Des ressources didactiques pour la classe de fulfulde. Recension d’ouvrages et propositions d’activités d’enseignement-apprentissage

Mohamadou Ousmanou

 

Introduction

La décision d’intégrer les langues camerounaises dans le système éducatif comporte, de manière conséquente, des impératifs qui, s’ils ne sont pas remplis, entraînent des blocages au niveau du processus d’implémentation de ces enseignements. La confection des manuels, leur disponibilité et leur accessibilité sont des critères dont il faut absolument tenir compte. De ce point, le manuel assure des fonctions essentielles. Selon Gérard et Roegiers (2009), au-delà des fonctions traditionnelles comme celle de servir d’outil de transmission des connaissances et celle de compilateur d’exercices, « les manuels scolaires doivent également répondre à de nouveaux besoins : développer auprès des élèves des habitudes de travail, proposer des méthodes d’apprentissage, intégrer les connaissances acquises à la vie de tous les jours » (2009, p. 7). L’impact du manuel sur la performance des apprentissages a été maintes fois relevé par Chatry-Komarek (1994).

Dans le cas du fulfulde, on dispose d’une abondante littéraire scientifique. Certaines de ces ressources datent de plusieurs décennies, d’autres définitivement indisponibles dans le commerce. Il y a donc une nécessité de travailler à reconstituer une base documentaire actualisée et accessible. La technologie aujourd’hui le permet et le facilite. À l’ère du numérique et du libre accès, certaines de ces ressources doivent pouvoir profiter au grand nombre.

Précisons que les textes présentés ici sont loin de représenter la totalité des travaux produits dans ce champ de recherche. Les principaux critères qui ont présidé à leur choix sont la disponibilité et l’accessibilité du discours scientifique utilisé. Nous commencerons par une présentation générale du contexte de l’étude en rappelant la problématique autour de la question du manuel pour l’enseignement des langues et cultures nationales (LCN), puis les choix qui semblent utiles à faire dans la perspective d’une construction de capacités à la fois scripturales et de lecture qui s’appuie sur une multiplicité de ressources sémiotiques. Ensuite, nous présenterons les ressources didactiques que nous avons recensées. Cette présentation s’accompagne, pour certaines, de propositions d’activités de classe dans lesquelles les ressources peuvent servir de support. Ces propositions qui sont conçues pour les classes de 4e et 3e tiennent compte des spécificités de la langue, des contraintes liées au contexte d’apprentissage et le potentiel que représentent aujourd’hui les nouveaux artéfacts de communication, notamment les médias et le numérique.

Contextualisation de l’étude

La présente étude s’intéresse à la question des ressources didactiques en général. Son origine se trouve dans un constat qui persiste déjà depuis bientôt une dizaine d’années : l’absence de manuels scolaires pour l’enseignement du fulfulde. Si les causes d’une telle situation peuvent être facilement identifiées, la durée de l’impasse interroge. Quelles documentations les enseignants et enseignantes ont à leur disposition pour préparer et dispenser leurs cours? Lesquelles sont disponibles ou accessibles? L’enseignement du fulfulde s’insère dans la discipline scolaire appelée « Langues et cultures nationales » dans les lycées. Le programme officiel précise le niveau concerné et la procédure du choix des langues à enseigner.

Le travail de réflexion mené par les Inspecteurs des Langues et Cultures Nationales a amené à la résolution d’introduire en sixième et cinquième, l’apprentissage de la phonétique et de la grammaire appliquées, et celui des Langues Nationales particulières à partir de la classe de quatrième. Ces langues sont soit celles de la localité envisagée ou des langues véhiculaires (MINESEC, 2014, p. 13-14).

C’est donc à partir de la classe de 4e que les apprenants et apprenantes choisissent une langue camerounaise spécifique. Le choix est conditionné par la disponibilité des enseignants ou enseignantes de la langue choisie. Mais ces deux contraintes sont liées à la formation de ces personnes et à leur affectation dans les établissements scolaires. Ce qui relève d’un problème plus général et excentré par rapport à l’école. La question du manuel quant à elle nous ramène directement dans les pratiques de classe, car en tant qu’outil d’apprentissage, le manuel constitue l’un des lieux de concrétisation et de consolidation des apprentissages.

La question du manuel

Cette question touche à une problématique beaucoup plus ambitieuse et probablement plus technique parce que relevant davantage des disciplines techniques (linguistique, didactique, psychopédagogues, etc.) que du domaine de la politique. En effet, la rédaction d’un programme d’enseignement requiert une certaine technicité. Dans son ouvrage sur la conception et la réalisation des manuels scolaires pour le primaire, Poth souligne la délicatesse de cette tâche.

L’expérience prouve d’ailleurs que l’absence de manuels et la mauvaise qualité de ceux qui ont été mis quelquefois à la disposition des maîtres et des élèves ont joué un rôle déterminant dans l’échec de plusieurs réformes linguistiques défuntes ou contestées qui avaient pour objectif d’intégrer les langues nationales ou maternelles dans le système éducatif (Poth, 1997, p. 7).

En fait, le manuel lui-même résulte d’un travail de cadrage théorique et méthodologique, ainsi que de la délimitation des contenus à enseigner qui se trouvent dans le programme officiel. Dans l’état actuel des choses, le programme d’étude proposé pour l’enseignement des langues camerounaises laisse en suspens de nombreuses questions, notamment sur les aspects spécifiques à chacune des langues (langues à tons ou sans tons, langues à classes nominales ou sans, ordre syntaxique, etc.). En effet, ce document ne s’attache à aucune langue camerounaise particulière, mais se contente de lister des notions grammaticales applicables aux langues camerounaises en général, sans tenir compte des spécificités propres à chacune d’elles. Certes, la désignation « Langues et cultures nationales » correspond à une matière dans le programme d’enseignement secondaire, mais l’unicité de la dénomination doit-elle conduire à considérer ces langues de manière uniforme? Ne devrait-on pas considérer ces langues au même titre que les autres langues (officielles et étrangères) enseignées? Puisqu’on attribue la double mission d’enracinement culturel et d’ouverture au monde à l’enseignement des langues (MINSEC, 2014, p. 5), on se demande si la place que l’on accorde à ces langues participe vraiment d’une recherche d’égalité. D’ailleurs, on remarquera que la matière LCN est rattachée au domaine d’apprentissage intitulé « Arts et cultures nationales », et non au domaine « Langues et littérature » dans lequel on retrouve le français, l’anglais, les langues étrangères, et les littératures (MINESEC, 2014, p. 6); ce dernier domaine étant doté d’une enveloppe horaire hebdomadaire de onze heures, contre trois heures seulement pour le second.

Il est invraisemblable que l’on puisse confectionner un programme d’études qui soit représentatif de toutes les langues camerounaises, mais on peut s’interroger sur son efficacité si tant est que celles-ci appartiennent à des familles linguistiques différentes, et chacune avec ses spécificités. Ce que nous voulons dire est qu’il serait plus efficace d’avoir un programme par langue enseignée de sorte que les aspects spécifiques à chaque langue soient représentés, et que les aspects qui seraient inexistants ou superflus dans certaines ne soient pas ainsi prévus ou imposés dans les autres. En guise d’exemple, dans le cas du fulfulde, la notion de ton est totalement superflue alors qu’elle est fondamentale pour une langue comme le mbum.

Quels choix pour une littéracie multimodale?

L’apprentissage de la lecture-écriture, dans les milieux plurilingues comme celui du Nord-Cameroun, requiert des « compétences plurilittéraciées » (Moore, 2006, p. 118). En effet, les apprenants et apprenantes, surtout en zone urbaine, baignent dans une mosaïque de langues; des langues qu’ils et elles pratiquent selon différents contextes, au moyen de diverses ressources sémiotiques.

Avec la multiplication des télécommunications numériques ces dernières années, les recherches sur les pratiques de littératie dépassent maintenant l’étude des interactions autour de textes écrits pour prendre en compte la grande diversité des formes de communication intégrant plusieurs moyens d’expression : l’oral, l’écrit, la musique, la gestuelle, le son, l’image fixe et mobile, et la gestion de l’espace (Dagenais, 2012, paragr. 1).

Le choix d’une approche multimodale est, par conséquent, indiqué. Il s’agit de mettre en relation les apprentissages avec le milieu réel des apprenants et apprenantes. En effet, le développement et l’évolution rapide de la téléphonie mobile dans les villes africaines sont un fait que toute entreprise éducative ne saurait ignorer. La place qu’occupent ces objets connectés est aujourd’hui suffisamment attestée. Ils devront être les médiums privilégiés afin de mettre en place des dispositifs et des outils pédagogiques à la fois originaux, adaptés, attractifs, et surtout pédagogiquement efficients.

Aussi, la recension bibliographique que nous présentons ici tient-elle compte à la fois du domaine d’apprentissage au sein duquel s’inscrit le cours de fulfulde et des cinq domaines de vie définis par le programme : vie quotidienne, vie socioculturelle, vie économique, environnement, bien-être et santé, et média et communication. Deux autres critères ont guidé la sélection des ouvrages : la disponibilité et l’accessibilité. Par disponibilité, nous entendons le fait que les enseignant-e-s et les apprenant-e-s peuvent entrer en possession de l’ouvrage soit en l’acquérant dans le commerce, soit en l’empruntant à une bibliothèque scolaire ou universitaire. Quant à l’accessibilité, elle englobe deux dimensions : les aspects liés à l’orthographe et à la typographie des textes, ainsi que le degré de connaissance de littérature scientifique sur la langue (métalangage, éléments de dialectologie). Les ouvrages cités sont donc à la fois disponibles et accessibles. Ceci est un principe de réalisme, car une bonne quantité de la documentation sur la langue se trouve dans les bibliothèques privées. Dans ce contexte, le fait qu’un ouvrage soit disponible dans le commerce est un motif suffisamment valable pour le retenir. Ce principe a pourtant une limite. En effet, nous avons choisi d’inclure quand même deux ouvrages malgré leur indisponibilité du fait de leurs spécificités : utilisation d’une terminologie spécialisée notamment. Faute de réédition et en l’absence d’un ouvrage récent portant sur ces questions, nous les avons intégrés quand même dans la liste. Cette dernière ne prétend pas à l’exhaustivité, et la typologie qui en fait ici ne repose sur aucune espèce de hiérarchisation.

Les ressources didactiques par types

Nous distinguons trois catégories d’ouvrages qui nous semblent indispensables : les manuels d’apprentissage, les monographies portant sur la grammaire ou la littérature peules et les dictionnaires. Chacune de ces catégories répond à un type de besoin didactique précis.

Les manuels d’apprentissage et d’auto-apprentissage de la langue

Les quatre ouvrages à caractère didactique que nous avons retenus se répartissent en deux sous-catégories. Il y a d’abord les ouvrages rédigés en français, puis ceux qui sont écrits en fulfulde. Dans ces derniers, en plus de proposer des contenus et des activités d’apprentissage, on prend connaissance de la terminologie grammaticale en peul.

  • NOYE, Dominique. (1974). Cours de foulfouldé (dialecte peul du Diamaré, Nord-Cameroun) : Grammaire et exercices, textes, lexiques peul-français et français-peul. Maroua : Mission catholique / Paris : P. Geuthner, 381 p.

C’est un manuel de 381 pages organisé en trois parties. La première est consacrée aux règles grammaticales et de nombreux exercices. Quant à la deuxième, elle présente une série de contes, de devinettes et de proverbes peuls. La troisième et dernière partie offre un lexique bilingue bidirectionnel peul-français et français-peul qui s’étale sur une cinquantaine de pages. Prononciation et transcription, les pronoms personnels, les aspects verbaux, la numération, les types phrastiques, les pronoms relatifs, entre autres, y sont présents. Les aspects fonctionnels de la langue sont aussi présents, notamment à travers les formules de salutation. Si l’on souhaite utiliser cet ouvrage, il est nécessaire de revoir le système d’écriture qui a évolué. Les adaptations nécessaires concernent entre autres les prénasales qui sont écrites en exposant, l’utilisation du tilde sur le n qui est aujourd’hui remplacé par le digraphe /ny/.

  • LABATUT, Roger, MBODJ, Djibi Oumar et MOHAMADOU, Aliou. (1994). Initiation à la langue peule. Paris : INALCO.

Ce manuel d’auto-apprentissage de l’INALCO est sans doute l’ouvrage le plus représentatif en nombre de variétés dialectales. Pour chaque leçon présentée, un texte support est décliné dans les cinq groupes de parlers des aires dialectales prises en considération : le parler du Diamaré pour l’Aadamaawa, celui de Liptako pour le Burkina Faso et le Niger occidental, celui du Maasina pour le Mali, celui du Fuuta Tooro pour le Sénégal et la Mauritanie et celui de Labé pour le Fuuta Jalloo. Les notions grammaticales qui sont présentées sont toujours l’occasion de rapprochement et de contrastes entre les différents parlers.

  • MOHAMMADU Moodibbo Aliyyu, JIBI, Umar Mbooc, MAMMADU Alasan Bah. (1982). Alkule fulfulde, deftere fuɗɗorde jannde e binndol pulaar. Binndi e jannde. Mantes la Jolie : KJPF.

Allkule fulfulde est un petit manuel d’initiation à la lecture et de l’écriture comme l’indique son sous-titre en pulaar : Deftere fuɗɗorde jaŋde e binndol. Le terme « alkule », pluriel de « alkulal » est un néologisme pour désigner les lettres de l’alphabet. Sur la même base, on distingue alkulal laaɓngal (voyelle) d’alkulal muumal (consonne). Le sens des termes est construit sur une sorte de perception du son. La racine laaɓ ayant servi à la formation de laaɓngal signifie « propre, pure », tandis que la racine muum- que l’on repère dans muumal s’interprète comme « entier ». La consonne serait perçue comme « entière » tandis que la voyelle serait un son « pure ». Dans la tradition de l’enseignement coranique du Nord-Cameroun, on rencontre harfeere (singulier) et karfeeje (pluriel). Si l’ouvrage est écrit en pulaar, les auteurs se sont efforcés de choisir des termes communs autant aux parlers occidentaux qu’aux parlers orientaux.

  • MOHAMMADU, Aliyyu, JIBI Umar Mbooc et BAYLAA, Kubali. (1992). Naatirde dooɗe celluka, Paris : Binndi e jannde.

Naatirde doosɗe celluka est un ouvrage singulier du point de vue de la démarche scientifique. Il s’agit d’une contribution importante sur le plan de la terminologie en langues africaines. Cette introduction à la grammaire peule rédigée en pulaar aborde le système nominal (njuɓɓudi kalimaaji) et la conjugaison des verbes (pirlitte golle). Le néologisme « njuɓɓudi » est construit sur la racine yuɓɓ-, qui attesté au Fuuta Tooro, dans le Maasina comme dans l’Aadamaawa, renvoie à « enfiler les perles », « composer des vers » ou « être bien organisé » (Seydou, 1998, p. 870-871). Quant à piirlitte, formé sur firlit- qui signifie « dérouler », « disperser » en pulaar et « traduire », « expliquer » en fulfulde de l’Aadamaawa (Seydou, 1998, p. 190). Nous recommandons cet ouvrage aux enseignants et enseignantes du peul d’autant plus qu’il offre une entrée en matière pour se familiariser avec la terminologie grammaticale en peul. Aliyu Mohammadu, Jibi Umar Mbooc et Baylaa Kulibali ont mis en place un ensemble de termes utiles à la description grammaticale. La démarche des auteurs est de partir ce qui existe, à partir d’une longue tradition et des pratiques dans les écoles coraniques qui ont mis en place une terminologie utilisée dans l’enseignement des savoirs coraniques par exemple. Étant donné que nous ne disposons pas, à notre connaissance, d’un équivalent en parlers Aadamaawa, les personnes qui souhaiteraient utiliser l’ouvrage devront faire l’effort de se munir de dictionnaires du pulaar. Les ressources ne manquent pas. L’un des exemples parmi les plus accessibles pour les locuteurs et locutrices du fulfulde est le chapitre sur la formation des phrases, précisément la section consacrée à la ponctuation. On peut citer par exemple la série suivante :

  1. toɓɓere → le point
  2. toɓɓere naamnal → le point d’interrogation
  3. toɓɓere kaawis → le point d’exclamation
  4. toɓɓe tati → les points de suspension (littéralement « les trois points »)

Sur ces quatre néologismes, (a) et (c) sont totalement accessibles pour les apprenants et apprenantes fularophones. Le nom « naamnal » employé en (b) a pour équivalent en fulfulde « ƴamol ». Quant à kaawis en (c), il est formé à partir de la racine nominale kaaw– elle-même issue de la racine verbale haaw- qui renvoie à la notion /s’étonner, surprendre/ en pulaar; haayɗ pourrait servir d’équivalent en fulfulde.

D’autres termes tels que kalimawol, piirlitte traversent pratiquement toutes les aires dialectales du peul, ou sont adaptables de façon relativement facile. L’importance de ce genre d’ouvrage se fait ressentir surtout lorsqu’il faut enseigner des notions grammaticales en utilisant le fulfulde comme langue d’enseignement. Il semble que de loin plus efficace de savoir comment nommer des notions fondamentales comme le verbe, la phrase ou une classe nominale sur la base d’un ouvrage de référence sur lequel il y a un minimum de consensus.

Les monographies sur la langue et sa littérature

Parmi les ouvrages consacrés aux études du peul, nous distinguons ceux qui portent sur des aspects spécifiquement linguistiques et ceux qui traitent de la littérature peule à travers la diversité de genres.

La langue et son enseignement

  • TOURNEUX, Henry. (2011). (avec la collaboration de BOUBAKARY Abdoulaye et HADIDJA Konaï), La transmission des savoirs en Afrique : Savoirs locaux et langues locales pour l’enseignement. Paris : Karthala, 304 p. avec un DVD bilingue [1. La culture du sorgho repiqué au Cameroun. 2. La boule de sorgho.]

Cet ouvrage de 304 pages organisé en trois parties est une contribution majeure du point de vue méthodologique. Même si c’est le niveau primaire qui est prioritairement concerné dans cet ouvrage, il est indéniable que les propositions avancées ici peuvent profiter autant aux enseignants et enseignantes du primaire qu’à ceux et celles du secondaire. Dans une approche qui tient compte du plurilinguisme, le propos du livre tient sur deux points essentiels : quels contenus enseigner et comment procéder? Les réponses sont précises. Premièrement, il faut enseigner les savoirs locaux, c’est-à-dire « les connaissances dont disposent des groupes humains localisés, indépendamment d’apports extérieurs en cours » (Tourneux, 2011, p. 34). Deuxièmement, les leçons sur les savoirs locaux devront être préparées suivant la méthodologie de la rédaction bilingue (français-fulfulde, dans ce cas-ci).

Cette approche a le double avantage d’ancrer les apprentissages dans le milieu de vie des élèves et de mettre en valeur les savoirs endogènes très longtemps ignorés de la science moderne. Sur cette base, l’ouvrage inventorie des thèmes formant des ensembles tels que l’étude du milieu ou les activités techniques des humaines. Ce sont ces cadrages thématiques qui servent de base au recueil d’informations qui vont être utilisées comme corpus pour les leçons sur les savoirs locaux. Procédant de manière pragmatique, Tourneux présente, dans la deuxième partie de l’ouvrage, une série de six leçons conçues selon le modèle théorisé précédemment. Par exemple, la leçon 2 porte sur « Les saisons » (fasluuji). Y sont successivement présentés les noms des saisons (inɗe fasluuji), le calcul savant des saisons (no moodiɓɓe ndaardata fasluuji), les activités liées aux différentes saisons (kuuɗe kuuweteeɗe nder fasluuji), les coutumes alimentaires liées aux saisons (al’aada ko nyaametee nder fasluuji). La leçon est également agrémentée par des proverbes et des chants liés aux saisons. Elle se clôture par une série de questions et d’exercices pour consolider les apprentissages. L’ouvrage est un véritable défi lancé à toutes les personnes sceptiques quant à l’usage des savoirs traditionnels et leur intégration dans les programmes d’enseignement. En outre, l’ouvrage est accompagné de deux documentaires bilingues (français et fulfulde) contenus dans un DVD. Ces vidéos portent sur la culture du sorgho de saison sèche et sur la préparation de la boule de sorgho, un aliment de base dans la partie septentrionale du Cameroun. C’est donc un support adapté pour une approche de type multimodal puisqu’il combine texte, image, son, couleur… Pour fixer les idées, nous avons choisi le deuxième documentaire intitulé « La boule de sorgho » comme support de cours à destination des élèves du collège. C’est la version française du documentaire qui a été utilisée, mais on peut bien utiliser les deux. Pour rendre interactif le déroulement de la leçon, nous avons opté pour l’exploitation du logiciel en ligne Edpuzzle, un exerciseur connu notamment dans le domaine de la didactique des langues secondes et à distance. Son principe est simple et ludique. On introduit une vidéo dans le module, puis on procède à un séquençage de la vidéo en introduisant des « coupes » à des endroits précis où l’on rédige une question adressée aux élèves. Quand celui-ci ou celle-ci lance la lecture de la vidéo, elle s’apprête aux endroits où s’affichent successivement 36 questions[1]. Les élèves devront alors répondre avant de continuer le visionnage. L’activité se décline donc en une interaction entre l’élève et l’outil informatique sous le contrôle de l’enseignant ou l’enseignante. Nous donnons ci-dessous une description sommaire de l’activité. Pour permettre aux lecteurs et lectrices de se faire une idée précise de la chose, nous avons inséré à séquence un QR Code qui donne accès à la vidéo, pour ceux et celles qui liront l’article en ligne.

Tableau 1. Activité d’apprentissage en classe de langue et culture peules (4e) utilisant une vidéo didactique construite à l’aide du logiciel Edpuzzle

  • NOYE, Dominique. (1971). Un cas d’apprentissage linguistique : L’acquisition de la langue par les jeunes Peuls du Diamaré (Nord-Cameroun). Paris : P. Geuthner, 206 p.

Il s’agit de la thèse de Noye publiée sous la forme d’un ouvrage. Le corpus met en avant les jeux verbaux, les phrases-pièges, les devinettes et les contes. On trouve notamment une quantité importante de textes qui permettent de travailler sur une vingtaine de classes nominales du peul. Nous en donnons ci-dessous un extrait.

Ce texte est exploitable pour des leçons de grammaire peule. Par exemple, on peut tirer parti de ce matériau si l’on veut travailler sur les classes nominales. Dans ce texte, on répertorie les noms suivants qui font partie de la classe NGOL : ɗoyngol, koyɗol, koŋngol. Une activité sur la formation de ces mots consisterait, entre autres, à isoler pour chacun des mots, la base et le suffixe de classe. À un autre niveau, les élèves pourraient déterminer à quel degré se situent les suffixes identifiés. Pour aller un peu plus loin, on cherchera à mettre en relation les classes du singulier et celles du pluriel; ce qui correspond, relativement à la liste des mots choisis, au genre NGOL – ƊI. Voici un exemple de consigne :

Tableau 2. Exemple d’exercice sur la correspondance entre les noms de la classe NGOL (singulier) et de la classe ƊI (pluriel)

Avec ce même support, on peut également envisager une étude de l’aspect verbal. L’extrait souligne également le contraste entre l’accompli (maatindiri, jinjinndiri, hawti, juki, naati…) et le relatif employé dans l’introduction au discours rapporté (wi’ata).

  • MOHAMADOU, Aliou. (2014). Le verbe en peul : formes et valeurs en pulaar du Fuuta-Tooro. Paris : Karthala, 250 p.

Le choix d’inclure cet ouvrage qui pourtant s’appuie sur le pulaar du Fuuta Tooro se justifie par deux raisons. D’abord, cet ouvrage est sans doute celui qui présente à la fois une analyse systématique à partir d’un corpus de référence et une synthèse des travaux antérieurs, comme celui d’Arnott (1970) sur le fulfulde de Gombe (Nigéria). Ensuite, les lecteurs et lectrices qui considèrent les faits dialectologiques ne seront pas totalement dépaysé-e-s dans la mesure où les choix opérés par l’auteur permettent de faire des comparaisons.

Les modèles des conjugaisons proposés l’ont été en choisissant autant que possible les radicaux les plus répandus en peul, afin de permettre des rapprochements entre les différentes variantes dialectales de la langue, et partant, adapter ces conjugaisons aux exigences de chaque parler (Mohamadou, 2014, p. 50, note 1).

Les formes verbales présentées ne sont pas totalement étrangères aux locuteurs et locutrices du fulfulde. Les paradigmes verbaux constituent une formidable ouverture vers les dialectes occidentaux du peul, moyennant des efforts d’adaptation.

Les monographies sur la littérature en fulfulde

Les textes disponibles concernent globalement les genres de la littérature orale : contes, blasons, poésie chantée.

  • NOYE, Dominique (éd.). (1976). Blasons peuls : Éloges et satires du Nord-Cameroun. Paris : P. Geuthner, 192 p.

Ce recueil de textes versifiés ressortit au genre du jobbitoore, discours d’éloges que l’on rencontre au Nord-Cameroun. Ce sont des textes brefs dans lesquels les personnages (humains, animaux, végétaux) prennent la parole pour faire une sorte d’autoportrait mêlant ironie et satire sociale. Les pièces transcrites et traduites en français sont des supports adéquats autant pour les leçons de lecture que les cours de grammaire. Prenons un texte comme Jobbitoore puccu (« L’éloge du cheval »).

Ngu wi’ :

Miin wi’ete puccu,

puccitanngu gawri,

ramma noppi, juuta wicco,

ngam miin puccu,

to goɗɗo soodi yam,

gantake yam,

mi nyaami, nyaamndu woondu,

mi yari, njaram nbooɗɗam,

mi waalake, nbalndi nboondi,

jawmam gantiiɗo yam oo,

o wurtini yam,

o waɗi daɗɗaaje maako booɗɗe,

o waɗi kirke maako booɗɗe,

 

kaŋko boo

o waɗi limce maako booɗɗe

o waƴƴake yam, miin puucu,

walla fajiri,

naange baalte,

walla asiri,

To o yaali yimɓe ɗon njooɗi,

O saamni yam, o wari,

O footi yam,

ɓe ɓaŋtanan mo juuɗe.

Debbo koo ɗon nder saare,

ƴeŋto dow mahol,

ƴeewa-mmi.

To mi fooyi,

Koo labangal am mi yaarataa.

Dominique Noye, Blasons peuls, Paris,

P. Guethner, 1976, p. 90

Pour une lecture méthodique, on peut entrer par les pronoms personnels, les accords de classe, les aspects verbaux.

Tableau 3. Grille de lecture méthodique

Pour les personnes souhaitant travailler en ligne, nous proposons par exemple deux types d’exercices ludiques conçus à l’aide de la suite logicielle Hot Potatoes[2]. Le premier est une composition de mots-croisés sélectionnés dans le texte du blason, et le second est un jeu d’appariement entre les noms et les adjectifs qui doivent respecter la règle d’accord des classes nominales.

Capture d’écran 1. Grille de mots-croisés conçue à partir du texte du blason avec JCross

Dans la première capture d’écran, on aura en bas la grille de mots-croisés. Lorsque l’on clique sur le numéro d’une ligne ou d’une colonne, la définition du mot recherché apparaît en français. Ici, par exemple, on peut lire directement au-dessus de la grille « Nourriture ». C’est dans la case vide qui suit immédiatement le mot que l’on doit écrire le mot demandé. Pour guider les élèves, nous avons inséré l’image de la boule de sorgho placée à en haut à droite de la grille.

Capture d’écran 2. Exercice d’appariement entre les noms et les adjectifs conçu à partir du texte du blason avec JMatch

La seconde capture montre un exercice qui permet de faire travailler sur la concordance entre la classe nominale d’un nom et l’adjectif auquel ce nom se rapporte. L’interface propose de choisir dans une liste d’adjectifs qui s’affiche. Au terme de l’opération, on peut visualiser le résultat en cliquant sur « vérifier ». Le recours à ces outils d’apprentissage a un impact non seulement sur la motivation des élèves, mais il facilite aussi l’accès aux connaissances par individualisation grâce aux nombreuses ressources disponibles gratuitement.

  • BAUMGARDT, Ursula. (2000). Une conteuse peule et son répertoire : Goggo Addi de Garoua, Cameroun. Paris : Karthala, 552 p.

Cet ouvrage rassemble et présente un ensemble de soixante-dix contes dits par une même conteuse. L’analyse est organisée autour de cinq principaux axes thématiques : l’espace, la société, la mère, la fille à marier et l’épouse. Les enseignant-e-s disposent ici d’une collection de textes pouvant servir de cours pour les leçons. Les textes en fulfulde sont transcrits et traduits en français. Les circonstances et le contexte énonciatif des contes sont précisés. L’autrice a également pris soin de faire une biographie de la conteuse dont la vie est parsemée d’épreuves difficiles.

  • LACROIX, Pierre-Francis (éd.). (1965). Poésie peule de l’Adamawa, (Classiques africains 3-4), 2 vol. Paris : Julliard [diffusion Karthala, Paris], 647 p.

L’étude que Lacroix a consacrée aux poèmes dits profanes de l’Aadamaawa est répartie dans deux volumes. Elle s’est intéressée à la fois aux manuscrits des auteurs et qu’aux versions chantées des textes qui furent enregistrées par six chanteurs bien connus : Bello dow Keerol, Sambo Dibi, Buuba Mal Jariida, Moodi Yaawa, Isa Dembo. Les genres poétiques explorés sont de trois sortes : les waajuuje, les mantooje et les fuluuluje. Le terme « waajuuje » est issu du nom « waaju » qui signifie « sermon, prédication, exhortation ». Le terme est affecté à la classe du pluriel ƊE, comme l’indique le morphème -je qui est la forme que prend le suffixe de classe au degré 2; celui-ci rappelle alors qu’il s’agit des gime (classe ƊE), un chant de type religieux. Précisons qu’on rencontre également la forme waazu, le phonème [z] apparaissant en fulfulde dans les emprunts, en l’occurrence à l’arabe, il est souvent réalisé [ʤ]. C’est ce qui justifie l’écriture waaju à la place de waazu (Mohamadou et al., 2017, p. 2). Si le terme apparaît majoritairement en contexte religieux, il peut aussi être employé dans des situations de communication ordinaire dans le sens de « leçon » ou « exhortation ». Maŋtooje (sing. maŋtoore) est issu du verbe maŋtugo, « faire l’éloge de quelqu’un », « chanter les louanges de ». Quant à fuuluuje, il vient de fuuluulu qui signifie « chose de peu d’importance, bavardage ». Les textes rassemblés dans cet ouvrage s’insèrent parfaitement dans le module « La vie socioculturelle » prévu au programme des collèges.

Les dictionnaires

La recherche lexicographique est un élément important dans l’acquisition d’une langue, particulièrement pour les besoins orthographiques, mais aussi sémantiques. La langue peule compte parmi les langues africaines les plus documentées en matière de ressources lexicographiques (Mohamadou, 2014). On distinguera les dictionnaires généraux et les dictionnaires spécialisés.

  • NOYE, Dominique. (1989). Dictionnaire foulfouldé-français, Dialecte peul du Diamaré, Nord-Cameroun. Garoua / Procure des Missions, Paris : P. Geuthner.

Le Dictionnaire foulfouldé-français de Dominique Noye (1989) est sans doute une référence incontournable. Cet ouvrage de plus 400 pages repose sur la variété dialectale du Diamaré, considérée comme le standard des parlers Aadaamaawa. L’ouvrage comporte des pages sur des notions grammaticales capitales pour le fulfulde : un inventaire des sons, la liste des alternances consonantiques, les suffixes de classe et leur degré, les pronoms personnels, les substitutifs et les suffixes de dérivations verbales. Les entrées du dictionnaire sont les racines verbales qui tiennent une place importante dans la langue. Ce qui peut poser des difficultés à une personne non avertie. Mais nous savons aussi le va-et-vient entre la racine verbale et les formes dérivées est un exercice instructif en fulfulde. En utilisant ce dictionnaire, on peut donc renforcer la connaissance de la langue en envisageant le vocabulaire sous la forme de faisceaux lexicaux dont le pivot est la racine.

  • PARIETTI, Giuseppe. (1997). Dictionnaire français-foulfouldé, et index foulfouldé, complément au dictionnaire foulfouldé-français de Dominique Noye. Guidiguis (Cameroun) : Mission catholique, 488 p.

Le dictionnaire Parietti prolonge et enrichit le travail de Noye (1989). Il est plus accessible pour des personnes non spécialistes. Les entrées sont organisées selon le sens français-fulfulde avec des renvois au numéro de la page, ainsi qu’à la colonne où se trouve le mot dans le dictionnaire de Noye (1989). D’autres termes, ainsi que des corrections d’erreurs, ont été ajoutés. En réalité, les deux dictionnaires constituent une paire nécessairement liée, on a besoin du dictionnaire de Noye pour bien exploiter celui Parietti.

  • SEYDOU, Christiane (avec la collaboration de D. W. Arnott, H. Bocquené, F. Fagerberg-Diallo, F. S. Kâ, M. McIntosh, O. Ndoudi, A. M. Yattara), (1998). Dictionnaire pluridialectal des racines verbales du peul, peul-français-anglais / A Dictionary of Verb Roots in Fulfulde Dialects Fulfulde-French-English. Paris : Agence de la Francophonie, Karthala, LIII 898 p.

Le Dictionnaire pluridialectal des racines verbales du peul constitue un ouvrage central dans la lexicographie peule, car il fournit une vue d’ensemble des parlers peuls. Les dialectes représentés sont : le pulaar du Sénégal, le parler du Maasina au Mali, les parlers du Nigéria et de l’Adamaoua au Cameroun. Le corps du dictionnaire est organisé en cinq colonnes qui fournissent les informations selon l’ordre suivant : entrée, dialecte, origine, permutation et voix, sens. Précisons qu’il s’agit d’un dictionnaire bilingue français-anglais unidirectionnel. En prenant par exemple la racine loot-, on peut constater qu’il a le sens de « laver » sur toute l’aire peule. Mais en même temps, on peut déceler les sens secondaires en fonction de la variété dialectale. C’est ainsi que loot- peut prendre le sens de « avoir ses règles » en Aadamaawa. L’ouvrage fait plus de 800 pages et se donnait comme ambition de constituer une première pierre à l’édification d’un dictionnaire général de la langue peule. Il joue un rôle d’ouverture dans la mesure où il permet d’éviter de cantonner ou d’isoler le fulfulde à une unique variété dialectale, et permet ainsi de l’insérer dans un vaste ensemble linguistique. Ce qui représente un véritable avantage lorsqu’on envisage un monde interconnecté dans lequel les locuteurs et locutrices du peul se rencontrent et sont amené-e-s à interagir. Nous en avons personnellement fait l’expérience récemment lorsque Radio France internationale a commencé à diffuser des émissions en peul. Les auditeurs et auditrices du Cameroun qui écoutent ces programmes avec un brin de curiosité sont habité-e-s par ce double sentiment d’identification à une langue qui lui familière et celui d’embarras face à ces constructions particulières et inconnues.

  • TOURNEUX, Henry (avec la collaboration de BOUBAKARY Abdoulaye, HADIDJA Konaï et FAKIH Ousmane). (2007). Dictionnaire peul du corps et de la santé (Diamaré, Cameroun). Paris : OIF/Karthala, 616 p.

Le Dictionnaire peul du corps et de la santé rentre bien dans le module de « Bien-être et santé » du programme officiel. Il offre une quantité d’informations importantes non seulement sur la désignation des maladies et de leurs symptômes, mais aussi sur les représentations qui leur sont associées. Pour une classe de fulfulde, on peut déceler un intérêt au moins à un double niveau : l’apprentissage du vocabulaire et l’immersion dans la culture. Ainsi, on peut y opérer des fouilles relatives à la désignation des maladies, y effectuer des exercices sur des constructions collocatives, travailler à l’appropriation linguistique à travers les proverbes et les sagesses. En prenant par exemple l’entrée ˂ Ɓernde ˃ (p. 52-55), on touche du doigt la polysémie de ce terme ainsi que sa productivité lexicale. Le terme désigne tour à tour le « cœur », la « région épigastrique », l’ « estomac », le « siège des sentiments et des intentions », le « siège de la pensée intime », le « courage ». C’est également l’occasion de travailler sur les locutions idiomatiques qui comprennent ce terme. Ainsi, pour dire que l’on a peur, on dit « mon cœur se coupa », lorsque l’on est fâché, c’est que notre « cœur est fâché » (ɓernde am mettii »). Mais le cœur représente aussi l’humeur et le caractère de l’individu. Un être méchant est une « personne noire de cœur » (ɓalwa-ɓernde), un être honnête est perçu comme une « personne propre de cœur » (laaɓa-ɓernde), un paresseux est une « personne morte de cœur » (waata-ɓernde). À l’étude de ces composés, on peut associer celle des proverbes tels que : « Ko ɓernde yiɗi, ɓalel leebura », qui signifie littéralement « ce que le cœur veut, le petit corps est un manœuvre » (Tourneux, 2007, p. 54). Nous proposons des exercices sur l’interprétation des proverbes et maximes, et sur la construction des mots composés sur ce thème du cœur. Listons d’abord les proverbes, les expressions idiomatiques et les composés contenus dans l’ouvrage (Tourneux, 2007, p. 52-56).

Trois types d’activités sont envisageables : un questionnaire à choix multiples pour la construction du sens des proverbes et maximes, un exercice à trous pour l’apprentissage des mots composés et un exercice d’appariement pour la formation des expressions idiomatiques.

Capture d’écran 3 : Questionnaire à choix multiples relatif aux proverbes peuls  sur le thème « Ɓernde » réalisé avec JQuiz

Capture d’écran 4. Exercice à trous sur la formation des composés avec « ɓernde » à l’aide JCloze

  • TOURNEUX, Henry et YAYA, Daïrou (avec la collaboration de BOUBAKARY Abdoulaye). (2017). Dictionnaire peul encyclopédique de la nature (faune / flore), de l’agriculture, de l’élevage et des usages en pharmacopée (Diamaré, Cameroun), suivi d’un index médicinal et d’un index français-fulfulde. Yaoundé : CERDOTOLA, 778 p

Dans la même lignée, le Dictionnaire peul encyclopédique de la nature (faune/flore), de l’agriculture, de l’élevage et des usages en pharmacopée poursuit les objectifs similaires. On peut l’intégrer au module « Citoyenneté et environnement », car l’ouvrage fournit une masse d’informations sur le milieu naturel. De même, les pratiques culturelles sont largement décrites et illustrées. Ce n’est pas un simple répertoire de termes relatifs aux domaines cités dans le titre. Sa vocation encyclopédique est amplement perceptible dans la mesure sous une entrée, en plus des informations canoniques (définition, informations grammaticales, exemples), on trouve une foule de savoirs endogènes provenant à la fois des connaissances linguistiques (proverbes, sagesse, littérature), mais aussi d’entretiens issus de corpus riche et varié. L’entrée ˂ Nagge ˃ (p. 490) par exemple se déploie sur trois pages et offre une vue panoramique sur la notion /vache/ à travers la culture peule (Tourneux, et Daïrou, 2017, p. 490).

Avec cette entrée, on perçoit à la fois la richesse du vocabulaire relatif à cet animal et la prépondérance de l’activité pastorale au sein de la communauté. Une fois encore, c’est l’occasion d’exploiter, dans un cours de fulfulde, le jeu d’accord de classe entre les adjectifs, mais cette fois-ci il faut établir un rapport entre les adjectifs se rapportant au nom désignant le mâle (ngaari) et ceux qui se rattachent au nom désignant la femelle (nagge).

Le Webonary (dictionnaire en ligne) du pular d’Omar Bah édité par la Société internationale de linguistique (SIL) est un outil pratique pour les vérifications rapides. S’il est principalement fondé sur le dialecte de Fuuta Jallo (Guinée et sa périphérie), ce dictionnaire indique régulièrement les équivalents dans quatre autres aires dialectales : Fuuta Tooro, Aadamaawa, Maasina, Liptaako. La recherche de mots se fait dans les deux sens : pular-français et français-pular. Pour aider les personnes qui ne disposent pas de clavier spécialisé, l’interface propose un clavier constitué des caractères spéciaux du système orthographique peul. On note que la représentation de la prépalatale /ny/ en /ñ/ ne suit pas les recommandations de la Conférence de Bamako (1966).

ELLAF est une bibliothèque numérique spécialisée dans le domaine des littératures en langues africaines. Celle-ci est gérée par l’Association pour le développement des littératures en langues africaines (ADELLAF). Le site propose des descriptions sommaires de 16 langues africaines, une présentation générale de la production littéraire dans ces langues, des corpus issus des littératures dans ces langues, des notes et études, un dictionnaire des concepts et une bibliographie. Pour ce qui est du fulfulde, par exemple, on trouve 33 contes transcrits et traduits en français par Tourneux et Hadidja[3]. Mise à jour constamment, ELLAF accueille de nouvelles langues et de nouveaux textes au fur et mesure.

L’inventaire documentaire que nous venons de faire est sans doute partiel et sélectif. Mais l’objectif fixé dès le départ conduit nécessairement à une délimitation qui repose sur des choix précis. Dans le tableau récapitulatif ci-dessus, nous résumons la liste tout en rappelant les contraintes que les enseignants et enseignantes devront surmonter.

Tableau 4. Récapitulatif des ressources recensées

Conclusion

La présente contribution vise à donner un aperçu des ressources exploitables en classe de fulfulde. Si elle est prioritairement destinée aux enseignants et enseignantes, elle n’exclut pas les apprenants et apprenantes. En l’absence d’un manuel officiel qui puisse servir de référence, les ouvrages inventoriés constituent une base sur laquelle l’on peut s’appuyer pour bâtir des leçons, sachant que les savoirs contenus dans ces ouvrages doivent faire l’objet d’un traitement didactique qui tiendra compte du niveau d’apprentissage, du contexte et des orientations officielles en la matière. La documentation, dans le domaine de l’enseignement des langues et cultures camerounaises, joue un rôle crucial aussi bien pour les enseignant-e-s que pour les apprenant-e-s. Elle constitue une source importante à partir de laquelle se construisent les connaissances, les activités d’apprentissage et elle influe sur la façon dont se déroulent les interactions en situation de classe.

À travers cette recension documentaire, nous espérons fournir un peu plus d’informations et des outils concrets et utilisables lors des apprentissages. Au-delà de la question des supports d’enseignement, c’est aussi et surtout leur malléabilité et leur adaptabilité à l’évolution des pratiques enseignantes qui devraient préoccuper. Baignant dans un univers où est le numérique est quasi omniprésent, les élèves doivent être en mesure d’apprendre en utilisant des outils manipulés au quotidien. L’approche multimodale s’impose dans ce cas. C’est ce que nous avons souligné en proposant des activités d’apprentissage qui utilisent des exerciseurs.

Pour terminer, nous tenons à préciser qu’il nous semble que l’une des exigences que commande, à notre avis, l’enseignement du fulfulde, c’est une connaissance qui ne se limite pas à une seule variété dialectale de la langue. C’est un effort que devra faire l’enseignant ou l’enseignante de la langue. Il faut voir dans cette action un moyen de se doter d’atouts qui permettent une ouverture et une vision d’ensemble du monde peul. D’ailleurs, nous avons montré que d’importants ouvrages sur certains aspects de la langue n’existent pas forcément dans la variété dialectale enseignée au Cameroun. Il revient donc aux enseignant-e-s d’aller chercher l’information dans les ouvrages traitant des parlers autres que celui qu’ils et elles enseignent.

Références

Bah, Oumar (éd.). 2014. Dictionnaire pular-français. En ligne : https://www.webonary.org/pular/overview/introduction/

Baumgardt, Ursula. 2000. Une conteuse peule et son répertoire : Goggo Addi de Garoua, Cameroun. Paris : Karthala.

Chatry-Komarek. 1994. Des manuels scolaires sur mesure. Guide pratique à l’intention des auteurs de manuels scolaires. Paris : L’Harmattan.

Dagenais, Diane. 2012. Littératies multimodales et perspectives critiques. Recherches en didactique des langues et des cultures, 9 (2). https://doi.org/10.4000/rdlc.2338

Daouaga Samari, Gilbert. 2018. Approche glottopolitique de l’éducation bi/plurilingue dans l’Adamaoua (Cameroun) : attitudes, représentations et pratiques. Thèse de doctorat en sciences du langage. Université de Ngaoundéré.

Encyclopédie des littératures en langues africaines – ELLAF. 2019. En ligne : http://ellaf.huma-num.fr/

Gérard, François-Marie. 2009. Des manuels scolaires pour apprendre. Concevoir, évaluer, utiliser. Bruxelles : De Boeck.

Humanities Computing and Media Centre – HCMC. 2019. Hot Potatoes (version 7). Université de Victoria. En ligne : http://hotpot.uvic.ca/index.php#downloads

Labatut, Roger, Mbodj, Djibi Oumar et Mohamadou, Aliou. 1994. Initiation à la langue peule. Paris : INALCO.

Lacroix, Pierre-Francis (éd.). 1965. Poésie peule de l’Adamawa, 2 vol. Paris : Julliard.

Ministère des enseignements secondaires – MINESEC. 2014. Programme d’études de 4e et 3e : langues nationales. Yaoundé : MINESEC.

Mohamadou, Aliou. 2014. Le verbe en peul : formes et valeurs en pulaar du Fuuta-Tooro. Paris : Karthala.

Mohammadu Moodibbo Aliyyu, Jibi, Umar Mbooc, Mammadu Alasan Bah. 1982. Alkule fulfulde, deftere fuɗɗorde jannde e binndol pulaar. Binndi e jannde. Mantes-la-Jolie : KJPF.

Mohammadu, Aliyyu, JIBI Umar Mbooc et Baylaa, Kubali. 1992. Naatirde dooɗe celluka, Paris : Binndi e jannde.

Moore, Danièle. 2006. Plurilinguismes et école. Paris : Didier.

Noye, Dominique (éd.). 1976. Blasons peuls : Éloges et satires du Nord-Cameroun. Paris : P. Geuthner.

Noye, Dominique. 1971. Un cas d’apprentissage linguistique : L’acquisition de la langue par les jeunes Peuls du Diamaré (Nord-Cameroun). Paris : P. Geuthner.

Noye, Dominique. 1974. Cours de foulfouldé (dialecte peul du Diamaré, Nord-Cameroun) : Grammaire et exercices, textes, lexiques peul-français et français-peul. Maroua : Mission catholique/Paris : P. Geuthner.

Noye, Dominique. 1989. Dictionnaire foulfouldé-français, Dialecte peul du Diamaré, Nord-Cameroun. Garoua/Procure des Missions, Paris : P. Geuthner.

Parietti, Giuseppe. 1997. Dictionnaire français-foulfouldé, et index foulfouldé, complément au dictionnaire foulfouldé-français de Dominique Noye. Guidiguis : Mission catholique.

Poth, Joseph. 1997. La conception et la réalisation des manuels scolaires : initiation aux techniques d’auteurs. Mons : Centre international de phonétique appliquée (CIPA).

Rispail, Mireille. 1998. Pour une socio-didactique de la langue en situation multiculturelle : le cas de l’oral. Thèse de doctorat en linguistique, Université de Grenoble 3.

Seydou, Christiane (avec la collaboration de D. W. Arnott, H. Bocquené, F. Fagerberg-Diallo, F. S. Kâ, M. McIntosh, O. Ndoudi, A. M. Yattara). 1998. Dictionnaire pluridialectal des racines verbales du peul, peul-français-anglais / A Dictionary of Verb Roots in Fulfulde Dialects Fulfulde-French-English. Paris : Agence de la Francophonie, Karthala.

Tourneux, Henry (avec la collaboration de Boubakary Abdoulaye, Hadidja Konaï et Fakih Ousmane). 2007. Dictionnaire peul du corps et de la santé (Diamaré, Cameroun). Paris : OIF/Karthala.

Tourneux, Henry et Yaya, Daïrou (avec la collaboration de Boubakary Abdoulaye). 2017. Dictionnaire peul encyclopédique de la nature (faune / flore), de l’agriculture, de l’élevage et des usages en pharmacopée (Diamaré, Cameroun), suivi d’un index médicinal et d’un index français-fulfulde. Yaoundé : CERDOTOLA.

Tourneux, Henry. 2011. (avec la collaboration de Boubakary Abdoulaye et Hadidja Konaï), La transmission des savoirs en Afrique : Savoirs locaux et langues locales pour l’enseignement. Paris : Karthala. Avec un DVD bilingue [1. La culture du sorgho repiqué au Cameroun. 2. La boule de sorgho.]



  1. Nous présentons ici quelques-unes de ces questions. Elles sont précédées d’un numéro d’ordre que nous leur avons affecté dans l’application. Les images illustratives sont des captures d’écran du documentaire contenu dans le DVD avec l’aimable autorisation d’Henry Tourneux et Hadidja Konaï.
  2. La suite logicielle Hot Potatoes est développée par le laboratoire Humanities Computing and Media Centre de l’Université de Victoria (Canada). Elle comprend les applications JQuiz, JCloze, JCross, JMix et JMatch.
  3. http://ellaf.huma-num.fr/corpora/textes-peuls/peul-oralite-prose/

Pour citer cet article

Mohamadou, Ousmanou. 2023. Des ressources didactiques pour la classe de fulfulde. Recension d’ouvrages et propositions d’activités d’enseignement-apprentissage. JEYNITAARE. Revue panafricaine de linguistique pour le développement, 2(1), en ligne. DOI : 10.46711/jeynitaare.2023.2.1.6

Licence


JEYNITAARE – Revue panafricaine de linguistique pour le développement est sous une license Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

Digital Object Identifier (DOI)

https://dx.doi.org/10.46711/jeynitaare.2023.2.1.6

Télécharger le PDF de l’article

Partagez cet article


ISSN : Version imprimée

2756-7222

ISSN : Version en ligne

2756-7222