahamane = AT, après les exemples illustratifs. ↵
- Il s’agit du Décret no2024-0500/PRES-TRANS/PM/MATDS/MFPTPS/MCCAT du 06 mai 2024 du gouvernement du Burkina Faso qui consacre la date du 15 mai de chaque année comme la Journée des Coutumes et Traditions (JCT). ↵
- . Coopération Burkina Chine. [En ligne] Quotidien Sidwaya URL https://www.sidwaya.info (consulté le 25 septembre 2O25); Accords Russie et Burkina. [En ligne] Scribd URL https://fr.scribd.com (consulté le 25 septembre 2O25) ↵