Volume 2, numéro 1 – 2021 : Transitions environnementales et écologie politique des savoirs en Afrique : de la commotion coloniale et néo-libérale à la « co-motion » sociale et écologique

Table des matières

Présentation

Yvan RENOU, Cheikh Abdoul Ahad Mbacké BA et Alassane DIALLO

Perspectives sur la décolonisation des savoirs de l’eau dans un contexte français

Jacques-Aristide PERRIN et Jamie LINTON

Cet article décrit les fondements et les résultats d’un projet consistant à valoriser un pluralisme épistémologique en rapport avec les savoirs de l’eau sur un territoire d’étude en France. Inspirée par des auteurs hétérodoxes (Escobar, Haraway, Ingold), l’approche que nous appelons « la science territoriale » est une tentative à la fois pour mieux intégrer la diversité des savoirs et réfléchir à la meilleure manière de promouvoir une « justice cognitive ».

Les transitions socio-écologiques peuvent-elles changer l’agriculture?

Mehdi ARRIGNON

Les transitions peuvent-elles changer l’agriculture? L’article se propose d’analyser le « plan français de transition agroécologique » lancé en 2012 et la circulation internationale des modèles en matière d’agroécologie. Il souligne en particulier en quoi le plan de transition agroécologique français a pu réutiliser des savoirs issus originellement de pays du Sud, originellement critiques à l’égard du modèle agro-productiviste dominant, pour en tirer certains enseignements. Dans la première partie, nous présentons le plan français, ses partis pris et influences, avant de souligner dans la deuxième partie de l’article les échanges Nord-Sud et certaines réinterprétations dont l’agroécologie a pu faire l’objet depuis le début des années 2000.

La politique environnementale des grandes puissances dans le bassin du Congo

Ludovic Boris POUNTOUGNIGNI NJUH

Alors que les grandes puissances se présentent comme les mécènes de la transition écologique, il y a lieu de questionner les éléments qui ont changé dans leurs interventions dans le bassin du Congo, partie de l’Afrique dont les relations économiques ont été scellées avec les pays du Nord sous le sceau de la ponction au le tournant du 19e siècle. En effet, quels ont été les traits majeurs de ces accords ainsi que les enjeux des attitudes développées par les pays industrialisés dans le bassin du Congo depuis le 19e siècle? Sous les exigences de la transition écologique, les grandes puissances ont inscrit leurs politiques dans une trajectoire ambivalente – renouvellement vs statu quo – à l’égard de la biodiversité du bassin du Congo. L’article passe au crible de l’analyse, en s’appuyant sur la grille séquentielle d’analyse des politiques publiques et la policy transfer study, pour mettre en lumière l’attitude des puissances coloniales vis-à-vis de la diversité du bassin du Congo, puis les dynamiques de mise en retrait au lendemain des indépendances. L’analyse des dynamiques contemporaines de la politique environnementale des grandes puissances suggère l’opportunité de l’accroissement du rôle des Organisations de la société civile ou non gouvernementales dans la solidarité agissante au profit du « second poumon de la planète ».

La transition écologique et sociale pour un changement de paradigme de la politique européenne d’aide au développement à destination de l’Afrique

Murielle BERTRAND

La transition écologique confronte à deux égards les fondements de l’aide au développement au point où sa légitimité est questionnée. Si tant est qu’elle est réalisée dans sa complétude, la transition écologique met en exergue l’incompatibilité des valeurs néolibérales avec les objectifs de protection de l’environnement, lesquels se trouvent confondus dans le concept de développement durable. Le « mimétisme », encouragé par les politiques de développement, « qui caractérise la formation des politiques publiques en Afrique » consiste en l’adhésion à un système économique qui compromet la résilience de l’humanité aux bouleversements écologiques. La transition écologique ne requiert pas une telle transposition, mais plaide pour un dialogue social et écologique avec les populations bénéficiaires. Elle nécessite une prise en compte des particularismes des territoires en mettant en avant les savoir-faire et les expertises locaux. Notre étude juridique se propose de questionner l’aide au développement européenne dans ses fondements notionnels et institutionnels à l’aune des présupposés de la transition écologique et de définir une politique de développement qui contient de manière intrinsèque le principe d’un dialogue avec les populations bénéficiaires pour l’avènement d’un modèle de penser et d’être social et écologique. Des notions tirées de réflexions doctrinales sur la société internationale ou la gouvernance écologique peuvent être valablement mobilisées afin de mener à bien cette étude.

L’approche de la transition énergétique des organisations internationales pour les pays du Sud : une analyse critique

Pierre ROBERT

Cet article propose une analyse critique des fondements théoriques des approches de la transition énergétique des organisations internationales pour les pays du Sud. Celles-ci font référence à deux modèles théoriques – l’échelle énergétique et l’échelle d’accumulation énergétique – analysés d’un point de vue paradigmatique, théorique et normatif. Ces modèles retiennent les postulats de la microéconomie classique de la consommation. Cela aboutit à promouvoir une vision idéalisée, hors sol et essentialiste de la transition énergétique qui néglige les spécificités contextuelles que revêt ce processus. Cette analyse conclut en faveur d’une approche située de la transition énergétique.

L’Afrique aussi et encore réifiée à partir de l’environnement

Serigne Momar SARR

À l’heure où l’Anthropocène se trouve à l’épreuve de l’adaptation et à l’interface de l’humain et du non-humain, la géopolitique des savoirs en contexte postcolonial frise la domination sous une forme ignorée dans le cadre de l’environnement. Cette contribution vise donc à montrer que l’Afrique est désormais réifiée à partir de l’environnement. Quoique le colonialisme dès ses débuts nous laisse l’apercevoir, c’est à partir de l’écologie décoloniale dans les Amériques que cet encore inconnu apparaît plus clairement et informe d’ailleurs de la crise écologique visible dans le dernier tiers du XXe siècle. Ainsi, l’accommodement de l’Afrique aux instruments internationaux de gouvernance de l’environnement n’est qu’un prolongement de sa dépendance structurelle qui entretient des logiques d’extraversion plutôt pernicieuses pour les cultures locales. Partant, l’environnement est un siège de biais portés à l’encontre de l’Afrique. Cette vision à son encontre s’ajoute à la commotion épistémologique subie au même titre que les commotions économiques, politiques et culturelles. Enfin, s’il est établi que l’Afrique subit plus les effets du changement climatique notamment provoqués par l’activité industrielle et domestique du Nord, on comprend mal les appels aux transitions écologiques et énergétiques, si ce n’est, à cause de sa position déjà marginale dans le système international, l’accomplissement d’une tâche-monde qui permettrait au capitalisme de tenir davantage.

La perception de la justice climatique dans les régions les plus vulnérables et à faible capacité d’adaptation au changement climatique : le cas de l’Afrique subsaharienne

Yanick Hypolitte ZAMBO

Sans conteste, le changement climatique dû à l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre n’épargne aucune sphère géographique de la planète. Toutefois, il s’avère que certaines régions sont plus impactées que d’autres. C’est certainement dans cette perspective qu’il faut situer la vulnérabilité de l’Afrique subsaharienne au regard de la précarité des moyens d’adaptation. Cette sous-région estime qu’elle est victime d’une situation à laquelle elle n’a point de responsabilité et que celle-ci revient aux pays développés. Manifestement, cette considération connotant leur perception de la justice climatique, présente des limites. En substance, les pays du Sud mettent en exergue les mesures d’adaptation au détriment de celles relatives à l’atténuation. Ainsi, leurs aspirations dans les négociations climatiques sont portées sur le transfert de technologies, les financements et le renforcement des capacités. Cette traduction de la dette écologique des pays industrialisés a pour leit motiv la garantie du développement des pays du Sud. La position africaine fait face à l’opposition des pays développés. Ceci marque la différentiation dans le régime climatique et la discorde dans les négociations climatiques. La différentiation est considérée par les pays en développement comme un mécanisme de compensation, de responsabilité et de justice. Compte tenu du caractère global du défi climatique, il est fondamental d’assurer une approche inclusive à travers surtout la mobilisation des principes éthiques.

Infos sur la publication

NAAJ - Volume 2, Numéro 1 - 2021

Digital Object Identifier (DOI)

https://dx.doi.org/10.46711/naaj.2021.2.1

Licence

La revue NAAJ. Revue africaine sur les changements climatiques et les énergies renouvelables est sous licence Creative Commons CC BY-SA 4.0, disponible en ligne, en format PDF et, dans certains contextes, en version imprimée.

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ISSN : Version imprimée

1840-9865

ISSN : Version en ligne

2630-144X