Les pratiques d’enseignement des langues nationales au Cameroun : entre banalisation et généralisation abusive de savoirs enseignés

Gilbert DAOUAGA SAMARI

 

Introduction

« Nul ne doute que, pour enseigner, il faille maîtriser les savoirs à enseigner » (Perrenoud, 1999, p. 12).

Cette affirmation de Perrenoud informe sur la nécessité pour chaque enseignant ou enseignante d’avoir une connaissance assez suffisante des savoirs qu’il ou elle est censé-e dispenser ou faire apprendre à ses élèves. En effet, peut-on envisager qu’un-e enseignant-e d’informatique entre dans une classe et commence à enseigner les fonctionnalités d’une souris alors qu’il ou elle les ignore personnellement? De la même manière qu’un ou une médecin cardiologue examine le cœur parce qu’il ou elle a une compétence médicale et une connaissance certaine de cet organe, l’enseignant ou l’enseignante opère dans sa salle de classe en construisant des situations didactiques autour des savoirs (savoirs, savoir-faire et savoir-être) dont il ou elle connaît les contours, sur lesquels il/elle peut faire travailler ses élèves et qu’il/elle peut sereinement valider et institutionnaliser. De cette exigence – préalable à toute intervention didactique – à portée générale, l’enseignant ou l’enseignante des langues nationales (LN) n’est pas exempt-e. Ces langues sont enseignées de manière officielle dans le secondaire camerounais depuis 2012, année au cours de laquelle sont proposés les premiers programmes à titre d’expérimentation suivant les exigences de l’approche par les compétences.

Contrairement au constat fait par Maurer au sujet de l’enseignement des langues nationales au Burkina Faso, au Mali et au Niger, marqué par « un déficit en termes de savoirs réflexifs métalinguistiques » (2019, p. 43), dans le secondaire camerounais, même si l’objectif communicatif est clairement mentionné dans les programmes, la dimension métalinguistique reste fortement dominante (Maurer, 2010; Daouaga Samari, 2018; Jirndi, 2019). Sans revenir ici sur le problème de cohérence entre l’objectif et les contenus d’enseignement de ces langues, ce travail s’intéresse aux difficultés rencontrées par les enseignant-e-s au moment d’aider les apprenant-e-s à s’approprier des propriétés propres à certaines langues camerounaises. L’objectif de cette étude est d’interroger les pratiques enseignantes en vue de montrer que, par moments, certaines propriétés des langues camerounaises sont négligées ou méconnues par les enseignant-e-s, ce qui n’est pas sans conséquence sur les apprentissages.

En 2010 déjà, Mbala Ze et al. révélaient dans leur rapport ce qui suit au sujet des pratiques des enseignant-e-s de langues nationales : « Il y a lieu de reconnaître que dans leur pratique, quelques lacunes sont saillantes, les intéressés n’ayant pas reçu de formation assez spécialisée » (2010, p. 45). Toutefois, même si ce rapport pointe la formation insuffisante reçue par les enseignant-e-s dans le domaine spécialisé de la linguistique africaine, il n’informe pas sur ces insuffisances en les étayant par des pratiques effectives de classe. La présente réflexion entend en conséquence documenter ces lacunes pointées et ce qui pourrait les expliquer afin de donner aux enseignant-e-s, formateurs ou formatrices et responsables de prise de décision des informations concrètes dont ils/elles pourraient s’inspirer pour leurs d’actions. Mais avant de revenir sur ces points, présentons le contexte de cette recherche.

Contexte de la recherche

Trois points retiennent l’attention à ce niveau : l’évolution de l’enseignement des Langues et Cultures Nationales, la perspective d’analyse des observables envisagée et des compétences préalables exigées à tout-e enseignant-e.

Situation de l’enseignement des Langues et Cultures Nationales (LCN)

Bannies du système éducatif, puis timidement admises de manière officielle (Métangmo-Tatou, 2001; 2019) alors même que les pratiques effectives – linguistiques et didactiques – sont marquées par leur usage aussi bien dans la cour de récréation qu’en salle de classe (Tourneux et Iyébi-Mandjeck, 1994; Tourneux, 2011; Mahama, 2016), les langues nationales, introduites dans le secondaire sous l’appellation de « Langues et Cultures Nationales », sont désormais considérées comme une discipline obligatoire.

Cette discipline est censée être enseignée dans toutes les classes du secondaire. Une telle généralisation, qui demande une quantité importante d’enseignant-e-s, devrait être préparée par la formation initiale dans toutes les ENS afin de permettre aux établissements d’assurer normalement les enseignements de LCN. Malheureusement, le nombre des enseignants formés reste insuffisant. À ce sujet, pour le cas des enseignant-e-s formé-e-s au Département de Langues et Cultures Camerounaises de l’ENS de Yaoundé, jusqu’en 2019, Manifi Abouh fait le bilan suivant :

À l’heure actuelle, en[sic.] mi-parcours de l’année 2019 notamment, l’École normale supérieure de Yaoundé a déjà pu former 210 diplômés en 07 promotions, et 90 futurs diplômés – soit 03 promotions – sont en cours de formation pour la généralisation de l’enseignement des langues et cultures nationales (LCN) dans les lycées et collèges de la République (Manifi Abouh, 2019, p. 59).

Ce nombre est insignifiant, au regard des besoins en enseignant-e-s de LCN dans les collèges et lycées. L’ENS de Bertoua et, prochainement[1], celle de Maroua pourront contribuer à hausser ce nombre sans résoudre le problème, le nombre d’élèves-professeur-e-s admis-es chaque année étant infinitésimal[2]. Les besoins en la matière sont tellement considérables qu’il faudra, à ce rythme, attendre au moins un demi-siècle pour les combler : « En 2017, Bitjaa Kody […] estimait à 50 années au moins le temps requis pour atteindre le nombre de 8230 enseignants à déployer dans les lycées et collèges du Cameroun » (Manifi Abouh, 2021, p. 155). Compte tenu de l’insuffisance d’enseignant-e-s qualifié-e-s, beaucoup d’établissements scolaires sont contraints, pour l’instant, de recruter des vacataires, n’ayant pas reçu de formation initiale.

Pour chaque classe, deux programmes sont prévus pour enseigner les LCN : l’un réservé aux langues nationales et l’autre aux cultures nationales. Dans ce travail, c’est l’enseignement des langues nationales qui est concerné.

Une analyse des pratiques d’enseignement des LN dans une perspective didactique

Les pratiques d’enseignement des LN constituent le matériau sur lequel porte la réflexion dans le cadre de cet article. Plus précisément, l’étude s’appuiera sur deux leçons dispensées au Lycée classique et moderne de Ngaoundéré par deux enseignants différents intervenant dans deux classes distinctes. Dans le premier cas, nous sommes en classe de 4e où un enseignant, formé non pas à l’ENS, mais dans un cadre associatif (Tabital Pulaaku[3]), tient ses élèves en langue et culture peule. Dans le deuxième cas, l’enseignant intervient en 5e. Il a été formé à l’ENS de Yaoundé, au Département de Langues et Cultures Camerounaises. Ces observations sont appuyées par des entretiens que nous avons eus avec ces enseignants.

L’angle d’analyse privilégié est celui qui consiste à entrer dans les pratiques enseignantes effectives par l’objet enseigné, c’est-à-dire par les contenus réellement enseignés aux apprenant-e-s. C’est cette « centration sur les objets de savoir au cœur des dispositifs d’enseignement/apprentissage » (Dolz et Leutenegger, 2015, p. 8) qui confère à cette réflexion sa spécificité didactique. En effet, ce qui fait fondamentalement la particularité de la didactique dans le champ des sciences humaines est le fait qu’elle s’intéresse au « traitement du savoir dans le système d’éducation, ce qui inclut les processus d’élaboration des savoirs enseignés, leurs modes de présentation en classe et leur intégration par les apprenants » (Simard, Dufays et Garcia-Debanc, 2019, p. 12). Ce n’est d’ailleurs pas anodin si ces mêmes auteurs placent l’activité autour des savoirs, notamment les « savoirs à enseigner », au cœur de la réflexion des didacticiens :

La vocation scientifique de la didactique place la recherche au premier rang des activités du didacticien. Un des sujets prioritaires de la recherche en didactique concerne la clarification des savoirs à enseigner, tant il est vrai qu’un enseignement ne peut proprement exister que si l’on a défini au préalable ce sur quoi il porte (Simard, Dufays et Garcia-Debanc, 2019, p. 31).

En didactique, l’évocation des savoirs à enseigner, de leur clarification, de leur élaboration et de leur transformation en situation de classe en savoirs enseignés et appris fait immédiatement penser à la théorie de la transposition didactique, qui nous aidera à mieux comprendre comment les savoirs dispensés reconfigurent les relations entre enseignant-e et élèves, et à interroger la légitimité des savoirs enseignés à la lumière des savoirs de référence.

Empruntée à Verret par Chevallard et introduite dans le domaine de la didactique des mathématiques (Chevallard, 1991) avant d’être reprise par les autres didactiques des disciplines, la transposition didactique rend compte des transformations subies par les savoirs pour qu’ils soient effectivement enseignés en classe et appris par les élèves. C’est la transposition didactique « interne » qui nous intéresse ici, dans la mesure où elle s’intéresse aux transformations des savoirs à enseigner en savoirs enseignés dans la salle de classe. Cette étude se focalisera sur « l’analyse des écarts entre ces savoirs effectivement enseignés et les savoirs de référence » (Simard, Dufays et Garcia-Debanc, 2019, p. 34).

Des études (résumées par Simard, Dufays et Garcia-Debanc, 2019) ont interrogé et revu la transposition didactique telle que conçue par Chevallard pour tenir compte des réalités propres aux disciplines qui ne fonctionnent pas comme les mathématiques. Ainsi, les travaux de Martinand, exploités en didactique des langues, montrent que le point de départ de la transposition est loin d’être toujours les « savoirs savants ». Dans bien des disciplines – comme l’EPS et les disciplines linguistiques –, l’on a en plus recours à d’autres types de savoirs, plus pratiques. Il s’agit de véritables pratiques de ces disciplines dans la société. Dans les classes de langues par exemple, en fonction des publics et des objectifs, l’enseignement ne se réduit pas à la transmission aux élèves (au moyen des transformations) des savoirs tels qu’élaborés par les linguistes, grammairiens et autres spécialistes de langues. L’on a également recours aux pratiques sociales de ces langues pour préparer les élèves à l’utilisation de la langue enseignée dans la vraie vie dans divers contextes exigeant la lecture, l’écriture ou les interactions orales. D’où la notion de « pratiques sociales de références » (Simard, Dufays et Garcia-Debanc, 2019). C’est d’ailleurs ce que confirment Carette et Rey : « on rencontre, au sein d’un bon nombre de disciplines scolaires, des contenus qui ne réfèrent nullement à des savoirs, mais plutôt à des pratiques sociales » (2011, p. 133).

Toutefois, dans les séquences observées et analysées dans le cadre de cet article, nous remarquerons que l’accent est davantage mis sur les savoirs « savants ». L’on ne reviendra plus sur le blocage occasionné par l’emploi d’un métalangage hors de la portée des apprenants, que nous savons handicapant pour l’apprentissage (Daouaga Samari, 2018). Il sera plutôt question de voir comment l’enseignement de ces savoirs conduit parfois à une impasse en situation de classe, se traduisant par un écart regrettable entre les savoirs enseignés et les savoirs attestés dans les travaux de linguistique, et même entre ces savoirs enseignés et les pratiques effectives des langues.

« Savoir à enseigner, savoirs pour enseigner » : des savoirs définitoires de l’acte d’enseigner

Enseigner est un acte qui exige de l’acteur ou de l’actrice qu’il ou elle connaisse la discipline qu’il ou elle doit enseigner et qu’il ou elle soit capable d’élaborer une situation didactique qui permettra à ses élèves d’apprendre. Ces deux compétences sont tellement intriquées et complémentaires que ce couplage – reprise selon la formule de Perrenoud (1999) dans le titre de cette section – est indispensable, surtout quand il s’agit de l’enseignement d’une discipline précise. Un enseignant d’histoire doit connaître l’histoire et avoir des « savoirs pour enseigner » cette discipline. Quelles compétences auraient des élèves d’un-e enseignant-e qui sait enseigner la géographie, mais ne sait rien ou peu de la géographie? Et quelles compétences auraient les élèves d’un-e enseignant-e qui a une connaissance approfondie de la géographie, mais ne dispose pas ou ne dispose que peu de connaissances sur la manière de faire apprendre la géographie? Comme le dit Jonnaert, « le futur enseignant de mathématiques doit être un expert en mathématiques pour enseigner cette discipline » (1997, p. 177). Cela est valable pour les enseignant-e-s de toutes les disciplines.

Toutefois, la connaissance d’un domaine n’infère pas automatiquement que l’on dispose des outils nécessaires pour l’enseigner à une autre personne (Belinga Bessala, 2019). Savoir enseigner, c’est, comme l’enseignent Carette et Rey, avoir un

[…] savoir spécifique sur l’enseignement et les conditions d’apprentissage, savoir qui ne peut être construit par l’apprenti enseignant sur la base de sa courte expérience. Ce savoir comprend évidemment la didactique de la discipline scolaire que le professeur enseignera, mais pas seulement. Il comporte également des considérations issues de la psychologie, de la sociologie, de la philosophie, de l’histoire de l’enseignement et, bien entendu, des connaissances accumulées par les praticiens et qu’on appelle pédagogie (2011, p. 4).

Ne peut donc également enseigner que celui ou celle qui sait enseigner, c’est-à-dire qui a des savoirs pour enseigner.

Mais, en même temps, ne peut enseigner que celui ou celle qui connaît les savoirs à enseigner. Et que peut signifier : « pour enseigner une langue, l’enseignant-e doit connaître cette langue »? Cela ne voudrait pas simplement dire que cet enseignant ou cette enseignante doit parler cette langue. En effet, même si la pratique de cette langue par l’enseignant-e est une condition incontournable pour l’enseigner, cette seule compétence linguistique ne suffit pas. Il y a donc lieu de convenir avec Pothier que « s’imaginer qu’il suffit de parler une langue pour l’enseigner suppose une grande méconnaissance de ce que sont, d’une part, une langue et, d’autre part, la pédagogie, qui réservent toutes deux de belles surprises, ce qui n’est pas le moindre de leur intérêt » (Pothier, 2003, p. 8). En plus de cette compétence de pratique linguistique, l’enseignant-e d’une langue aura besoin d’une autre qui lui permettra, cette fois, de tenir un discours scientifique sur la langue parlée et enseignée. Il doit par conséquent avoir absolument la compétence métalinguistique. De manière claire, ce travail soutient qu’» une description fiable et approfondie des langues est sans conteste un besoin absolu pour l’enseignant, à charge pour lui de la comprendre et de l’utiliser à sa manière, au mieux et surtout de façon heuristique » (Pothier, 2003, p. 13). C’est de cette compétence métalinguistique qu’il ou elle se servira au moment de la transposition didactique, en l’occurrence pour s’assurer que les savoirs qu’il ou qu’elle enseigne sont légitimes au regard des programmes et de la science.

Point de départ : un problème de légitimité épistémologique des savoirs enseignés

La section précédente montre que les « savoirs à enseigner » et les « savoirs pour enseigner » sont comme deux faces d’une même pièce qui, dans le cas d’espèce, est l’acte d’enseigner. Malheureusement, l’on regrettera qu’une de ces faces arrive à être remise en cause et même à être défaillante. C’est le cas des savoirs à enseigner dans l’enseignement des langues nationales. Si l’enseignement des Cultures nationales se fait par des enseignants avec facilité et avec une forte créativité pédagogique (Daouaga Samari, 2019; 2020), l’assurance de certain-e-s enseignant-e-s semble se réduire notablement dès qu’il s’agit des langues nationales. Sans aucune prétention à la généralisation[4], la perspective adoptée ici étant essentiellement qualitative, ce travail relève des séquences d’enseignement dans lesquelles l’interaction autour des savoirs linguistiques semble problématique. L’existence de pareilles séquences dans d’autres contextes – comme nous le verrons – fait penser que le problème mérite d’être pris très au sérieux.

De la banalisation de l’allongement de la voyelle

On parle d’allongement vocalique lorsque, dans la graphie d’un mot, une voyelle est doublée et que les deux lettres identiques « se prononcent avec un allongement » (Maiga et al., 2009, p. 7). En fulfulde, cet allongement est d’autant plus capital qu’il est distinctif. C’est par exemple ce qui permet de distinguer au niveau de la première syllabe, selon la graphie du dictionnaire de Parietti, « salaago » (refuser) et « saalaago » (passer). Zeinabou Assoumi Sow (2022) en donne plusieurs autres exemples pour souligner que la voyelle longue ne se confond aucunement à la voyelle brève.

Pourtant, en observant une séquence de discussions dans une classe de 4e de langue peule, nous remarquons que l’enseignant – d’origine peule – semble moins rigoureux que certains de ses élèves au sujet de l’allongement vocalique. Prenons cette discussion sur l’orthographe de « huitième » en fulfulde. Le déclencheur de ce débat est la traduction portée au tableau par un apprenant : « jewetataɓol », avec un seul « e » à la deuxième syllabe.

(Classe de 4e, leçon de LCP, 06 mars 2015)

A1[5] : kay ɗo ka ɗum ɗume jeweetataɓol na? A naa bannii [non ça c’est quoi c’est « jeweetataɓol » (huitième)? A ce n’est pas exact]

AA : bannii jewe jewe [c’est exact jewe jewe]

A2 : be « e » gootel [avec un (seul) « e »]

P : bannii bannii [c’est exact c’est exact]

A1 : « e » ɗiɗi [deux « e »]

A2 : « e » gootel [un (seul) « e »]

P : miin wi’i « jeweetataɓol » « e » man ɗiɗi na a wi’a o ɓesda « e » kadi ammaa a wi’a naa bannii kam ɗume? [c’est moi qui ai dit « jeweetataɓol » prend deux « e » dis-lui d’ajouter un autre « e » mais pourquoi lui dis-tu que ce n’est pas exact?]

Immédiatement, A1 relève que cette traduction en fulfulde comporte une lacune, ce qui l’amène logiquement à remettre en question la graphie indiquée au tableau : « naa bannii ». Selon cet apprenant, il faut doubler le « e » à la deuxième syllabe (allongement vocalique); au cas contraire, la réponse est fausse. Cette prise de position entraîne des réactions contradictoires dans la salle : A2 et un groupe d’apprenants (AA) soutiennent le contraire. À la suite de ces échanges houleux, l’enseignant intervient pour trancher en validant la réponse portée au tableau; mais hélas, la discussion continue. Il se sent alors obligé de devenir directif : « miin wi’i » (c’est moi qui ai dit). Par la suite, il fait une concession en ajoutant qu’il suffit d’ajouter un deuxième « e » pour que la réponse soit juste tout en reprochant à A1 d’invalider la réponse de son camarade.

Ces interactions révèlent un fait qui peut paraître anodin de prime abord. La réaction de l’enseignant donne l’impression que cet allongement est facultatif ou secondaire. Pourtant, dans la langue dans laquelle l’exemple est pris (le fulfulde), il s’agit d’une propriété essentielle et non négligeable. Que ce soit dans le Dictionnaire de Parietti, dans le Vocabulaire de Tourneux et Yaya ou dans le récent Vocabulaire peul du Cameroun de Tourneux, Yaya et Mohamadou, l’on observe bien un allongement vocalique à la deuxième syllabe, aussi bien dans sa forme « joweetatii » (Parietti, p. 187) (ou joweetati chez Tourneux et Yaya, 1999, p. 62) que dans celle utilisée par l’enseignant attestée sous la graphie « njoweetataɓo » (Parietti, p. 187). L’on comprend que l’enseignant a peut-être opté pour une posture non normative dans sa classe. Toutefois, après ces échanges, il pouvait attirer l’attention des apprenants sur la fonction de l’allongement vocalique dans cette langue, non sans annoncer une leçon entière qui pourrait lui être consacrée au besoin à une autre séance. Au contraire, il ferme simplement la séquence par une déclaration qui laisse penser que A1 en demande trop pour quelque chose qui serait insignifiant, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les représentations que peuvent se construire les apprenants au sujet de l’allongement vocalique à l’issue de cette discussion. Ces représentations sont de potentiels obstacles didactiques pour les prochains apprentissages.

Si, en 4e, l’allongement vocalique est banalisé par un enseignant de langue peule, dans une autre classe, c’est à une généralisation abusive qu’on assiste.

Les tons : une généralisation abusive dans l’enseignement des LN

Le vendredi 13 novembre 2015, à 11h 05, l’enseignant[6] de Langues et Cultures Nationales entre dans sa classe de 5e pour une leçon de langues nationales d’une durée de cinquante (50) minutes. Avant d’entamer la leçon du jour, il se propose, comme d’habitude, de faire un bref rappel du cours précédent qui portait sur les types de tons et de corriger l’exercice à faire à la maison qu’il avait donné. C’est lors de la correction de cet exercice qu’il a été remarqué que ces tons avaient été probablement enseignés comme si toutes les langues camerounaises les portaient de manière automatique.

Dans ses exemples pris en fulfulde, un élève va porter au tableau ceci :

« ɗìɗí » (deux)

« ndīàm » (l’eau).

Au-delà du problème posé par la graphie du terme « eau » en fulfulde (en principe : ndiyam), ces deux exemples qui ont fait l’objet de validation en situation de classe montrent que des enseignant-e-s sont parfois désarmé-e-s face à la pluralité du répertoire linguistique de leur classe. Une petite recherche peut bien les aider. Le fulfulde par exemple a l’avantage d’être très documenté, en tout cas assez pour savoir que ce n’est pas une langue à tons[7], mais seulement une langue à classes (Mohamadou, 1998). Dans l’incertitude, et même dans l’ignorance, l’enseignant sanctionne positivement des savoirs inexacts, devant en conséquence être retenus par toute la classe.

Au cours de l’entretien que nous avons eu avec cet enseignant, il renseigne que, habituellement, dans ces moments d’incertitude, il compte sur la réaction des élèves parlant la langue dans laquelle l’exemple est pris. Quand ces élèves détectent des erreurs, ils ou elles interviennent immédiatement pour des besoins de correction.

Entretien du 08 décembre 2015

[…]

Chercheur : Ça veut dire que quand un enfant donne un exemple, ceux qui parlent la même langue que lui ou ceux qui sont dans la même aire culturelle peuvent réagir et dire si l’exemple est bien ou pas.

Enseignant : Oui, parce que vous savez les enfants, les enfants. Bon les enfants pas/ je ne dis pas que je ne dis pas que les enfants nous trompent pas hein, les enfants peuvent se tromper… d’un exemple. Alors, je vous assure, ces enfants quand ils se trompent, ce sont toujours les les les camarades qui… qui les corrigent en disant à l’enseignant… en réagissant tout de suite en disant à l’enseignant non ce n’est pas ça, ou bien voilà plutôt ce qu’il faut dire. Et si un exemple échappe à toute la classe, nous pouvons laisser cet exemple ou alors si c’est un exemple vraiment pertinent, nous faisons donc appel peut-être aux autres élèves voisins ou alors aux collègues… aux collègues qui sont qui… qui… qui parlent la même langue.

Dans le cas d’espèce, l’enseignant a été réconforté par le silence des apprenants, ce qu’il a interprété comme un indice du caractère irréprochable de la réponse donnée. Cette situation, qui fait dépendre des élèves le processus de validation, est préjudiciable à l’activité d’apprentissage en ce que la rupture du contrat didactique qu’elle provoque conduit l’enseignant dans l’impasse. Il procède à une dévolution quasi maximale faisant des apprenants les responsables des contenus qu’ils apprennent, alors que cette tâche lui est reconnue institutionnellement. C’est à lui que « l’institution attribue un rôle de ‘‘sujet sachant’’ » (Kerneis, 2010, p. 61). Vers la fin de son extrait, il évoque la possibilité d’avoir recours à des personnes-ressources; mais leur intervention ne peut être efficace qu’à la phase préactive de l’enseignement. La dernière section de ce travail reviendra sur ce point.

De tels exemples sont nombreux à être observés en classe de langues nationales, surtout au sous-cycle d’observation. En prenant donc des exemples dans plusieurs langues, l’enseignant n’est logiquement pas capable de connaître les langues dans lesquelles ces exemples sont pris par ses élèves. Ces résultats corroborent ce constat fait par Manifi Abouh dans la partie méridionale du pays : « Certains enseignants avouent par exemple qu’ils ne sont pas toujours capables d’identifier tous les sons prononcés par les élèves à travers des mots dans leurs langues spécifiques et se limitent ainsi aux langues dont ils ont la maîtrise parfaite des graphèmes » (Manifi Abouh, 2019, p. 72). Comme le dit cet auteur, certain-e-s enseignant-e-s se trouvent souvent dans l’obligation de se replier dans leur zone de confort en se limitant à des exemples pris dans des langues qu’ils ou qu’elles comprennent et dont ils ou elles connaissent la structure. Mais dans les séquences analysées dans cette étude, des savoirs sont validés alors qu’ils ne sont conformes ni aux pratiques linguistiques ni aux savoirs documentés dans la science sur ces langues.

Pourquoi des propriétés propres à certaines LN sont-elles négligées, ignorées ou peu connues?

Deux éléments permettront de répondre à cette question dans ce travail : d’une part la configuration de l’enseignement des langues nationales au premier cycle, et d’autre part la formation des enseignant-e-s.

Une organisation curriculaire propice à un enseignement général en sous-cycle d’observation

Les programmes sont clairs au sujet de l’organisation de l’enseignement des langues nationales au Cameroun. Au sous-cycle d’observation (6e et 5e), les enseignant-e-s n’enseignent pas une langue camerounaise précise. Il leur est demandé d’enseigner la phonétique et la grammaire appliquées à quelques langues camerounaises dominantes de ces classes. C’est le répertoire linguistique de la classe qui oriente l’enseignant. C’est à partir de la classe de 4e qu’ils sont censés enseigner une langue spécifique, en fonction des choix faits dans la région et dans l’établissement (Minesec, 2014).

L’observation du déroulement des leçons amène à penser que c’est justement cette organisation qui permet de comprendre la situation dans laquelle se trouvent les enseignant-e-s de langues nationales, surtout dans les deux premières classes du collège. Contraint-e de (faire) prendre des exemples dans plusieurs langues suivant la notion grammaticale enseignée, l’enseignant-e est exposé-e à la pluralité linguistique et, en conséquence, à la pluralité des savoirs dont il ou elle ne dispose pas forcément. Pour réduire cette insécurité didactique, il ou elle sera obligé-e d’inventer des stratégies qui lui permettront d’avoir un contrôle sur les savoirs qu’il ou qu’elle devra de toutes les façons valider pour qu’il y ait apprentissage. Ou alors, il ou elle se focalisera simplement sur la (ou les) langue(s) qu’il ou qu’elle connaît, au risque d’aller à l’encontre des prescriptions officielles.

Une formation enseignante peu suffisante en linguistique africaine

Interrogé sur les difficultés rencontrées dans l’enseignement des langues nationales, l’enseignant de 6e et 5e dont nous avons déjà cité les propos plus haut (cf. section 2.2) souligne que la discipline qu’il enseigne – bien qu’étant de nature linguistique – s’inspire largement de la science, ce qui est incompatible avec la transmission de « fausses informations » et l’empêche d’être totalement à l’aise dans son activité d’enseignement :

Enseignant : Bien, à l’aise. Oui, mais pas totalement. Vous savez, les LCN tout comme d’autres disciplines, c’est une discipline scientifique. Nous ne pouvons pas dire qu’on est totalement à l’aise. Sinon, les… les difficultés dont je vous ai… fait allusion plus haut ne pouvaient même plus être là. Donc on a toujours vraiment… c’est bien nous sommes à l’aise mais bon, pas à 100 %. Vous savez nous avons/ nous avons le problème de personnes-ressources. Oui, parce qu’il faut… faut pas donner des… des fausses informations aux élèves, surtout que ce qu’on leur donne se retrouve dans leur cahier.

Le fait que cet enseignant reconnaisse qu’il lui manque des connaissances sur les langues enseignées amène à penser que la formation dans les Départements de Langues et Cultures Camerounaises gagnerait à mettre un accent particulier sur les cours de linguistique africaine. C’est également à cette conclusion que débouche la réflexion de Onguéné Essono sur les pratiques des enseignant-e-s intervenu-e-s dans le cadre du projet ELAN-Afrique, pourtant formé-e-s dans les ENI ou les ENS :

Si tous les acteurs enrôlés dans l’Initiative ELAN ont tous été dans une ENI ou à l’ENS, il est crucial de signaler que la formation linguistique favorable à la compréhension et à l’exploitation des concepts demeure nettement insuffisante. Il est impératif que tous ces personnels en charge de ce nouveau programme soient commodément formés en linguistique générale, qu’ils maîtrisent les concepts de phonologie et de phonétique (Onguéné Essono, 2016, p. 386).

Pour les séances observées, le problème ne se situe guère au niveau des connaissances des enseignant-e-s en linguistique générale ou en phonétique, mais davantage à l’application des concepts y afférents dans une langue spécifique. Le site internet[8] du Département de Langues et Cultures Camerounaises de l’ENS de Yaoundé, par exemple, informe que le profil de sortie des enseignant-e-s qui y sont formé-e-s est le suivant :

Au terme de sa formation à l’École Normale Supérieure, le Professeur de Langues et Cultures Camerounaises doit être en mesure d’enseigner les matières suivantes sans exclusive :

  1. La phonétique et la grammaire appliquées aux langues camerounaises (6ème – 5ème);
  2. Les cultures nationales camerounaises (proverbes, contes, épopées, chants, rites, traditions, …) dans toutes les classes de l’enseignement secondaire;
  3. Une langue nationale (4ème – Terminale)

 (https://ens.cm/new/index.php/departement-de-lcc/, site consulté le 11 mars 2022).

Les points 1 et 3 de ce profil méritent d’être davantage renforcés dans le cadre de cette formation. Le premier point, en particulier, requiert que l’on prépare les enseignant-e-s à didactiser la pluralité, car c’est en 6e et 5e qu’ils sont régulièrement dans l’incertitude, dans le doute, dans l’embarras. En clair, la formation devrait pouvoir donner à l’enseignant ou à l’enseignante la capacité de procéder à l’institutionnalisation, c’est-à-dire à « l’instauration dans la classe d’un rapport ‘‘officiel’’ à un savoir ou savoir-faire » (Reuter, cité par Kaheraoui et Coret, 2014, p. 118). Par ailleurs, la formation initiale gagnerait à initier les futurs enseignants à la linguistique comparée[9]. En effet, dans leurs pratiques quotidiennes, les enseignants et enseignantes des langues nationales sont explicitement appelé-e-s à procéder à des comparaisons entre plusieurs langues. C’est, du reste, un principe essentiel dans le sous-cycle d’observation où, comme nous l’avons déjà relevé, des notions grammaticales sont appliquées à plusieurs langues locales. Les préparer à ce travail de comparaison pourrait leur permettre d’avoir des stratégies pertinentes susceptibles d’aider à éviter que les élèves soient simplement entraîné-e-s à ne mémoriser que des règles grammaticales (ELAN, 2014). Il est désormais connu que la démarche comparative en classe de langues est un principe essentiel en ce qu’elle mène à la convergence linguistique entre les langues concernées (généralement langues nationales et langues officielles) et au transfert des compétences (Maurer, 2007). Doter les enseignant-e-s des compétences qui leur permettront de gérer efficacement de telles difficultés exige la mise en place d’un dispositif pertinent d’intervention et d’accompagnement de l’enseignant ou de l’enseignante.

Quelques pistes de solution

Les pistes suggérées ici tentent de répondre aux problèmes sus-évoqués, qui se traduisent en général par une connaissance insuffisante de certaines propriétés pourtant capitales pour l’enseignement des langues camerounaises. Elles ont trait, d’une part, aux efforts à fournir par l’enseignant ou l’enseignante dans la préparation de ses leçons, et, d’autre part, aux conditions pédagogiques à mettre en place pour faciliter la réalisation des activités d’enseignement-apprentissage. La question de la formation des enseignant-e-s ayant été abordée dans la section précédente, inutile d’y revenir de peur de se reprendre.

Au niveau des enseignants : de la préparation des leçons

Observer un enseignant ou une enseignante négliger l’allongement vocalique sans proposer d’y travailler immédiatement ou sans programmer une autre occasion pour faire prendre conscience aux apprenants de sa place dans la description ou dans la pratique des langues enseignées, ou même le voir simplement attribuer à une langue une propriété qu’elle n’a pas en réalité – comme faire croire que le fulfulde est une langue à tons – fait penser qu’il ou qu’elle n’a probablement pas cerné, pour le cours dispensé, tous les contours d’une étape incontournable : la préparation.

Phase préactive de l’enseignement, la préparation d’un cours est une étape capitale qui ne mérite pas d’être bâclée si l’on a en mémoire l’idée de réduire l’improvisation en situation d’interaction. Il n’est sûrement pas question de prétendre que les enseignants observés n’ont pas du tout préparé leurs leçons. Au contraire, il faut convenir que des techniques d’animation (poser des questions, encourager les élèves, reformuler, donner des consignes, etc.) ont été mises en place et des choix méthodologiques (définition des objectifs pédagogiques, élaboration des stratégies d’enseignement, etc.) ont sans doute été faits, ce qui a permis à beaucoup d’apprendre. Car la préparation consiste à prévoir des techniques d’animation et à faire des choix méthodologiques précis dont l’enseignant ou l’enseignante aura besoin pour faciliter l’appropriation des savoirs (Rieunier, 2018). Ce n’est pas fondamentalement cette dimension animation et méthodologie qui pose directement problème ici, même si elle ne s’efface pas. Une autre dimension de cette préparation est indexée : la gestion des savoirs en circulation dans une classe plurilingue

Cette gestion des savoirs est intimement liée à l’animation et à la méthodologie envisagées par l’enseignant dans la mesure où celles-ci sont mobilisées en vue de conduire les élèves vers les savoirs ou vers des compétences. Cependant, il faut momentanément la détacher et l’isoler pour les besoins d’analyse pour montrer qu’un enseignant ou une enseignante peut bien avoir toutes les techniques et méthodologies d’enseignement au bout des doigts, mais échouer dans l’enseignement des langues camerounaises s’il ou elle les ignore et ne se prépare pas à gérer les savoirs qui seront en circulation en classe. Rieunier dit à dessein : « si vous ne maîtrisez pas les contenus que vous enseignez, vous ne pouvez pas enseigner! » (2018, p. 38). Belinga Bessala renchérit : « l’enseignant du secondaire doit savoir se repérer dans un monde de savoir savant tel qu’il est structuré en continu par les réseaux électroniques » (2009, p. 147). Cela a été largement martelé plus haut.

En conséquence, l’enseignant ou l’enseignante, puisqu’il ou elle connaît la configuration sociolinguistique de sa classe, ne peut s’empêcher de faire de sérieuses recherches sur le fonctionnement des langues représentatives de la classe pour répondre aux besoins de ses apprenants. De nombreuses publications, en accès libre, sur des langues camerounaises existent sur plusieurs sites institutionnels sur internet. L’imposante bibliographie de Tourneux et al. (2012) réconforte dans l’idée qu’il ne manque pas de travaux sur les langues camerounaises. À titre d’illustration, pour enseigner une notion au programme comme celle de « syntagme nominal » en classe de 6e, l’enseignant ou l’enseignante ne peut se contenter des informations sommaires fournies par le programme. Pour être efficace, il ou elle pourrait chercher à connaître d’abord personnellement le fonctionnement de cette notion dans quelques langues avec des exemples précis à partir des travaux existants, ce qui pourrait faciliter la conduite de sa leçon. Cela semble fastidieux; mais c’est le défi à relever pour un enseignement de qualité. En sous-cycle d’observation, où les problèmes les plus préoccupants sont généralement observés – notamment la validation des savoirs inexacts –, l’enseignant ou l’enseignante gagnerait à faire lui-même des recherches pour chaque leçon qu’il dispense en vue d’anticiper sur les réponses des élèves. De plus, les programmes prescrivent aux enseignant-e-s la méthode participative qui leur permet de solliciter l’aide des parents d’élèves ou de toutes personnes-ressources en vue d’avoir un fonds de corpus étoffé sur lequel il ou elle pourrait s’appuyer pour ses leçons. Dans les extraits d’entretien que nous avons eu avec un de ces enseignants, il déplore l’insuffisance de ces personnes-ressources. Pourtant, il revient à l’enseignant de se constituer sa base de personnes-ressources à consulter de temps en temps pour ses cours. Le corpus constitué au cours de la première année de l’initiative sera progressivement enrichi; et au fur et à mesure que les années passent, l’enseignant ou l’enseignante disposera de ressources essentielles sur lesquelles s’appuyer régulièrement et qui, par ailleurs, pourront faire l’objet d’une publication après un sérieux travail pour une mutualisation entre des collègues. Des élèves des grandes classes peuvent bien être mis à contribution.

Nous avons la faiblesse de croire, au regard des séances de cours observées, que ce travail préalable est nécessaire, voire indispensable pour la réussite des activités de classe. De manière concrète, il s’agit par exemple pour celui ou celle qui a prévu enseigner « le syntagme nominal » dans une ville de Ngaoundéré, savoir prévu dans les programmes, de se constituer des corpus en fulfulde, en dii, en gbaya, en mbum et autres langues, en fonction du répertoire linguistique de la classe et conformément aux prescriptions des programmes, tel que rappelé au début de cette réflexion. Ces corpus recueillis dans ces langues d’origine seront ensuite traduits en français. Une fois en classe, l’enseignant-e fera travailler ses élèves sur ces corpus précis qu’il a pris le soin de connaître et d’étudier avant d’aller en classe. Ainsi, cela pourrait réduire l’insécurité de l’enseignant et donc la transmission des savoirs inexacts.

Bien entendu, comme cela apparaît dans cette piste, il n’est aucunement question d’inciter les enseignant-e-s des langues nationales au secondaire de « maîtriser les savoirs à enseigner dans leur état natif, au plus haut niveau » (Perrenoud, 1999, p. 12) au point de se confondre aux chercheurs et aux chercheuses, ce qui, d’ailleurs, « n’est ni nécessaire, ni possible » (Perrenoud, 1999, p. 12). Il s’agit simplement de suggérer que « les enseignants en sachent ‘‘raisonnablement plus’’ que leurs élèves, qu’ils ne découvrent pas le savoir à enseigner la veille de leur cours et qu’ils le dominent suffisamment pour n’être pas en difficulté à la moindre question imprévue » (Perrenoud, 1999, p. 12).

De l’amélioration des conditions matérielles d’accompagnement

Les difficultés rencontrées par les enseignant-e-s de langues nationales ne peuvent également être résolues que par l’implication de divers acteurs éducatifs, en l’occurrence les établissements dans lesquels ils exercent et les collectivités territoriales décentralisées.

Nouvellement intégrées dans le secondaire et dans le primaire comme discipline obligatoire, les langues nationales sont enseignées sans viatique pédagogique suffisant. Plus précisément, les ressources documentaires (manuels scolaires) sont extrêmement rares, sinon existantes pour certaines classes, au point où l’enseignant ou l’enseignante est contraint-e de chercher – parfois sans trouver – des corpus ou des documents pour la préparation de ses cours. Les établissements scolaires pourraient équiper leurs bibliothèques en livres de référence sur les langues camerounaises, et dans les domaines de la linguistique africaine et de la didactique des langues. Les inspections, en ce qui les concerne, pourraient s’impliquer en créant des équipes pédagogiques pour la production de ces manuels qui manquent cruellement pour l’enseignement de cette nouvelle discipline.

Le rôle des collectivités décentralisées dans ce sens n’est pas à négliger. Conformément aux lois de 2004[10] fixant les règles applicables aux communes et aux régions, ces collectivités peuvent contribuer au financement de la production des documents (livres, manuels, romans, etc.) en langues camerounaises, que l’on mettra plus tard à la disposition des enseignant-e-s et des élèves.

Dans un contexte où il manque de manuels pour l’enseignement de ces langues, il convient de s’organiser pour donner aux enseignant-e-s, le plus rapidement possible, des ressources dont ils ou elles auront besoin pour la réussite des activités pédagogiques. L’État étant le garant de l’éducation et le responsable de la politique conduite dans ce secteur, il lui revient de s’impliquer davantage en vue de soutenir l’enseignement des langues et cultures nationales. Laisser l’enseignant-e seul-e, sans ressources, aller dispenser des savoirs dans ces nouvelles classes, c’est sans conteste soutenir officiellement la folklorisation de ces langues et de cette nouvelle discipline scolaire.

Conclusion

Parlant de la transposition didactique des savoirs mathématiques, Chevallard soutient que « le savoir enseigné – le savoir traité à l’intérieur du système – doit être vu, par les ‘‘savants’’ eux-mêmes, comme suffisamment proche du savoir savant, afin de ne pas encourir le désaveu des mathématiciens, qui minerait la légitimité du projet social, socialement accepté et soutenu, de son enseignement » (Chevallard, 1991, p. 26). Cet extrait renseigne que la question de la légitimité des savoirs enseignés en situation de classe est capitale. Certes, « il y a un écart entre savoirs scientifiques et savoirs scolaires » (Carette et Rey, 2011, p. 133); mais cet « écart », envisagé en termes de « distance », ne doit pas conduire à une distorsion et, par conséquent, à un désaveu total par les « savants »/chercheurs ou chercheuses. L’enseignement des langues s’appuyant aussi sur les pratiques effectives sociales, les savoirs enseignés ne devraient pas non plus être désavoués par les locuteurs. En l’occurrence, l’allongement vocalique, propriété distinctive dans une langue comme le fulfulde et qui est attestée aussi bien dans les travaux de linguistique que dans les pratiques, ne peut être banalisé en situation de classe. En même temps, attribuer les tons au fulfulde, c’est enseigner une caractéristique linguistique qui n’est attestée ni dans les pratiques sociales réelles de cette langue ni dans les multiples travaux de recherche actuelle en linguistique peule.

Pour garder aux savoirs enseignés leur légitimité, les enseignant-e-s de langues nationales ont pour défi l’amélioration de leur compétence métalinguistique. En plus de parler ces langues, ils ou elles seront plus outillé-e-s en se construisant cette compétence qui leur permettra d’enseigner le fonctionnement de ces langues, comme le leur demandent les programmes. Il est clair que « tout comme le guide touristique qui se fait un point d’honneur à connaître sur le bout des doigts les lieux qu’il fait visiter » (Musial et Tricot, 2020, p. 120), l’enseignant-e des langues nationales doit avoir une connaissance suffisante du fonctionnement de la/des langue(s) qu’il ou qu’elle enseigne. En situation de classe, « l’objectif d’enseigner est d’aider l’élève à réduire l’écart entre sa propre connaissance et le savoir scolaire. […] L’enseignant accomplit cet acte avec sa propre connaissance du savoir » (Musial et Tricot, 2020, p. 62). Si les pratiques enseignantes révèlent des lacunes au niveau de la connaissance de certaines de ces langues, cela signifie que la formation n’a probablement pas suffisamment préparé les enseignants à affronter la situation et qu’il est urgent d’y remédier. Les écoles de formation, les établissements, les inspections, les collectivités territoriales décentralisées, l’État dans son ensemble et l’enseignant-e ont, chacun en ce qui le concerne, un rôle essentiel à jouer pour garantir la réussite de l’enseignement des langues nationales. Bref, l’enseignant doit être animé d’une « vigilance épistémologique », pour le dire avec Chevallard, qui l’amène à tout instant à se poser cette question fondamentale : « Est-ce bien là l’objet dont l’enseignement était projeté? » (1991, p. 43).

Le différentiel entre les compétences métalinguistiques actuelles et souhaitées que ce travail s’est attelé à dégager par l’analyse des pratiques enseignantes met d’ailleurs sur la piste d’une recherche bottom-up qui interrogerait les besoins de formation[11] des enseignant-e-s de langues nationales en vue de l’amélioration du dispositif de formation devant en principe être arrimé aux situations professionnelles réelles sur le terrain.

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  1. Si l’ENS de Bertoua forme déjà des enseignant-e-s de langues et cultures camerounaises, l’ENS de Maroua n’a pas encore lancé le concours pour l’admission en formation initiale des élèves-professeurs au département consacré à ces langues et cultures, même si le responsable de Département est désigné depuis juillet 2021. Les arrêtés n°22/00676 et n°22/00677 du 29 août 2022 portant respectivement ouverture des concours au premier et au second cycle ne font pas état de place prévue dans ce nouveau Département pour le compte de l’année académique 2022/2023. Seulement un communiqué n°22/204 du 22 septembre 2022 du recteur de cette Université indique que quinze (15) et vingt (20) étudiants et étudiantes seront retenu-e-s en qualité d’auditeurs et auditrices libres.
  2. Pour le compte de l’année académique 2021/2022, par exemple, six (06) places étaient prévues au concours d’entrée au premier cycle au Département de Langues et cultures camerounaises de l’ENS de Yaoundé (cf. arrêté n° 21-00352/MINESUP du 08 juin 2021.
  3. https://www.tabitalpulaaku.org/
  4. Ces résultats ne sauraient être généralisés ni aux pratiques globales des enseignant-e-s observé-e-s, ni à celles de tou-te-s les enseignant-e-s de langues nationales. Toutefois, ils pointent des difficultés que l’on gagnerait à prendre au sérieux dans une perspective formative.
  5. Conventions de transcription : A = apprenant. AA = groupe d’apprenants. P = professeur. ou = pause courte ou moyenne.
  6. Contrairement à l’enseignant du fulfulde dont nous avons analysé les pratiques plus haut, en l’occurrence dans le paragraphe portant sur la banalisation de l’allongement vocalique, cet enseignant n’est pas Peul, mais locuteur du fulfulde. Il est d’origine tupuri.
  7. Le système tonal des langues africaines est complexe et sa représentation varie d’une langue à une autre. En effet, les langues qui portent les tons n’ont pas le même système tonal (l’on pourrait par exemple lire Jean-Marie Hombert (1984) pour plus de détails) ; mais en plus il est possible de trouver des documents qui adoptent une posture orthographique précise, celle de ne pas matérialiser ces tons quand bien même il s’agirait d’une langue à tons. C’est notamment ce qui se lit dans l’avant-propos du Lexique hǝdi – français de Lee Bramlett : « Le ton n’est pas indiqué par les marques d’accent. Les mots différenciés uniquement par le ton sont indiqués par les doubles voyelles » (1996, p. 3). Alors qu’en fulfulde par exemple, non seulement il n’y a pas de tons, mais en plus les voyelles longues font partie intégrante du système phonologique (Tourneux, Daïrou et Mohamadou, 2021).
  8. https://ens.cm/new/index.php/departement-de-lcc/
  9. Je tiens à remercier les évaluateurs de ce texte. Leurs suggestions et commentaires m’ont rappelé la place importante de la linguistique/grammaire comparée dans la formation des enseignants des langues nationales. Je reste toutefois le seul comptable des imperfections contenues dans l’article.
  10. Cf. section 3 de la Loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes et de la Loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions.
  11. Selon Ardouin justement, c’est par l’analyse du besoin que l’on parviendra à « s’interroger sur l’écart, ou le différentiel, entre la situation actuelle et la situation souhaitée » (2017, p. 81).

Pour citer cet article

Daouaga Samari, Gilbert. 2023. Les pratiques d’enseignement des langues nationales au Cameroun : entre banalisation et généralisation abusive de savoirs enseignés. JEYNITAARE. Revue panafricaine de linguistique pour le développement, 2(1), en ligne. DOI : 10.46711/jeynitaare.2023.2.1.2

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JEYNITAARE – Revue panafricaine de linguistique pour le développement est sous une license Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

Digital Object Identifier (DOI)

https://dx.doi.org/10.46711/jeynitaare.2023.2.1.2

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2756-7222

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