Volume 2, numéro 1 – 2023 : Enseigner et apprendre les langues africaines ou en langues africaines

Table des matières

Présentation. Enseigner et apprendre les langues africaines ou en langues africaines

Gilbert DAOUAGA SAMARI, MOHAMADOU OUSMANOU et Léonie MÉTANGMO-TATOU

Les pratiques d’enseignement des langues nationales au Cameroun : entre banalisation et généralisation abusive de savoirs enseignés

Gilbert DAOUAGA SAMARI

Pour enseigner une discipline scolaire précise, l’on doit d’abord savoir enseigner, c’est-à-dire avoir une compétence pédagogique qui permet à l’enseignant-e de faire des choix de contenus, de méthodes, de stratégies et de matériels pertinents pour une conduite réussie de sa classe. Mais encore, il ou elle doit avant tout connaître la discipline qu’il ou qu’elle devra dispenser; cette compétence disciplinaire est indispensable pour toute intervention de l’enseignant ou de l’enseignante dans la mesure où une action didactique ne se justifie que parce que des élèves doivent s’approprier des savoirs (savoirs, savoir-faire et savoir-être) propres à une discipline. En classe de langue, il est donc attendu de l’enseignant ou de l’enseignante, en plus de sa capacité à mettre en place un dispositif efficace d’apprentissage, qu’il ou qu’elle connaisse la langue qu’il ou qu’elle enseigne, qu’il ou qu’elle puisse en connaître le fonctionnement afin d’initier les apprenant-e-s à une description rigoureuse et à l’usage de cette langue dans divers contextes. L’objectif de cette réflexion est de montrer que certaines séquences didactiques observées révèlent parfois une défaillance des enseignant-e-s de langues nationales quand il faut mettre en relief certaines propriétés linguistiques, ce qui les amène à banaliser des savoirs pourtant essentiels pour une langue particulière ou à procéder à une généralisation abusive à toutes les langues d’une propriété non attestée partout. Cet article adopte une approche qualitative et s’appuie sur des observations des pratiques didactiques effectives et sur des entretiens avec les enseignants dont les leçons ont été observées.

Étude des stratégies d’enseignement et d’apprentissage des langues et cultures nationales mises en place au Collège Saint-André de Ngong

Bakari GATOUDJE

Depuis le début des années cinquante, l’importance des langues africaines dans la transmission de tout message éducatif est admise tant par les missionnaires évangéliques, les chercheurs et chercheuses que par les organisations nationales et internationales. Si certains pays africains comme le Burundi, le Mali, le Niger, etc. sont avancés dans l’emploi des langues africaines dans le système éducatif, le Cameroun, et particulièrement le Collège Saint-André de Ngong, n’est qu’à un stade expérimental qui peine encore à s’imposer du fait, entre autres, du manque du personnel enseignant et des ressources didactiques. Cet article tente alors d’analyser les stratégies d’enseignement et d’apprentissage des langues et cultures nationales en pratique dans cet établissement. En clair, il est question de rendre compte non seulement des activités d’apprentissage réellement pratiquées, mais également d’en relever et de proposer quelques pistes de solutions aux éventuels problèmes qui entravent et hypothèquent l’enseignement et l’apprentissage des langues africaines. Pour ce faire, ce travail, inscrit dans la micro-sociolinguistique, se fonde sur les résultats de l’enquête menée au Collège Saint-André de Ngong du 06 septembre au 06 novembre 2021 dans trois classes : 6e, 5e et 4e.

La présence linguistique et culturelle de l’enseignant-e : analyse des interactions en classe de langue et culture mundang

Joseph AVODO AVODO et Irène Aline MAFOU DABOULÉ

Cet article aborde la question de la présence linguistique et culturelle de l’enseignant ou de l’enseignante. L’étude, basée sur l’analyse des interactions en classe de langue et culture mundang, s’attèle à décrire à partir du module référentiel du discours, les gestes professionnels, à travers lesquels les enseignant-e-s se positionnent comme expert-e-s de la langue et de la culture qu’ils et elles enseignent. Les résultats montrent que, dans un contexte institutionnel et didactique complexe, les enseignant-e-s se positionnent comme les garant-e-s de l’apprentissage, résultant ainsi à la mise en place d’un modèle didactique transmissif. L’étude révèle par ailleurs l’influence des contraintes externes et internes sur le déroulement de l’apprentissage de la langue, réitérant ainsi la nécessité d’arrimer la formation des enseignant-e-s aux expériences vécues.

Discours épilinguistiques des élèves et implications sur l’enseignement des langues locales dans le primaire à Ngaoundéré

André MAHAMA

Cet article analyse les déclarations épilinguistiques des apprenant-e-s des écoles primaires de Ngaoundéré sur les langues en présence dans leur milieu de vie. En fait, il est question de savoir si tous les groupes de langues pratiquées dans ces écoles par les élèves ont les mêmes valeurs de leur point de vue. Cette étude, inscrite dans la perspective de la sociolinguistique urbaine, repose sur une enquête menée par questionnaire auprès de 150 élèves du Cours Moyen 1 et 2 de cinq établissements scolaires publics et privés (confessionnels ou non). Les résultats montrent que les élèves restent fasciné-e-s par les langues officielles. Langues de communication internationale, le français et l’anglais assurent au Cameroun l’ascension sociale. Par contre, ces mêmes apprenant-e-s considèrent les langues locales comme de simples « patois » confinés à l’usage familial ou alors comme des langues interdites à l’école. Ces représentations négatives, qui ont été installées depuis l’époque coloniale, continuent de dévaloriser les langues camerounaises. En cette période où ces dernières sont progressivement intégrées dans le primaire et secondaire, ces représentations pourraient constituer un obstacle majeur à la réussite de la politique en cours. Cet article met en relief ces attitudes et représentations et suggère quelques pistes pour améliorer l’image des langues locales à l’école.

De la construction discursive de l’identité à l’enseignement des valeurs sociales dans les chants populaires daba

Hamidou BAÏBAVOU et Léonie MÉTANGMO-TATOU

Les chants populaires définissent l’identité d’une culture ou d’une communauté donnée. Ces chants sont souvent considérés comme la partie de la tradition qui fonctionne selon une règle de vie propre à chaque société et à chaque langue, en référence à un fonds culturel. Ils permettent à la population non seulement de se divertir, mais aussi, et surtout de s’identifier, de sensibiliser la population, d’éduquer les enfants ou de les instruire. Toutefois, ces chants ne sont ni exploités ni perçu dans la définition de l’identité et la transmission de valeurs sociales en pays daba. Cet article entend montrer que les chants populaires daba constituent non seulement une ressource importante dans la définition de l’identité d’une personne ou d’un groupe de personnes, mais aussi dans l’enseignement des valeurs sociétales. L’enregistrement et le traitement des données (réécoute, traduction juxtalinéaire et littéraire) sont les principales méthodes utilisées. Pour des besoins d’analyse du sujet, nous avons, tout au long de ce travail, fait appel à l’analyse du discours.

Des ressources didactiques pour la classe de fulfulde. Recension d’ouvrages et propositions d’activités d’enseignement-apprentissage

MOHAMADOU OUSMANOU

L’enseignement du fulfulde, comme celui de nombreuses langues camerounaises, depuis la décision de l’intégration des langues camerounaises dans les programmes du système éducatif, se déroule en l’absence de matériels et de ressources didactiques de référence. La présente étude s’intéresse alors à la question de la documentation comme support de l’enseignement et de l’apprentissage. Elle tente d’apporter une réponse à un besoin essentiel en dressant un inventaire non exhaustif des ouvrages utiles pour les enseignant-e-s. L’objectif étant de donner à voir à la fois la diversité des productions et l’efficacité de leur usage en situation de classe, nous proposons, pour certaines ressources, des activités d’apprentissage exploitables. Le travail prend en considération le contexte technologique dans lequel évoluent les élèves à travers le recours aux corpus multimodaux et aux exerciseurs.

Plaidoyer pour une orthographe harmonisée du tupuri : nécessité pour la confection de ressources didactiques adaptées

Fulbert TAÏWE

Cet article est une mise en garde des communautés linguistiques sur la question des pratiques pluri-graphiques. Il propose des orientations pour une politique linguistique améliorée à partir d’une application à la langue tupuri. Cette dernière est l’une des langues adamaoua du sous-groupe mbum parlée au Nord du Cameroun et dans le Mayo-Kebbi Est du Tchad. Cette langue a bénéficié, à ce jour, d’importants travaux descriptifs dans tous les grands domaines de la linguistique. Les pratiques linguistiques en langue tupuri se trouvent controversées ces dernières décennies. Dans l’usage de la norme graphique et orthographique, chaque usager et usagère y va selon son angle de réflexion. Or, dans un processus d’enseignement d’une langue, il doit avoir une et unique écriture reconnue. Ainsi, de quelles ressources didactiques l’enseignant-e et les élèves disposent-ils/elles pour leurs activités d’enseignement de l’orthographe du tupuri lorsque les pratiques pluri-graphiques sont observables? Le présent travail qui s’inscrit dans le vaste domaine des langues africaines et ressources didactiques est une contribution aux débats sur la normalisation des langues africaines et leur enseignement.

VARIA

L’impact de la téléphonie mobile sur le fulfulde du Cameroun septentrional

Henry TOURNEUX et Gayaou HADIDJA KONAÏ

Depuis l’apparition du téléphone mobile, les « cabines téléphoniques » (ou « call-box ») se sont multipliées dans la ville de Maroua. On peut en distinguer plusieurs catégories principales. Ces « cabines » servent principalement à vendre des crédits téléphoniques et à faire des transferts d’argent. Le grand avantage du téléphone mobile, qui a immédiatement été exploité, c’est sa simplicité d’utilisation pour les fonctions de base (appel et réception d’appel). Il n’est pas nécessaire d’avoir été à l’école ni de parler français pour l’utiliser. Les non-alphabétisé-e-s ont donc développé diverses stratégies pour en tirer parti. Un nouveau vocabulaire s’est développé au fur et à mesure que le téléphone portable se popularisait et que sa technique évoluait. Ce vocabulaire est composé de néologismes (1) empruntés au français et à l’anglais; (2) de termes courants dont le sens a été étendu; (3) de termes nouveaux créés à partir de la langue peule elle-même. Beaucoup de jeunes utilisent le fulfulde dans les textos (SMS) qu’ils et elles s’échangent. La très grande majorité d’entre eux et elles n’a jamais appris à écrire cette langue. Leur graphie s’en ressent nécessairement et ils/elles écrivent « à la française »; « ou » au lieu de [u], par exemple; « é » au lieu de [e]; « gué » au lieu de [ge]. De plus, les logiciels installés dans les téléphones ne donnent pas accès aux caractères spéciaux nécessaires pour écrire le fulfulde. En outre, le langage des textos reflète l’une des caractéristiques du fulfulde urbain contemporain : un locuteur ou une locutrice incorpore ici ou là des mots français ou alterne des phrases ou des membres de phrase en passant du fulfulde au français. Au cours d’un dialogue, on vous pose une question en français, vous répondez en fulfulde. Le téléphone mobile a aussi changé les conventions traditionnelles qui régissent les échanges linguistiques. Les très longues formules préalables sans réel contenu informatif ont disparu rapidement. Réservé autrefois aux riches commerçants, le téléphone est maintenant utilisé par la majorité des professions.

About linguistics for (social) development. Issues and challenges

Léonie MÉTANGMO-TATOU

Infos sur la publication

JEYNITAARE - Volume 2, Numéro 1 - 2023

Digital Object Identifier (DOI)

https://dx.doi.org/10.46711/jeynitaare.2023.2.1

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ISSN : Version imprimée

2756-7222

ISSN : Version en ligne

2756-7222