Volume 2, numéro 1 – 2025. Un tournant afro dans l’analyse du discours au Brésil?

Pratiques de réexistences noires au Brésil : une analyse discursive critique afro-diasporique

Marco Antonio Lima do BONFIM

 

Introduction

Dans cet article, je défends une perspective d’analyse discursive critique d’orientation décoloniale afro-diasporique à partir de l’analyse de la (re)production du racisme LGBTQIA+phobe[1] et des resignifications discursives et sémiotiques présentes dans les vécus et les réexistences du corps bicha preta[2] dans le contexte brésilien. J’ai eu recours au terme réexistences en m’appuyant sur le concept de littératies de réexistence proposé par la linguiste noire Ana Lúcia Souza (2011). Selon cette autrice, ce concept désigne la re-signification des « […] rôles et places sociaux […] attribués [aux sujets noirs] par une société marquée par des inégalités raciales et sociales » (Souza, 2011, p. 157). La réexistence noire renvoie ainsi, ici, aux pratiques quotidiennes d’usage du langage par la population noire (en l’occurrence, par une bicha preta), qui suscitent des relectures des identités raciales en permettant la re-signification ou la réorientation des trajectoires des sujets noirs.

Dans cette perspective, le racisme est défini comme étant structurel, tel que le synthétise Silvio Almeida (2019) lorsqu’il affirme que « le racisme procède de la structure sociale elle-même, c’est-à-dire de la manière ‘normale’ dont se constituent les relations politiques, économiques, juridiques et même familiales, sans être une pathologie sociale et un dysfonctionnement institutionnel » (Almeida, 2019, p. 50). Étant structurel, le racisme configure aussi la manière dont les corps LGBTQIA+ noirs sont lus socialement et, en ce sens, nous pouvons dire que race et genre/sexualité se croisent dans le vécu de ces individus. Parmi ces individus, je me concentre sur le discours, le vécu et la représentation discursive de l’expérience bicha preta afin d’analyser la (re)production du racisme LGBTQIA+phobe ainsi que les resignifications discursives et sémiotiques présentes dans les expériences de réexistence du corps bicha preta.

Le terme bicha[3] apparaît, parmi bien d’autres significations, comme une manière péjorative de désigner les personnes de genre masculin de sexualité dissidente, en particulier des personnes efféminées. Toutefois, il est important de noter qu’un signe linguistique peut impliquer, dans sa dynamique d’usage, un débat entre locuteur·trices autour de sa signification. En ce sens, la communauté LGBTQIA+ et les champs d’études queer s’approprient le terme en proposant une resignification positive (Oliveira, 2021).

Le texte est organisé en six parties. Dans la première, je discute du vécu et de la catégorie du racisme LGBTQIA+phobe au Brésil. Dans la deuxième, je présente les études critiques du discours (ECD), et plus spécifiquement l’approche de l’analyse critique du discours. Dans la troisième, j’aborde la base théorique de la grammaire du design visuel. Dans la quatrième, j’introduis le tournant décolonial dans les ECD. Dans la cinquième, je précise mes démarches méthodologiques. Dans la sixième et dernière partie, j’analyse le discours multimodal de la bicha preta Bixarte.

Autour du racisme LGBTQIA+phobe au Brésil

Afin d’expliciter ma définition du concept de racisme LGBTQIA+phobe, il est nécessaire de présenter notre compréhension de ce qu’est la race et le racisme en contexte brésilien. Le terme race est ici compris dans un sens sociologique, discursif et politique (Guimarães, 2008; Gomes, 2016; Hall, 2006; Munanga, 2020). Penser la race dans le contexte brésilien, c’est la comprendre comme un effet des discours produits/ritualisés autour de ce que signifie être noir·e, être blanc·he, indigène, etc., tout en considérant que le sujet racial est idéologiquement situé et défini de manière relationnelle (Lopes, 2010) et en tenant compte des autres marquages de différence (genre et classe, par exemple) qui s’intersectionnent avec la race dans la constitution des identités sociales.

Face à ce constat, et en dialogue avec Almeida (2019) et Noguera (2014), je comprends le racisme comme étant anti-Noir, c’est-à-dire une forme systématique de domination qui trouve sa base dans la race et dans la hiérarchie socio-raciale entre corps lus socialement comme noirs et blancs. Le racisme est un système de pouvoir/domination. Le racisme anti-Noir déshumanise les corps noirs tout en conférant de l’humanité aux corps lus socialement comme blancs, par une série de dispositifs de racialité[4], dans les termes de la philosophe et penseuse noire brésilienne Sueli Carneiro (2023).

Selon la recherche de Sousa sur la violence dans le langage promu contre les travesties au Ceará, le Brésil est « […] le pays qui a le plus exterminé sa population LGBTQIA+ dans les dernières décennies, les cas de lgbtphobie se sont manifestés dans les contextes les plus divers, en arrivant même à interférer dans les relations familiales […] » (2021, p. 15). Le même auteur signale que les ramifications de cette violence sont « récurrentes dans les cas de suicide et dans les situations marginales qui finissent par pénaliser les individus en raison de leurs identités de genre et leur orientation sexuelle […] » (Sousa, 2021, p. 15). Si l’on ajoute à ce contexte de violence le fait que, pour les travesties noires, le nombre d’assassinats provoqués par la LGBTQIA+phobie augmente, il devient alors nécessaire d’adopter une perspective d’analyse guidée par l’indissociabilité du fait d’être un individu noir et LGBTQIA+. En effet, il ne s’agit pas d’être noir et/ou LGBTQIA+, mais de l’ensemble des situations composant cette expérience et qui excluent, humilient, discriminent et tuent ces corps, dans le cas de cette étude, les bichas pretas.

Par conséquent, le concept de racisme décrit ici prend la race comme élément central et comme point de départ des expériences des personnes noires LGBTQIA+, en soulignant la nécessité de comprendre les récits de ces corps qui résistent à ces oppressions, de manière à construire de nouvelles existences. Ainsi, les sujets qui se reconnaissent LGBTQIA+ dans une expérience racialisée renoncent à normaliser leur comportement (par exemple, par rapport à ce qui est attendu d’un corps masculin noir) en s’éloignant de la norme hétérosexuelle pour transgresser les attentes imposées par la colonialité de l’être (Mignolo, 2020). Le concept de racisme LGBTQIA+phobe cherche donc à mettre l’accent sur la production de la hiérarchie raciale par rapport à d’autres formes d’oppression sur des corps où s’intersectionnent des expériences dissidentes, dans la mesure où il se concentre sur les identités noires périphériques de genre et de sexualité. Ces corps se matérialisent dans la catégorie de la bicha preta.

Cette violence contre les bichas noires se manifeste dans divers contextes, allant des relations affectives à l’inclusion et le maintien de ces corps dans les institutions d’enseignement formel, et aboutit à des statistiques policières démontrant que les corps qui meurent le plus en raison des crimes violents dans notre pays sont ceux appartenant à la communauté LGBTQIA+, selon les données de l’atlas de la violence de l’Institut de recherche appliquée (Ipea, 2020) et du dossier des assassinats et de la violence contre les travesties et les transsexuelles brésiliennes (Antra, 2020). Ce dossier intitulé « La situation des droits humains de la population LGBTI noire au Brésil » (« A situação de direitos humanos da população LGBTI negra no Brasil »), publié en 2020, dénonce l’absence de regard, de parole et d’action du pouvoir public concernant la prévention et le combat contre ces oppressions qui ont pour cible la population noire LGBTQIA+.

Selon la chercheuse travestie et noire Magg Oliveira (2021), « le terme ‘bicha’ est comme un canif qui ouvre un passage pour les autres. Un passage étroit refusé par la majorité qui préfère se conformer. Mais on peut toujours être certain que, si une bicha passe par là, les autres peuvent passer » (Oliveira, 2017, p. 118). En ce sens, le canif représente l’expérience qui surmonte la structure cis-hétéropatriarcale, permettant des fissures par lesquelles d’autres bichas pretas peuvent atteindre et occuper d’autres espaces. Suivant le raisonnement de cette autrice, je soutiens que bicha preta est une catégorie discursive qui renverse les structures hégémoniques de race, de genre et de sexualité, permettant un récit qui est, en soi, transgressif et décolonial.

Discursivement, les bichas pretas constituent, dans la catégorie de l’améfricanité (Gonzalez, 1988)[5], une réinvention, une réinterprétation, une résistance et une possibilité de nouvelles manières d’agir sur le genre et la sexualité qui transgressent les systèmes d’oppression. Au sein de cette catégorie politique d’améfricanité, les bichas pretas ouvrent un chemin dans la dynamique des pratiques sociales comme le canif d’une travestie qui, parfois, protège aux coins des rues, mais déchire également de nouveaux espaces, permettant de ce pas d’autres capacités d’action.

Afin d’effectuer l’analyse critique du discours de la (re)production du racisme LGBTQIA+phobe et des resignifications discursives et sémiotiques présentes dans les performances de la bicha preta Bixarte, dans une battle de poésie parlée, je présenterai dans la partie suivante le champ des études critiques du discours.

Les études critiques du discours

Les études critiques du discours (désormais ECD) peuvent être vues comme une hétérogénéité d’approches théoriques et méthodologiques critiques pour l’étude scientifique et interdisciplinaire du langage comme pratique sociale dans la contemporanéité (Resende, 2009; Ramalho et Resende, 2011). Malgré la diversité de leurs propositions théoriques et méthodologiques, les approches qui composent ce champ d’études discursives critiques sont en lien avec la linguistique critique (Fowler et al, 1979; Fairclough, 2001).

Selon Fairclough (2001), la linguistique critique « a été une approche développée par un groupe de l’université d’East Anglia dans les années 1970. Ils tentèrent de conjuguer une méthode d’analyse linguistique textuelle avec une théorie sociale du fonctionnement du langage dans des processus politiques et idéologiques » (Fairclough, 2001, p. 46-47). Le terme Critical Linguistics a pris de l’ampleur à partir de la publication du livre Language and Control de Roger Fowler, Bob Hodge, Gunther Kress et Tony Trew, en 1979. Dans cette œuvre, ces auteurs soutiennent que « si le signifié linguistique est inséparable de l’idéologie, et que les deux dépendent de la structure sociale, alors l’analyse linguistique devrait être un puissant outil pour les études des processus idéologiques qui médiatisent les relations de pouvoir et de contrôle » (Fowler et Kress, 1979, p. 186 – traduction libre).

C’est précisément l’analyse de ce lien entre le linguistique et le social qui a configuré ce que l’on entend par « critique » dans l’expression « études critiques du discours ». Ici, elles sont critiques dans le sens où elles montrent que les situations oppressives peuvent changer et, par l’analyse du discours, contribuent au changement social (Resende et Ramalho, 2006). Cette perspective est héritée de la théorie critique (d’inspiration marxiste) proposée par Max Horkheimer dans les années 1930 en Allemagne, dans son essai Teoria Tradicional e Teoria Crítica ([1937] 1980)[6], qui, en résumé, revendiquait une manière de faire de la science orientée vers l’émancipation et engagée dans un comportement critique.

Rajagopalan (2003) affirme que, aujourd’hui, la linguistique critique apparaît sur des bases solides dans les « quatre coins du monde » et qu’elle « est née à partir de la prise de conscience que travailler avec le langage, c’est nécessairement intervenir sur la réalité sociale dont elle fait partie. Le langage est, en d’autres mots, une pratique sociale » (Rajagopalan, 2003, p. 126). Dans une préface intitulée « Posture critique : un regard vers le monde » (« Postura crítica: um olhar para o mundo »), ce même linguiste soutient que :

Lorsqu’on parle d’approche critique, on se réfère à une attitude face à notre propre activité de mener des recherches, à une activité touchant à la question de diriger notre regard vers le monde et, par-dessus tout, au désir de faire en sorte que notre posture en tant qu’universitaires ait un impact tangible sur notre objet de recherche (Rajagopalan, 2017, p. 1).

Parmi les diverses approches des ECD, nous avons choisi l’analyse critique du discours (ACD), dans son approche dialectique et relationnelle, puisqu’elle cherche à analyser, dans l’usage linguistique, la production, la reproduction et le changement discursif. Pour Magalhães, « [l’]ACD étudie des textes et des événements dans diverses pratiques sociales, en proposant une théorie et une méthode pour décrire, interpréter et expliquer le langage dans le contexte socio-historique » (2005, p. 3).  Ici, le discours est précisément une forme de pratique sociale, un mode d’action sur le monde et la société (Fairclough, 2001).

Pour l’ACD de Fairclough, il existe une relation dialectique entre le discours et la structure sociale, puisque le discours est à la fois façonné et contraint par la structure sociale à travers les rapports sociaux (par les institutions sociales et par les structures de race, de genre et de classe). Ici, le discours est compris comme une des dimensions de la pratique sociale. Selon Chouliaraki et Fairclough (1999), le discours est compris comme un élément sémiotique de pratiques sociales, incluant le langage (écrit et parlé et en association avec d’autres moyens sémiotiques), la communication non verbale (expressions faciales, mouvement corporels, gestes, etc.) et les textes imagétiques.

En ce sens, le discours est inextricablement imbriqué dans les rapports sociaux de domination et de pouvoir. Le pouvoir est compris comme la capacité de contrôler les ordres du discours[7], montrant qu’un des aspects d’un tel contrôle est idéologique (Fairclough, 2001). Par exemple, dans le cas de cette étude, le pouvoir se matérialise dans le contrôle de la circulation des stéréotypes qui étiquettent les bichas pretas ainsi que dans la manière dont ces corps reconfigurent ces formes de représentation.

Concernant la notion de pratique sociale, nous pouvons affirmer que les signifiés linguistiques sont constitutifs de la réalité sociale, permettant le maintien de relations de domination entre les individus, les groupes et les institutions, puisque « les pratiques discursives sont investies idéologiquement dans la mesure où elles incorporent des significations contribuant à maintenir ou restructurer les relations de pouvoir » (Fairclough, 2001, p. 121). Ces significations mises en évidence par l’auteur sont idéologiques et, dans une conception critique du langage, apparaissent comme « des significations/constructions de la réalité (le monde physique, les relations sociales, les identités sociales) qui sont construites dans diverses dimensions des formes/sens des pratiques discursives et qui contribuent à la production, à la reproduction ou à la transformation des rapports de domination » (Fairclough, 2001, p. 117).

Comprendre que le discours est idéologique est fondamental pour analyser la production discursive du racisme LGBTQIA+phobe contre les bichas pretas au Brésil dans des textes multimodaux, puisque que « les idéologies sont, en principe, des représentations, mais elles peuvent être légitimées comme moyen d’action sociale et inculquées dans les identités des agents sociaux (Resende et Ramalho, 2006, p. 53). Ce raisonnement survient dans le dernier cadrage théorique de l’ACD proposé par Chouliaraki et Fairclough (1999), puis repris dans Fairclough (2003).

En ce qui concerne le cadre formulé par Fairclough (2003), nous voyons que « […] le discours, comme faisant partie des pratiques sociales, apparaît sous trois formes dans la relation entre textes et événements : en tant que manières d’agir [signifié actionnel], en tant que manières de représenter [signifié représentationnel] et tant que manières d’être [signifié identificationnel] » (Resende et Ramalho, 2006, p. 60). Concernant ce dernier, les autrices affirment qu’il renvoie à la construction et à la négociation des identités dans le discours.

Dans son analyse du discours publicitaire, Magalhães (2005) liste quelques catégories d’analyse, comme le vocabulaire, l’intertextualité et l’interdiscursivité[8], entre autres. De cette manière, pour analyser la production discursive du racisme LGBTQIA+phobe contre les bichas pretas au Brésil dans des textes multimodaux, j’ai recouru à une compréhension du discours comme signifié identificationnel, en m’appuyant sur la catégorie de l’interdiscursivité, associée à la métafonction représentationnelle proposée par la grammaire du design visuel (Kress et van Leeuwen, 1996). Dans la partie suivante, j’aborderai cette autre approche critique du discours.

La grammaire du design visuel et ses catégories analytiques

Située dans le champ de la sémiotique sociale, la grammaire du design visuel (GDV) élaborée par Kress et van Leeuwen (1996) se base sur la linguistique systémique et fonctionnelle de Michael Halliday (1985) pour analyser des textes imagétiques et leurs contextes d’utilisation. Pour cette approche sémiotique, la grammaire ne reprend pas un ensemble de règles, mais signale la manière dont se réalise la combinaison de personnes, de lieux et de choses comme un tout significatif (Ferraz, 2011). Partant ainsi d’une vision sociale de la production et de la réception des signifiés et reconnaissant le changement survenu, ces dernières décennies, dans la place prépondérante du visuel comme moyen de communication, les chercheur·es des ECD ont commencé à étudier les phénomènes multimodaux.

De mon point de vue, la multimodalité ne doit pas être vue comme une théorie, mais comme un phénomène courant dans le langage. Je comprends ainsi la proposition de grammaire du design visuel comme une manière d’analyser des textes multimodaux, c’est-à-dire des « textes qui sont produits à partir de plus d’un mode représentationnel et communicationnel » (Pinheiro, 2007, p. 27). La GDV nous fournit un arsenal d’outils analytiques et conceptuels d’une grande importance pour un entendement critique des différents modes de représentation visuelle des aspects du monde social, puisque, à travers ces mécanismes d’analyse, nous pouvons concevoir les images « en tant que codes dotés d’un signifié potentiel, imprégnés de structures syntaxiques propres » (Almeida, 2008, p. 9). Prenant en compte cette potentialité de la syntaxe visuelle,

Kress et van Leeuwen […] décrivent trois structures de représentations de base, qui se sous-divisent et lient leurs éléments de manière différente les unes des autres : une métafonction représentationnelle (décrit les participants dans une action), une métafonction interactionnelle décrit les relations socio-interactionnelles construites par l’imagine et une métafonction compositionnelle (qui combine ses éléments) (Almeida et Fernandes, 2008, p. 11).

Les auteurs de cette perspective d’analyse visuelle, cherchant à étudier les manières dont le langage visuel configure un mode de représentation de l’expérience sociale, ont effectué une adaptation de la théorie de Halliday en ce qui concerne les trois métafonctions qui opèrent dans le langage verbal, à savoir : la métafonction idéationnelle, la métafonction interpersonnelle et la métafonction textuelle. Pour Kress et van Leeuwen (1996), les systèmes sémiotiques possèdent les moyens de représenter les objets dans leur rapport au monde, c’est-à-dire que la syntaxe visuelle possède des signifiés sociaux. Ainsi, les auteurs ont élaboré un modèle de lecture des structures visuelles (en proposant une analyse des images à partir des métafonctions représentationnelle, interactive et compositionnelle) cherchant à examiner l’élaboration de l’action sociale.

Pour cet article, je détaillerai uniquement la première métafonction (et les concepts qui lui sont corrélés) ayant en vue une analyse de scènes de la performance de Bixarte dans une battle de poésie (slam). La métafonction représentationnelle est obtenue dans les images par la représentation des participant·es. Dans la GDV, le terme participant·e est utilisé « pour désigner des objets ou personnes présents dans une composition graphique et visuelle » (Ferraz, 2011, p. 35). Il existe deux types de participant·es dans un acte sémiotique : les participant·es représenté·es et les participant·es interactif·ves. Les premier·es font référence aux participant·es représenté·es dans l’image ou dans la dimension verbale et ce sont généralement des personnes, des lieux ou des choses. Les participant·es interactif·ves « sont les récepteurs auxquels s’adresse le message » (Ferraz, 2011, p. 35).

En ce qui concerne les participant·es représenté·es, nous soulignons que, selon la GDV, ils et elles sont généralement associé·es à des vecteurs et, selon la fonction qu’ils exercent dans l’image, sont nommé·es Acteur·trice, Méta et Interacteur·trices. Le premier terme renvoie au·à la participant·e actif·ve de qui émane le vecteur d’une action. Il se démarque généralement dans l’image, que ce soit par sa taille, sa position ou en contraste avec le second plan. Le deuxième terme désigne un·e participant·e passif·ve, à qui est destiné un vecteur d’action et les Interacteur·trices participent à une action en même temps qu’ils et elles émettent des vecteurs et sont les cibles de ces mêmes vecteurs.

Quant à la conception de l’action sociale à partir de la métafonction représentationnelle, il est fondamental de comprendre que les structures narratives sont issues de la configuration des participant·es, des processus et des circonstances. Selon Magalhães et Novodvorski, les « processus sont représentés par des vecteurs, qui peuvent indiquer des actions, des réactions, des pensées ou des paroles. À chacun de ces vecteurs sont associés des participants, qui sont nommés selon la fonction qu’ils exercent dans les processus auxquels ils participent » (2010, p. 297). Les vecteurs sont des traits ou des lignes imaginaires qui indiquent quelles relations sont construites entre les éléments présentés dans une image.

Dans les textes imagétiques[9], selon Kress et van Leeuwen (1996), les structures narratives servent à présenter le déroulement d’actions et d’événements au moyen de vecteurs. De cette manière, il est possible de distinguer six types de processus narratifs : les processus d’action, les processus réactionnels, les processus de parole et mentaux, les processus de conversion et le symbolisme géométrique (Pinheiro, 2007). Pour l’analyse proposée dans cet article, je présenterai seulement le premier. Dans les processus d’action, concernant les types de réalisations vectorielles, il existe deux types de relations possibles : la relation transactionnelle, caractérisée par une structure narrative (un vecteur), et la relation non-transactionnelle, dans laquelle un vecteur, constitué par un élément, émane d’un·e participant·e, sans toutefois se diriger vers un·e autre participant·e. Ce type d’action est caractérisé par une structure conceptuelle.

Dans les structures conceptuelles, les participant·es sont représenté·es selon leurs spécificités. Dans ces structures, les vecteurs sont moins perceptibles, puisqu’il n’y a pas de participant·es effectuant des actions. Pour Fernandes et Almeida (2008), les « représentations conceptuelles décrivent qui est le·a participant·e représenté·e en termes de classe, de structure ou de signification » (Fernandes et Almeida, 2008, p. 16). Cette représentation est réalisée, selon Kress et van Leeuwen (1996), à partir de trois processus représentatifs, que sont les processus classificatoires, analytiques et symboliques. Je présenterai ici seulement le dernier de ces processus. Dans les processus symboliques, l’identité du·de la participant·e est établie au moyen d’attributs qui attirent l’attention par la taille, le choix des couleurs, le positionnement, l’utilisation d’adresses, entre autres.  C’est-à-dire que l’identité du·de la participant·e est définie par le lien que celui ou celle-ci conserve avec ses attributs symboliques.

Enfin, notons que les circonstances composent également les structures narratives. Les circonstances font référence aux situations dans lesquelles existent des participant·es secondaires qui ne sont pas relié·es aux participant·es principaux·ales par des vecteurs. Dans les mots de Magalhães et Novodvorski (2010, p. 298), les circonstances peuvent être reliées au Décor présenté par le contraste entre le premier et le second plan, au Moyen, « représenté par l’outil avec lequel l’action est effectuée, indiquant généralement la direction du vecteur », et à l’Accompagnement, qui présente le·a participant·e à un processus narratif sans lien vectoriel avec les autres participant·es.

Une fois explicitées l’analyse critique du discours et la grammaire du design visuel, j’aborderai maintenant le tournant décolonial dans les études critiques du discours (Resende, 2019) et, dans ce mouvement, j’inclurai le tournant noir dans les sciences du langage, et plus particulièrement dans les études critiques du discours, en proposant dans ce champ d’études une perspective décoloniale afro-diasporique.

Le tournant décolonial et afro-diasporique dans les études critiques du discours

Nous pouvons affirmer que, dans la dernière décennie, de plus en plus de mouvements ont configuré un tournant décolonial dans les ECD, dans la mesure où plusieurs chercheur·es de ce domaine ont été touché·es par la position « selon laquelle les rapports de colonialité dans les sphères économiques et politiques n’ont pas pris fin avec la destruction du colonialisme » (Ballestrin, 2013, p. 99) et ont problématisé l’impact de la colonialité du pouvoir, du savoir et de l’être dans les ECD.

Pour exposer la matérialité de ce tournant décolonial, nous commencerons par développer le propos donné par Magalhães (2010) dans un texte intitulé « Analyse critique du discours : questions et perspectives pour l’Amérique latine » (« Análise de discurso crítica: questões e perspectivas para a América Latina »). L’autrice nous avertit qu’« il ne convient pas de transplanter des théories formulées au sein de l’Union européenne en Amérique latine sans une étude préalable du contexte social local. Cela semble constituer un risque dans l’analyse du discours, y compris dans l’ACD » (Magalhães, 2010, p. 20). J’estime que cette alerte renvoie à la manière dont la production de la connaissance dans notre domaine a été réalisée, afin de ne pas contester et/ou dénaturaliser la géopolitique de la connaissance (Mignolo, 2020) eurocentrée dans les ECD.

Dans le cadre des ECD, Resende (2019) nous montre comment ce colonialisme a agi au moyen des colonialités du pouvoir, du savoir et de l’être dans les études discursives pratiquées en Amérique latine. Le monopole d’une géopolitique universitaire se manifeste, par exemple, par la manière dont les ECD maintiennent un lien d’émergence d’apparition aussi bien avec la France (analyse du discours de l’école française) qu’avec l’Angleterre et les États-Unis (analyse du discours d’école anglo-étatsunienne).

Du point de vue de la théorie décoloniale (Mignolo, 2017, 2020; Quijano, 2005; Walsh, 2013), nous pouvons dire que cette colonialité dans le domaine des ECD résulte également de la production d’une hiérarchie linguistique entre langues européennes et langues non européennes, « privilégiant la communication et la production de connaissances théoriques dans les langues européennes et subalternisant les langues non-européennes comme étant seulement des productrices de folklore ou de culture, mais pas de connaissances/théories » (Mignolo, 2017, p. 110). Une telle hiérarchie repose sur la colonialité.

Selon Mignolo (2020), la colonialité se présente en trois niveaux : la colonialité du pouvoir (dans le domaine de l’économie et de la politique), du savoir (positionnement épistémique, philosophique, scientifique, racial et vision du rapport entre langues et connaissance) et de l’être (subjectivité et contrôle de la sexualité et des rôles attribués aux genres). De cette façon, un mouvement qui décolonise la connaissance, qui décolonise les ECD, devient nécessaire. La décolonialité se pose comme projet universitaire et politique d’intervention sur la réalité, comme mouvement, étant une (parmi tant d’autres) option politique et épistémologique qui « vise à combattre l’agissement du racisme en tant que dimension structurante du système-monde moderne colonial, cherche enfin à être une réponse à la colonialité » (Bonfim, Silva et Silva, 2021, p. 42). Concernant les manières de combattre les colonialités du pouvoir, du savoir et de l’être dans les ECD, Resende affirme :

Nous apportons dans les études critiques du discours une compréhension déjà théorisée de la constitution mutuelle de ces trois domaines, pas toujours claire dans la bibliographie décoloniale. Reconnaître le lien entre colonialité du pouvoir et genres discursifs de notre action, entre colonialité du savoir et discours qui nous permettent de comprendre les pratiques, et entre colonialité de l’être et styles avec lesquels nous nous identifions, cela constitue déjà une contribution des études discursives critiques à la discussion autour de la décolonialité (Resende, 2019, p. 36).

En ce sens, je tâche dans cet article de décoloniser en mettant l’accent sur le lien entre la colonialité de l’être et les styles d’être (Fairclough, 2003), c’est-à-dire d’analyser et de problématiser la production du contrôle de la sexualité et des rôles attribués aux genres au moyen d’une analyse de discours critique décoloniale afro-diasporique de la performance de la bicha preta Bixarte.

De cette manière, je rejoins Resende (2010) lorsqu’elle affirme que décoloniser les études critiques du discours ne consiste pas à nier l’héritage européen, mais plutôt à profiter des ressources déjà existantes pour proposer des réflexions nouvelles et différentes. Dans cette même logique, Prah (2019) affirme que « la décolonisation de la connaissance […] signifie, en effet, détacher les spécificités occidentales de nos modes de construction du savoir, et ainsi adapter la production de connaissances à nos particularités culturelles et linguistiques » (Prah, 2019, p. 192).

Ainsi, en dialogue avec la pensée décoloniale afro-diasporique, qui, selon Bernardino-Costa, Maldonado-Torres et Grosfoguel, « englobe la longue tradition de résistance des populations noires et indigènes […] » (2019, p. 9), dans la production d’épistémologies afro-latino-américaines, je propose une approche des études critiques du discours sous une perspective décoloniale afro-diasporique. Pour cela, j’ai recours à des cosmovisions des intellectuel·les noir·es, en contexte brésilien, qui rejoignent la catégorie politique d’améfricanité, proposée par l’anthropologue noire Lélia Gonzalez (1988). Pour cette auteure, « au-delà de son caractère purement géographique, la catégorie “améfricanité” englobe tout un processus historique de dynamique culturelle (adaptation, résistance, réinterprétation et création de nouvelles formes), qui est afrocentrée » (Gonzalez, 1988, p. 76). Ainsi, au-delà de la langue, de la géographie et de l’idéologie qui définit l’Amérique latine, l’améfricanité a pour point de départ la corpo-géopolitique des peuples noirs dans le contexte de l’Amérique.

En ce sens, la conception du langage comme « sortilège » (mandinga) proposée par la linguiste noire Kassandra Muniz (2021), est fondamentale. Selon elle, « le sortilège est le propre langage corporéifié dans les réexistences de la population noire ». Cela touche à « l’ingéniosité avec laquelle nous utilisons le langage de manière stratégique […] pour survivre en tant que population constamment exterminée » (Muniz, 2021, p. 281). Cette compréhension du langage comme sortilège est fondamentale pour analyser les pratiques discursives des personnes noires « à partir d’un endroit à la croisée des chemins » (Muniz, 2021, p. 281), c’est-à-dire de la corpo-géopolitique (Bernardino-Costa, Maldonado-Torres et Grosfoguel, 2019) créée à partir d’une position d’énonciation épistémique noire. Parler de et sur la croisée des chemins, c’est, paraphrasant Luiz Simas et Luiz Rufino (2018), invoquer et corporifier les puissances des orixás (divinités yorubas)[10].

Par conséquent, dansant, gingando, « avec les idées de la même manière que nous [noir·es] dansons avec notre corps » (Muniz, 2021, p. 282), je m’approprie l’approche dialectique et relationnelle de l’ACD et de la grammaire du design visuel pour analyser le discours multimodal dans un contexte situé, un slam d’un individu travesti et noir – une bicha preta – qui déstabilise la vision eurocentrique de l’être.

Procédés méthodologiques

Ayant l’objectif d’analyser la (re)production du racisme LGBTQIA+phobe et les resignifications discursives et sémiotiques présentes dans les expériences de réexistence du corps bicha preta dans le contexte brésilien, j’ai sélectionné une vidéo dans laquelle il est possible de voir la performance d’une bicha preta dans un concours de poésie parlée (slam), protagoniste autodénommée « poétesse, chanteuse, rappeuse, compositrice, actrice, trans et noire. Prénom Bixarte et nom résistance! » selon la description de sa chaîne sur YouTube. Se nommant également Bianca Manicongo sur ses réseaux, la paraibanaise a gagné le concours. Ses rimes ont également fait le buzz sur un réseau social de vidéos, avec plus de 725 000 vues et 17 000 commentaires, en plus des plus de 21 000 partages vers WhatsApp.

Le slam est un type de compétition qui passe par l’utilisation du langage comme discours, de la part d’individus qui ont été, de par l’histoire coloniale, constitués en tant que marginalisés, subalternisés, parmi lesquels la population noire domine. Au Brésil, selon Rodrigues et Nascimento (2020), le slam a commencé à partir de 2008 avec des poétesses et des poètes qui se sont mis à occuper, en soirée, des places situées dans des quartiers périphériques de São Paulo. Suite à cet épisode, le slam s’est progressivement diffusé dans tout le pays. Ces concours ont généralement eu lieu dans des espaces publics comme des places, des viaducs, etc., et sont souvent enregistrés et partagés sur les réseaux sociaux numériques (Facebook, Instagram ou même sur des chaînes comme YouTube).

Dans les battles, les slammeur·euses (nom donné aux poétesses et poètes) s’engagent dans des duels en présentant leurs propres poèmes en maximum trois minutes. C’est le jury composé par le public présent qui choisit le vainqueur. Parmi de nombreux thèmes, le slam se configure comme une utilisation de la langue ayant pour finalité de discuter, problématiser, dénaturaliser des pratiques racistes, principalement dans le contexte de lieux qualifiés de périphériques. Rodrigues et Nascimento (2020) précisent que « la véritable intention des poètes et poétesses du slam est de se faire entendre et de créer des stratégies de résistance aux côtés des individus qui partagent des expériences similaires au quotidien » (Rodrigues et Nascimento, 2020, p. 208).

La vidéo sélectionnée se trouve sur la chaîne YouTube « Slam resistência » (https://www.youtube.com/watch?v=3EehckxB2qU)[11] qui a documenté l’édition de 2021 du « Slam resistência », qui a lieu tous les premiers lundis du mois sur la Place Roosevelt, sur les escaliers permettant d’aller vers la rue Augusta à São Paulo. Parmi les critères utilisés pour le choix de la vidéo, on trouve, d’une part, le fait qu’il y ait dans cette battle de poésie une bicha preta et la manière dont le discours multimodal matérialise les expériences du racisme LGBTQIA+phobe et, d’autre part, les formes de réexistences des bichas pretas.

La sélection des quatre scènes a été effectuée par des captures d’écran, selon certaines des catégories proposées par Kress et van Leeuwen (1996) pour l’analyse des images en tant que textes imagétiques qui représentent des actions en cours (structures narratives) et de modalité saturée. Par la suite, j’ai procédé à l’analyse du discours multimodal composé des scènes et des énoncés discursifs sélectionnés, comprenant le discours comme un signifié identificationnel, en mettant l’accent sur les catégories du vocabulaire et de l’interdiscursivité (Fairclough, 2003), associé à la métafonction représentationnelle proposée par la grammaire du design visuel (Kress et van Leeuwen, 1996).

Analyse discursive critique afro-diasporique : Bixarte et ses façons de réexister

Les scènes présentées ci-dessous (Fig. 1 à 4) ont été extraites de la vidéo « Slam resistência » plus spécifiquement de la finale qui a eu lieu en décembre 2021[12]. Elles sont suivies de l’analyse de la manière dont le discours multimodal de la bicha preta Bixarte figure comme manières d’être (signifié identificationnel) en construisant des styles (travestie assassinée, travestie prostituée et travestie poète/actrice).

Figure 1 – Scène 1
Figure 2 – Scène 2
Figure 3 – Scène 3
Figure 4 – Scène 4

En analysant le visuel en tant que représentation de l’expérience de la violence à laquelle les travesties noires brésiliennes sont exposées, nous pouvons dire que les images mettent en scène une performance du quotidien des bichas pretas à travers une structure narrative. L’action en cours met en discours, d’un côté, l’intervention de la colonialité de l’être, qui se réalise à travers la fabrique du discours de l’hétérosexualité obligatoire (Butler, 2012) et eurocentrique (prenant pour modèle le sujet blanc) comme forme dominante de l’être, du style d’être. Un tel discours régule/standardise la sexualité et les rôles attribués aux genres en produisant des normes hégémoniques de race, de genre et de sexualité excluantes, qui conçoivent les travesties comme des corps abjects et qui devraient ainsi être des corps pathologisés (Sousa, 2021).

Ce modèle de constitution des identités de genre reposant sur l’hétéronormativité cisgenre blanche exclut, humilie et fait violence aux bichas pretas. Comme nous pouvons l’observer dans l’énoncé « […] travesti não tá segura nem na igreja, nem no buzão [ônibus] » (« […] la travestie n’est en sécurité ni à l’église ni dans le car [bus] ».) Nous voyons, dans les scènes 1 à 3, comment le mouvement des mains de Bixarte (vecteurs), associé à l’énonciation des phrases « Aqui em cada esquina / Tenho medo de virar / Pois, na última que virei / Eles tentaram me matar » (« Ici à chaque coin de rue / J’ai peur de tourner / Car à la dernière où j’ai tourné /  Ils ont essayé de me tuer ») et « levantou a mão, bateu, o ferro logo puxou e dois tiro foi disparado » (« il a levé la main, il m’a frappée, il a sorti son arme et a tiré deux balles »), réprésente, par le discours, non seulement une pratique LGBTQIA+phobe, mais également un racisme LGBTQIA+phobe. En effet, nous avons ici une intersection entre les expériences dissidentes et les expériences raciales qui configurent la tentative d’assassinat d’une bicha preta, comme l’énonce Bixarte quand elle dit qu’elle a eu « peur de tourner [à la prochaine rue] » car ils ont « essayé de me tuer ».

Nous notons que les participants représentés dans les images sont Bixarte, en tant qu’Actrice, d’où proviennent les lignes vectorielles signalisées par les mouvements corporels, principalement par les mains, et les autres participants, qui sont secondaires par rapport à Bixarte, puisqu’ils ne participent pas directement à l’action. Dans la structure narrative, l’action est une action non-transactionnelle, car les vecteurs proviennent de Bixarte, mais ne se dirigent vers aucun autre participant représenté. En réalité, nous pourrions dire que le participant Meta de Bixarte serait l’observateur en tant que participant interactif. D’un autre côté, il y a dans les images une structure conceptuelle à travers un processus symbolique, en raison de la position d’Actrice (Bixarte) au premier plan, ainsi que de ses attributs comme ses cheveux longs et crépus, son haut décolleté et brillant, sa jupe noire, son bracelet et son collier, qui, représentant eux-mêmes le signifié ou l’identité d’une bicha preta, se constituent comme attributs symboliques de la travestie Bixarte.

Nous notons que, dans la scène 4, il est possible de vérifier comment cette représentation visuelle indique un style de vie qui dévie d’une identité de genre constituée dans l’hétéronormativité cisgenre blanche, principalement car, en même temps qu’elle serre le poing sur sa poitrine, juste où se trouve le cœur, la travestie en question énonce : « A polícia inocenta quem arranca coração » (« La police innocente ceux qui arrachent le cœur »), « Nasça com o seu corpo cis e conheça a liberdade » (« Nais avec ton corps cis et découvre la liberté »). Nous pouvons remarquer ici que, puisque les identités/styles d’être sont produits et négociés par contraste, la forme de l’interaction entre les scènes et les énoncés (discours multimodal) à la fois constitue le corps bicha preta et révèle l’action du racisme LGBTQIA+phobe.

En ce qui concerne l’incidence du discours multimodal dans l’analyse de la construction identitaire de l’être/vivre bicha preta, notons également comment, à partir de l’interdiscursivité, c’est-à-dire de l’articulation d’autres discours dans un même discours et de la manière dont ils sont articulés dans une pratique sociale donnée (ici, le slam), les éléments verbaux mettent en discours les expériences du corps bicha preta dans le contexte brésilien. Cette mise en discours passe par une intériorisation d’un ensemble de textes/voix dans le genre discursif analysé et (re)met en scène un événement violent s’insérant dans une reproduction historique à laquelle les travesties noires sont soumises.

En arrière-plan, et complétant l’action représentée, il y a dans les scènes, de manière moins visible, des lignes vectorielles imaginaires constituées par les regards des participant·es secondaires. Dans les mains de certain·es de ces participant·es, il est possible de voir des objets (téléphones portables) qui, pointés vers Bixarte pour la filmer/enregistrer sa performance, caractérisent ce moment comme un type de circonstance – une circonstance de moyen. D’ailleurs, nous pouvons constater que ces participant·es secondaires sont attentif·ves et manifestent leur accord avec le discours de Bixarte. Par exemple, quand cette bicha preta énonce « vocês não vão encontrar o meu corpo preso numa viatura » (« Vous n’allez pas retrouver mon corps emprisonné dans une voiture de police »), d’un côté elle expose le présupposé selon lequel de nombreuses travesties noires sont injustement arrêtées, emmenées en prison par une voiture de police et, d’un autre côté, elle montre ce qu’est être une bicha preta au Brésil.

Les présupposés contenus dans ces énoncés composent une chaîne intertextuelle (Fairclough, 2001) autour de discours et pratiques racistes LGBTphobes, dans la mesure où il est possible d’identifier comment les corps des travesties racialement identifiés comme noires sont plus susceptibles d’être victimes de ces actions injustes et cruelles. À partir de la sonorité, du rythme de la vocalisation des énoncés déclamés par Bixarte, il y a aussi une interdiscursivité avec la chanson Geni e o Zepelin, de Chico Buarque de Holanda. Dans cette chanson (qui intègre l’Ópera do Malandro), le personnage de Geni est une femme qui subit diverses violences de genre et reste toujours réceptive à tous ceux qui se présentent comme ses clients – où l’on comprend que Geni est une prostituée.

Enfin, il importe de souligner que, dans toutes les scènes, nous avons vu les termes « RESISTÊNCIA » et, à ses côtés, « SLAM », qui nomment le concours de poésie parlée. Toutefois, de mon point de vue, cette résistance est, dans le discours de Bixarte, également réexistence, dans la mesure où les actions représentées dans le discours multimodal de cette travestie noire réinventent, réinterprètent la constitution de nouvelles agentivités du genre et de la sexualité qui, à leur tour, transgressent les structures hégémoniques de l’être, rendant possible un récit qui est en soi transgresseur et décolonial.

À la fin de sa performance, Bixarte montre qu’elle n’énonce pas de n’importe où, c’est-à-dire qu’elle indique qu’elle agit à partir d’un locus d’énonciation noir. En se situant à la croisée des chemins (Muniz, 2021), elle danse discursivement « o meu nome é Bixarte, eu não sou prostituta, eu sou poeta e atriz! » (« Je m’appelle Bixarte, je ne suis pas prostituée, je suis poète et actrice! »), « se vocês me queria [sic] fazendo programa; prazer, eu sou a própria literatura » (« Si vous vouliez que je fasse le tapin; enchantée, je suis la littérature même »)[13]. Notons ici qu’il est possible de voir une pratique de réexistence par une resignification discursive, autant par la jonction de bixa (au lieu de bicha) et arte (« art ») que par les significations provenant des actions discursives de Bixarte.

Dans les termes de Souza (2011), la réexistence touche aux façons de se réapproprier le langage de la part des personnes noires qui, pour exister (devenir visibles) et résister (contre le mode colonial/raciste/capitaliste, patriarcal et LGBTQIA+phobe), réinventent, resignifient les rôles et les positions sociales qui leur sont attribués par une société marquée par les inégalités socio-raciales. Bixarte déplace les identités de travestie noire assassinée, travestie noire prostituée, vers celle de travestie noire qui fait de l’art-Bixarte.

Pour Butler (1997), la resignification de pratiques et énoncés offensifs touche à la resignification radicale des discours. Santos, faisant écho à Butler, explique que la « resignification, c’est la possibilité de citation, de contre-appropriation et de remontage du discours offensif, de sorte que s’opère une rupture avec ses contextes antérieurs et que cet énoncé en vienne alors à occuper de nouveaux contextes pour lesquels il n’avait pas été pensé auparavant » (2012, p. 89).

Lorsqu’elle cite ces pratiques, lorsqu’elle représente les contextes de violence et de racisme LGBTQIA+phobe dans sa performance, Bixarte réoriente le sens de ce qu’être une travestie noire, en se constituant comme bicha preta. Ce mouvement s’opère principalement par la manière dont elle se nomme. Plus qu’un agglomérat de mots, Bixarte révèle la manière dont « l’ingéniosité avec laquelle nous [la population noire] utilisons le langage de manière stratégique […] pour survivre en tant que population constamment exterminée » (Muniz, 2021, p. 281) par le racisme LGBTQIA+phobe, dans ce cas. Il est donc possible d’affirmer que le style d’être (signifié identificationnel) produit par le discours multimodal de Bixarte ne dénonce pas seulement le racisme LGBTQIA+phobe, mais qu’il présente également un positionnement décolonial avec une perspective noire des utilisations de la langue.

Considérations finales

Par l’analyse du discours multimodal de la travestie noire Bixarte, il a été possible de présenter une perspective des études critiques du discours d’orientation décoloniale afro-diasporique. En effet, l’analyse de la représentation visuelle de l’expérience du racisme LGBTQIA+phobe – tel que défini auparavant comme la production d’une hiérarchie raciale qui intersectionne les expériences de corps dissidents – a montré comment la colonialité de l’être constitue et est constituée par une perspective de genre qui repose sur l’hétéronormativité cisgenre blanche qui exclut, humilie et fait violence aux travesties noires. Ainsi, j’en conclus que le racisme LGBTQIA+phobe est alimenté par la colonialité de l’être et qu’il repose principalement sur les pratiques de signification et représentation des individus noirs LGBTQIA+ au cours de l’histoire, de manière à réguler leur manière d’être, d’exister et de vivre.

D’un autre côté, l’analyse interdiscursive, ainsi que la manière dont les vecteurs constituant la conception de l’action représentée dans les scènes qui composent le discours multimodal de Bixarte, montre l’émergence d’une manière d’être, d’une manière de performer le genre, qui ne part pas du modèle européen, mais d’un locus d’énonciation noir qui resignifie le corps de la travestie noire comme bicha preta. La bicha preta actionne de nouvelles agentivités du genre, de la race et de la sexualité qui, à leur tour, transgressent les structures hégémoniques de l’être, rendant possible un récit décolonial afro-diasporique.

Située à la croisée des chemins, à un endroit où il est seulement possible de (sur)vivre par des mandingas, des sortilèges, la bicha preta (Bixarte) « jette un sort », ruse, à travers des recours discursifs comme l’interdiscursivité, l’intertextualité et son apparence visuelle. Elle adopte ainsi des positions rayant des épistémès par des pratiques de réexistences qui resignifient les styles hégémoniques de l’être, dans la mesure où ils provoquent des déstabilisations, des ruptures avec les contextes violents, racistes et LGBTQIA+phobe.

Je ne conclus pas cet article avec l’unique volonté de « donner la parole », mais également avec la perspective d’un monde pluriversel (Noguera, 2014) et, en ce sens, je convoque Bixarte : « o meu nome é Bixarte, eu não sou prostituta, eu sou poeta e atriz! Se vocês me queria [sic] fazendo programa; prazer, eu sou a própria literatura ».

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Ce texte a été traduit du portugais du Brésil par Nina Rioult.


  1. Le sigle LGBTQIA+ fait référence aux orientations sexuelles lesbiennes, gays, bisexuelles et asexuelles ainsi qu’aux identités de genre transgenres, transsexuelles et travestis, queer et intersexe (LGBTQIA+ : Lesbienne, Gay, Bi, trans, Queer, Intersexe, Asexuel et tous les autres). Le signe « plus » (+) permet de reconnaître que peuvent (venir à) exister d’autres orientations sexuelles et identités de genre dissidentes de la logique cishétéronormative qui ne sont pas mises en évidence par ce sigle, qui continue à être mis à jour. Pour des lectures plus approfondies à ce sujet, je suggère le livre Linguística aplicada transviada: gênero e sexualidade nos estudos da linguagem em perspectiva descolonial, interseccional e transdisciplinar, de Fábio Bezerra (2023).
  2. N.T. : « tapette noire » ou « pédale noire ». Bicha preta est une expression potentiellement péjorative et insultante en portugais, selon qui l’utilise et dans quel contexte.
  3. N.T. : Qui peut s’écrire bicha ou bixa, les deux graphies étant prononcées de la même manière en portugais.
  4. Dans le sillage des réflexions du philosophe Michel Foucault autour de l’application de la notion de dispositif au domaine de la sexualité, Sueli Carneiro (2023) comprend les relations raciales au Brésil comme un domaine produisant et articulant des pouvoirs, des savoirs et des modes de subjectivation. En somme, l’autrice entend la construction de la racialité comme étant un dispositif de pouvoir qui, en limitant l’humanité à un synonyme de blanchité, a redéfini et hiérarchisé les autres dimensions humaines selon leur proximité ou leur distance par rapport à ce modèle.
  5. Sur l'améfricanité, voir plus bas le développement dans la partie 3.
  6. N.T. : Dans sa traduction française, Théorie traditionnelle et théorie critique, traduit de l’allemand par Claude Maillard et Sibylle Muller, Gallimard, 1974.
  7. « Ils peuvent être considérés comme des facettes discursives des ordres sociaux, dont l’articulation et la réarticulation interne sont de même nature » (Fairclough, 2001, p. 99).
  8. Selon Fairclough (2001, p. 114), l’intertextualité se réfère au fait que les textes ont la propriété d’être remplis de fragments d’autres textes, qui « peuvent être explicitement délimités ou mélangés et que le texte peut assimiler, contredire, relayer ironiquement, et ainsi de suite ». Fairclough distingue deux types d’intertextualité : l’intertextualité manifeste, c’est-à-dire la constitution hétérogène de textes par d’autres textes spécifiques, et l’intertextualité constitutive, c’est-à-dire la constitution par d’autres éléments (types de conventions) des ordres du discours (interdiscursivité). Concernant l’interdiscursivité, Resende et Ramalho (2006) affirment que le terme renvoie à l’identification des discours articulés et à la manière dont ceux-ci sont articulés dans les pratiques sociales.
  9. En portugais, il existe une forte tendance à travailler avec ce que l’on appelle des « textes imagétiques », qui ne sont pas considérés comme hybrides, mais relèvent d’une conception théorique selon laquelle les images sont des textes, même en l’absence d’écriture. Les organisateurs proposent d’inclure ce note de bas de page à ce sujet, car il s’agit d’un point important de l’épistémologie du Sud.
  10. Selon Lopes (2011, p. 1063), le terme orixá, dans les religions afro-brésiliennes, fait référence à « […] chacune des entités surnaturelles – forces de la nature émanant de Olorum ou Olofim – qui guident la conscience des êtres vivants et protègent les activités de maintien de la communauté. »
  11. Le poème présentée par Bixarte est intégralement transcrit en annexe à la fin de cet article.
  12. Source : chaîne Youtube Slam Resistência, vidéo : "Bixarte (vencedora) - Final Slam Resistência - dezembro 2021", imagens : Carol Vidal. Lien : https://www.youtube.com/watch?v=3EehckxB2qU
  13. N.T. : Le [sic] ajouté par l’auteur de l’article indique une absence de concordance verbale, phénomène fréquent dans le portugais parlé au Brésil, mais souvent stigmatisé.

Pour citer cet article

BONFIM, Marco Antonio Lima do. 2025. Pratiques de réexistences noires au Brésil : une analyse discursive critique afro-diasporique. Magana. L’analyse du discours dans tous ses sens, 2(1), en ligne. DOI : 10.46711/magana.2025.2.1.5

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La revue MAGANA. L’Analyse du discours dans tous ses sens est sous licence Creative Commons CC BY-SA 4.0, disponible en ligne, en format PDF et, dans certains contextes, en version imprimée.

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