Geste et corruption : aspects transculturels de la représentation d’un phénomène

Gilbert Willy TIO BABENA

 

Introduction

Les approches réflexives de la corruption sont très souvent superficielles, en raison de l’enjeu économique, sur son ancrage dans le maillage culturel. La prise en compte de ce facteur vise alors à combler les lacunes des explications tout mathématiques. Or, l’acceptation par les États des cadres juridiques communs, à l’instar de l’OCDE[1] (2006, 2011) ou de l’ONU[2] (2004), est la reconnaissance implicite de l’existence d’un partage de valeurs culturelles; valeurs qui, tout au moins, se définissent par rapport à une philosophie de l’échange. Sur la question, la littérature d’inspiration sociologique n’a pas manqué de se prononcer quoiqu’on observe encore un mutisme – à l’exception de quelques textes (Métangmo-Tatou, 2001; Gafitescu, 2003; Tandia Mouaffou, 2011; Tio Babena (2014, 2016, 2017, 2021) – sur un élément essentiel de l’expression du culturel : le langage. De l’avis de Jean-François Médard (1993, p. 687), le critérium monétaire est désormais insuffisant pour cerner les méandres de ce phénomène, car « la corruption moderne, plus raffinée et élaborée, se confondrait avec l’échange social et […] est, par là, plus visible ». « La notion d’échange social, poursuit-il dans sa sagacité explicative, correspond à celle d’échange interpersonnel, donc d’un échange où la relation sociale elle-même, combinée à celle d’échange symbolique, constitue l’enjeu ou l’un des enjeux » (ibid.). La corruption opère à cet effet dans une interaction en situation de corruption, désormais ISC.

Le caractère chimérique de l’état de nature renforce l’innéisme de la « société de droit ». L’espèce humaine se définit en majeure partie par des codes culturels tels que les arts de la table, de la salutation, de la politesse, etc. À chacune de ces pratiques correspond une activité langagière, laquelle détermine la relation sociale des partenaires qui y sont engagés. Cependant, « Si toutes les cultures savent distinguer des activités telles que bavarder, discuter et faire une conférence, chaque culture possède en revanche ses propres contraintes qui s’exercent non seulement sur le contenu, mais aussi sur les manières dont les activités sont effectuées et signalées » (Gumperz, 1989, p. 71). Il serait ainsi absurde de nier ou de refuser à une société l’expérience d’une activité transgressive de type « corrompre quelqu’un ». Les pratiques corruptives peuvent certes varier en fonction de la norme (ou de la valeur) soumise à la négociation, mais elles se rejoignent néanmoins sur le consensus que la transgression fonde l’acte de corruption. C’est donc aux confins des théories relativiste et universaliste (Lucchini, 1995) qu’il faut aller chercher une définition de cette pratique sociale.

En effet, la première approche tend à circonscrire la corruption aux paramètres spatio-temporels. Elle invite à apprécier contextuellement tout comportement qui semble aller en contradiction, pour un observateur ou une observatrice exogène à la culture dans laquelle il se produit, avec l’idée d’une morale absolue. L’analyse de ce fait social, dans cette perspective, fait éclore les malentendus interculturels qui surviennent lors des transactions, rituels et autres types d’échange où chacun apporte son capital culturel. Ce serait un crime de lèse-majesté que de taire l’histoire de cette universitaire que nous avons baptisée « les chocolats du malentendu ». Arrivée à Strasbourg pour s’enquérir des performances scolaires de sa fille, la chercheuse camerounaise s’est souvenue qu’elle a oublié de faire un présent de voyage à la principale de l’établissement. Soucieuse de rectifier ce qui pouvait implicitement apparaître comme une offense faite à l’hôte, elle s’est empressée de faire emballer des tablettes de chocolat dans une boutique du coin. La gêne, mal déguisée, de la responsable du lycée a astreint la parente d’élève à se confondre en explications sur l’origine strasbourgeoise du cadeau. Heureusement que tout le monde aime le chocolat – voilà un aphorisme digne d’un questionnement interculturel –, surtout si l’offreur ou l’offreuse nous explique que son geste est dénué d’une intention de corruption! Et ce n’est pas la dirigeante d’un lycée qui ferait exception.

Revenons à notre sujet pour souligner deux faits frappants. La corruption peut se servir des ressorts culturels pour être communiquée tout comme nous pouvons nous faire amadouer en croyant avoir été cohérent avec nos valeurs socioculturelles. Cette remarque fait éclore les limites d’un certain relativisme culturel dont la tendance est au cloisonnement radical dans la considération de la corruption. À bien y réfléchir, la thèse fonctionnaliste, qui trouve en la corruption une dimension utilitaire fondamentale au fonctionnement des institutions, s’enracine dans ces failles.

Nous pensons avec Ricardo Lucchini (1995, p. 234) que « Seule une approche universaliste de la corruption semble permettre une étude appropriée de celle-ci, à la condition toutefois d’inclure une étude comparative des différentes rationalités culturelles à l’œuvre ». Elle a le mérite de ne pas exclure les particularités culturelles tout en posant un cadre d’analyse transculturelle dont les principaux observables se résument à la nature de la valeur (humaine ou matérielle) altérée, les agents impliqués dans la transaction, le code normatif et les sanctions. Ces empreintes, identifiables dans le matériau langagier, nous ont conduit à postuler ailleurs (Tio Babena, 2016) l’existence d’une pensée corruptrice, désormais PC, partant du consensus que la corruption est un « phénomène universel et hétérogène » (Cartier-Bresson, 2000, p. 14). Dans une ISC, ce n’est plus le phénomène social qui est communiqué, mais plutôt la PC – perçue également comme un système communicatif dans lequel les participants se livrent à une représentation, c’est-à-dire à la « mise en scène d’une routine particulière » (Goffman, 1973, p. 81). Pour une description détaillée de cette activité, nous renvoyons le lectorat à nos travaux cités en amont. Céans, contentons-nous de rappeler que les valeurs de l’équipe corrompue sont opposées à celles de l’équipe sociale dans la mesure où les secondes condamnent les premières.

Par ailleurs, l’approche universaliste de la corruption amène à voir en la formule de Cartier-Bresson (supra) la traduction d’une expérience (trans)culturelle virtuellement présente en l’individu – du fait de son attachement au système de valeurs du groupe à partir duquel il est (se) défini(t) en tant qu’entité – et potentiellement communicable à une échelle culturelle endogène aussi bien qu’exogène. On prendra la notion de transculturel au sens largement répandu (Peeters, 2003; Forestal, 2008; Lefranc, 2008; Yuste Frías, 2014) d’une démarche heuristique dont le but est l’investigation d’un socle révélant le commun, le semblable – et quelquefois le complémentaire, les terrains de l’intercompréhension ou du malentendu – entre des cultures différentes; la différence devenant elle-même relative. C’est, pour ainsi dire, la quête d’une « identité supérieure commune, trans-cendante aux différences des êtres » (Demorgon, cité par José Yuste Frías, 2014, p. 106). Ainsi par exemple, la représentation d’un geste effectuant discrètement une opération auto- ou allocensurée est présumée être l’image conceptuelle tapie derrière l’expression figurée « dessous-de-table ». Sans forcément chercher les équivalents structurels de celui-ci, le postulat que chaque culture reconnaît au moins que faire tel geste dans tel contexte revient à communiquer une intention de corruption s’impose intrinsèquement.

« Faire un geste » : vers une (trans)culturalité des pratiques gestuelles dans les ISC?

Il est difficile de traiter de la corruption dans son rapport au langage tout en mettant de côté les considérations d’ordre socioculturel. Ce point de passage obligatoire, pour qui s’intéresse à la corruption dans ce sillage, est une contrainte inhérente à la langue qui, comme on le sait, est un fait social. Pour chaque communauté linguistique, il existera à cet effet une culture langagière de la corruption qui lui est propre. Les pratiques corruptives sont ainsi désignées par des termes, généralement des tropes, qui révèlent les colorations socioculturelles participant d’une certaine manière à leur codification. Si l’on suppose que l’expression « donner un pot-de-vin » sera aussi bien comprise d’un Français que d’un Camerounais du fait du partage de la même langue, il serait cependant difficile pour le premier de comprendre le topolecte franco-camerounais « donner la cola ». Toutefois, il faut admettre qu’il s’agit là des suppositions coupées d’une situation réelle de communication, car on voit très bien qu’il y a une équivalence structurelle entre les deux expressions. Une complémentation plus spécifique du verbe « donner »[3] et d’autres informations contextuelles seraient de nature à faciliter la communication entre les deux protagonistes.

La possibilité d’une intercompréhension entre notre Français et notre Camerounais montre que les frontières culturelles mises en relief par la langue peuvent être frappées de porosité. En d’autres termes, la barrière linguistique n’entraîne pas nécessairement un cloisonnement radical des pratiques culturelles; toute chose qui pousse à croire que la corruption est un phénomène transculturel qui, même s’il change de visage d’une culture à une autre, garde un certain nombre de constances. Il est évident qu’en matière de corruption on fait toujours quelque chose qui va à l’encontre du système normatif que la critique endogène appréciera comme étant un acte de corruption. Le monétarisme auquel a adhéré le concert des nations fait de l’échange pécuniaire l’image la plus simpliste qui épouse le mieux ce faire. Le constat de Métangmo-Tatou est clair à ce sujet :

Dans des systèmes où chaque citoyen se préoccupe à un moment ou à un autre de faire comme on dit couramment ‘‘avancer un dossier’’, l’argent représente, [sic] alors un agent facilitateur quasiment incontournable du transit du dossier d’un service à un autre. Cela explique la fréquence de ces tropes mécaniques (mécanique entendu comme relatif au mouvement et à l’équilibre des corps) (Métangmo-Tatou, 2001, p. 178-179).

Même si partout ailleurs cette pratique n’est pas désignée « faire un geste » comme au Cameroun, il reste tout de même vrai qu’ailleurs on fait aussi un geste. Les résultats de l’expérience menée par Calbris (in Calbris et Porcher, 1989, 1990) auprès des Français, Hongrois et Japonais montrent par exemple que l’association du signifié « palper des billets » au signifiant gestuel du pouce palpant l’index et le majeur est quasi identique dans ces sociétés du fait de leur appartenance à une culture dans laquelle circulent les billets de banque. « Faire un geste » connote au minimum le fait de donner ou de recevoir un matabiche. Subséquemment, l’expression tropique renvoie au geste physique consistant à passer quelque chose d’une main à une autre. Si ce mouvement ordinaire est commun aux pratiques corruptives, alors il y a lieu de penser que l’on pourrait retrouver quelques faits transculturels dans les pratiques gestuelles en matière de corruption. Commençons par la présentation de deux regards croisés sur le trope « faire un geste » avant que de dégager leurs implications dans la compréhension des ISC.

Dans son analyse du fragment discursif « fais un geste », Tandia Mouafou fait remarquer que « même si l’ordre donné venait à être exécuté, cela ne relèverait nullement de l’actualisation d’une quelconque compétence linguistique ou kinésique de la part du récepteur » (2011, p. 71). Pour lui, la réaction du co-parleur[4] du corrupteur n’est ni un faire linguistique ni un faire non linguistique. Qu’est-ce que le destinataire de ce directif exécute donc, s’interrogerait-on, si ce n’est pas ce qui lui a été demandé par le corrupteur? Dans une telle situation, on imaginerait bien un cas où ce co-participant promet de verser ou verse une contrepartie pour voir son dossier avancer. La première option relève du linguistique tandis que la seconde est bel et bien une réaction kinésique. L’incongruité dans le point de vue de l’auteur vient, d’une part, de ce que l’avis est tranché par l’usage de l’adverbe nullement et, d’autre part, par un emploi non spécifié de l’opération d’actualisation[5].

L’explication qu’il convient de donner à « faire un geste » est pragmatique; c’est pour cette raison que Métangmo-Tatou dira plus tôt que « Le sens de ‘‘fais un geste!’’ n’est pas donné : il se construit à partir des interactions en jeu entre les protagonistes de la communication, l’énoncé tel qu’il est produit et les circonstances de sa production » (ibid., p. 172). C’est donc véritablement le contexte qui permet de qualifier avec précision la réaction de celui à qui est adressé cet énoncé. Dans tous les cas, le trope « faire un geste » est mécanique comme le remarque l’auteure. Même en excluant tous les emplois métaphoriques, la réaction du destinateur, qu’il s’agisse du dire ou du faire, disposera toujours du sème inhérent « mouvement ». Dès lors, comment peut-on aborder l’étude du geste coverbal de telle sorte qu’on puisse apprendre davantage sur le comportement des participants ou des participantes à une ISC?

Dans des travaux précédents (Tio Babena 2016, 2014, 2018), nous avons été amené à distinguer le couple corrupteur/corrompu à partir de l’analyse linguistique. Il nous est apparu que la langue offrait ses propres clés pour lever l’ambiguïté qui frappe cette paire. Pour des raisons d’espace, nous nous limiterons à présenter brièvement le principe de l’enchâssement actionnel, véritable centre organisateur de toute transaction de corruption. L’analyse du verbe corrompre indique que les deux principaux actants du système communicatif de la PC sont liés par une relation de factivité traduite par l’expression « X pousse/engage Y à agir par Z » où X désigne le corrupteur, Y le corrompu et Z la compensation. La contrepartie Z que le corrupteur apporte dans la transaction est une condition d’existence – parfois latente, mais substantielle – définissant le faire du corrompu : « si P [X pousse/engage par Z] alors Q [Y agira] ». Conséquemment, « non-P » donnera lieu à « non-Q ». Ces savoirs sont des intégrants du code rituel des ISC. Pendant la communication de la PC, les participant-e-s conjuguent les compétences situationnelle, discursive, sémantique et linguistique pour réciproquement déterminer leurs identités. De la même manière que le discours contribue à construire une identité au sein de l’ISC, les gestes deviennent un élément distinctif à partir duquel il sera dit d’un participant qu’il est corrupteur, corrompu ou non corrompu, car « Tout se passe […] comme si le geste visait à conférer, à celui qui l’accomplit, une identité distinctive » (Porcher, 1989, p. 35). Concrètement, il convient d’appréhender le code gestuel d’une ISC comme une culture au sens que lui donne Louis Porcher :

pour comprendre une culture gestuelle, il faut la pénétrer comme ensemble systémique, dans lequel un geste quelconque ne peut s’entendre que par rapport à tous les autres non pas considérés un à un mais comme éléments fonctionnels d’un système, c’est-à-dire comme ensemble de rouages, de positions, de fonctions, dans un tout (Porcher, 1989, p. 38).

Dissertons un tant soit peu sur le matériau et le cadre théorique susceptibles de dévoiler le comportement gestuel des participants d’une ISC au moment de l’échange de la compensation.

Corpus et cadre théorique

Les séquences filmiques – à travers lesquelles une quête illustrée du transculturel dans la gestuelle sera envisagée infra – sont extraites du corpus « Interactions en Situation de Corruption ». Composé des conversations filmiques et réelles, le corpus ISC a été constitué dans le cadre d’une recherche sur la corruption dans les interactions verbales. L’exclusion des données réelles dans cette étude tient à la non-utilisation des caméras lors de notre observation participante dont il serait superflu de préciser les conditions ici. Rappelons néanmoins que les cadres juridique et déontologique, de même que les sensibilités d’ordre moral intrinsèques à la corruption, ne sont pas de nature à motiver la collaboration sociale. Par conséquent, dans ce contexte de tension et de méfiance, le recours aux films, pour une approche culturo-gestuelle, se trouve légitimé.

Réunies dans une même assiette, les séquences des sept films[6] utilisés comme matière d’analyse brillent par leur diversité. L’idée de cette pluralité s’appuie sur l’argument que chaque film met à peu près en scène la corruption selon les pratiques sociocommunicatives de l’aire géoculturelle à laquelle il appartient, mais surtout selon les sensibilités artistiques de son réalisateur. En d’autres termes, chaque ISC filmique propose une représentation – considérée cette fois-ci par rapport à l’opposition générique fiction vs non-fiction – de la perception auctoriale d’une culture de la corruption inspirée du (ou censée représenté le) social. L’œuvre d’art apparaît ainsi comme l’extériorisation d’une expérience ou d’un fantasme logé quelque part dans le subconscient du sujet qui voit, vit et représente le monde. Peut-on par exemple trouver des invariants gestuels dans l’appréhension filmique de Reem Kherici (2013, Paris à tout prix), d’origine marocaine, et celle du Camerounais Gervais Djimeli Lepka (2007, Clandos)? La représentation d’une ISC dans le film français – à l’instar d’Erreur de la banque en votre faveur (Bitton et Munz, 2009) – recoupe-t-elle celles proposées par les films ayant pour scène sociale les USA (Straiton, 2012, La Firme S01E17; Megaton 2011, Colombiana; Hegeland 1998, Payback), le Mexique (Kormahur, 2010, Inhale), le Maroc (Kherici, op. cit.) ou le Cameroun (Djimeli Lepka, op. cit.)[7]? Si, tel qu’il a été souligné en amont, la PC est universelle et hétérogène, peut-on pour autant penser que la conscience de la transgression chez les partenaires de l’ISC motive inconsciemment leur attitude gestuelle? Bien évidemment, cette inconscience, la gesticulation et l’impression de spontanéité corrélées ne sont que des constructions fictionnelles d’une pratique sociale.

En confrontant les ISC filmiques, les descriptions ci-dessous visent à faire dialoguer les rationalités culturelles en matière de corruption par le truchement d’une analyse comparée de l’imaginaire artistique – entendu comme le regard du réalisateur, perçu au travers du film, sur ce phénomène de société. Pour ce faire, il convient de décrire les attitudes gestuelles d’une séquence pendant la transaction de corruption dans l’optique du principe de l’enchâssement actionnel. Les observations faites à partir du matériau décrit seront ensuite comparées aux situations des autres séquences filmiques. Par cette démarche, nous espérons ainsi déterminer les identités des participant-e-s des ISC à partir de l’étude du fait gestuel. La pragmatique gestuelle – esquissée par Louis Porcher dans les années 80 pour une didactique du FLE et qui n’est pas réellement une nouveauté, parce que déjà considérée en pragmatique conversationnelle – semble offrir un cadre adéquat pour une telle démarche.

Tout geste, écrit l’auteur, s’adresse à un interlocuteur considéré comme échangiste, susceptible d’échanger des biens, de négocier. C’est donc comme cela qu’il convient de l’identifier d’abord, en termes pragmatiques : si tel énonciateur fait tel geste de telle manière à tel moment dans telle situation et à destination de tel partenaire, cela signifie qu’il escompte tel résultat, c’est-à-dire produire tel effet. On se trouve ainsi doté d’une grille d’analyse des gestes, de description et d’interprétation (Porcher, 1989, p. 34).

Pour sonder le geste qui se veut un trait distinctif de la catégorisation des participant-e-s en corrupteur/corruptrice, corrompu-e ou non corrompu-e, nous posons – sur le modèle du mot clé que l’on retrouve chez Bert Peeters (2003, paragr. 27-30) – l’existence des gestes clés. Alors que Georges Matoré, après plus de trois décennies d’exercice, abandonne la notion de mot clé qui a fondé une partie de sa tradition lexicologique, Peeters (ibid., paragr. 30) reconceptualise la notion en la concevant comme un mot doté d’une charge culturelle importante, par rapport aux autres, en ce sens qu’il assure le partage et révèle les particularités d’une culture. Nous pensons qu’une compréhension efficiente du phénomène culturel nécessite que l’on concède au geste la même vitalité dans l’interface geste/parole particulière à la communication humaine. Les conditions d’une « pragmatique transculturelle » du geste, consistant à « étudier des valeurs culturelles et à établir des reflets au niveau des normes communicatives et/ou des mots clés [ou gestes clés] » (Peeters, ibid., paragr. 34), résident en grande partie dans cette considération. Car, « vous êtes classé par un geste que vous faites, on vous attribue une appartenance sur l’échiquier social, une position dans l’échelle. On infère du geste à l’auteur du geste. Dis-moi quels gestes tu fais (dans quelles circonstances, où, à l’égard de qui, etc.) et je te dirai qui tu es » (Porcher, ibid., p. 28).

En réalité, l’investigation rationnelle de l’identité des participant-e-s des ISC ne peut pas prendre en compte tous les segments corporels. Ceci étant, nous ne retenons que, dans le parcours tripartite ci-dessous, la main donneuse de la compensation et le regard indicateur du déroulement d’une activité illégale.

a) Que nous apprennent les gestes du regard (et de la main) du corrupteur et de son co-parleur lorsqu’ils sont en pleine négociation de la transgression dans les espaces ouverts et clos? Avant de répondre à cette question centrale, il est important de transiter par les questions (b) et (c).

b) À quel moment de l’interaction la gesticulation de la tête – organe porteur des yeux – et de la main (segment donneur ou receveur de la compensation matérielle) commence-t-elle chez ces deux participants? La reformulation possible de cette question serait la suivante : qu’est-ce qui, dans le flux verbal et dans l’attitude gestuelle du co-parleur, motive ces mouvements? La motivation à laquelle nous faisons allusion est psychologique. Elle renvoie en quelque sorte au stimulus. Elle n’est donc pas à prendre au sens sémiologique (Calbris, 1990) puisqu’il ne s’agit pas de faire une analogie entre l’aspect physique et la signification du geste[8].

c) Que regardent le gesteur corrupteur et son co-parleur? L’examen du cadre spatial sera sous-jacent à cette interrogation si ceux-ci regardent autour d’eux. Si le regard est porté cependant sur l’interlocuteur, c’est plutôt la dimension interlocutive qui sera concernée. Dans tous les cas, ces trois questions motrices permettront de dégager les effets de sens en s’arc-boutant sur les deux coverbaux que nous avons retenus.

La relation « (Y ̶   ̶ >) X → Z » dans les ISC : donner la compensation

Le but de cette section est d’étudier les conditions d’émergence du geste consistant à donner la compensation représentée par la relation « (Y ̶   ̶ >) X → Z ». À cet effet, le rapport des partenaires de l’ISC à la compensation Z s’avère fondamental dans la détermination de leur identité. En fait, le corrupteur X est le participant qui se propose d’acheter un service. Quelquefois, la décision de corrompre n’est prise qu’après des signaux que celui-ci ou celle-là perçoit ou semble avoir perçu dans le champ interdiscursif de l’ISC. Si le signe interprété par le corrupteur ou la corruptrice correspond effectivement à l’intention de son co-parleur, alors ce dernier devient un instigateur qui, après le pacte de corruption, passera de la catégorie « instigateur » (Y instigateur) à celle de « corrompu » (Y corrompu). L’acte de corruption est alors communiqué en deux moments. Le premier moment est une prémisse à l’échange de la compensation qu’on traduit par la relation Y  ̶  ̶ > X. Le second, quant à lui, équivaut à la transaction à proprement parler : X → Z → Y. Ce changement catégoriel est une transcatégorisation, opération qui est développée dans Tio Babena (2018, p. 6). Par ailleurs, lorsque l’interprétation du signal est erronée, la communication de la PC connaît un échec – compris dans le sens du refus. Dans ce cas, l’interlocuteur du corrupteur, qui n’est alors qu’un non-corrompu (Y non corrompu), peut refuser sans détour la proposition qui lui est faite. En tout état de cause, l’attitude des participant-e-s pendant la négociation est soumise aux contraintes du cadre spatio-participatif  tel qu’indiqué par le graphe conceptuel ci-dessous (figure 1)[9].

Figure 1. Négociation et construction des identités dans les ISC

D’entrée de jeu, il convient de distinguer deux cas de figure dans la négociation de la transgression : (1) l’ISC peut se dérouler dans un cadre spatial ouvert aux intrus-es légitimé-e-s (overhearers), c’est-à-dire que ceux-ci ou celles-ci sont connu-e-s des partenaires de l’ISC, ou aux épieurs ou épieuses (eavesdroppers) dont la caractéristique est que les négociateurs ou négociatrices ignorent leur présence; (2) le cadre spatial offre une sécurité relative à la négociation et l’on présupposera que les partenaires engagé-e-s se font mutuellement confiance. Pour des participant-e-s n’ayant jamais collaboré dans le cadre d’une ISC, une observation attentive du matériau filmique amène d’emblée à constater que la  décision de proposer la compensation – que l’on soit dans la situation 1 ou 2 – naît de la difficulté à satisfaire une requête avec ou sans justification, parfois prestement. La dernière motivation est celle de la participante MAY qui voudrait obtenir rapidement un visa pour la France (Kherici, 2013, Paris à tout prix).

La réponse 3-4 et l’absence (le refus?) du contact visuel de GUI (voir la transcription verbo-gestuelle 1) ne sont pas forcément à prendre comme un appel à la corruption quoiqu’elles puissent remplir cette fonction. Cela laisse néanmoins penser que le pourvoyeur ou la pourvoyeuse de service a la possibilité d’adopter une attitude capable de faire germer une idée transgressive chez le demandeur ou la demandeuse de service. Si la réponse négative est effectivement celle d’un instigateur, on peut alors envisager l’hypothèse que celui-ci ou celle-là exprime son intention de corruption par des moyens moins implicites. Interrogé par le détective privé REY – sur Kevin Stag, un habitant de l’immeuble dont il est portier –, le participant LEP donne une réponse qui s’inscrit dans ce sillage : « =beaucoup de gens posent des questions/ sur lui/ je vais pas pouvoir/ faire grand-chose pour vous (0.9) enfin/ ça dépend aussi de qui pose les questions » (Straiton, 2012, La Firme S01E17). Il est intéressant de signaler que LEP jette un regard à gauche pendant la pause silencieuse avant d’apporter la nuance qui vise pour l’essentiel à sonder l’identité du questionneur. Le silence, exploité également chez Gervais Djimeli Lepka (2007) dans la scène de contrôle du taxi de brousse, peut donc être le signalement qu’il est temps de faire un geste.

Pour résumer, l’incapacité de satisfaire une demande, l’absence (ou le refus) du contact visuel avec le co-parleur, les regards latéraux et le silence – parfois précédé d’une réponse insatisfaisante – sont quelques indices que le corrupteur ou la corruptrice est susceptible d’interpréter comme une motivation « Y  ̶   ̶ > X » à poser l’action « X → Z ». Ce profil comportemental, s’il est conforme aux intentions de leur émetteur, correspond à celui d’un corrompu instigateur. Si les indices verbaux (la réponse insatisfaisante) ou paraverbaux (le silence) sont quelque peu ambigus, la gesticulation du regard produite après la demande d’un service est, quant à elle, un geste d’initié-e[10] étant donné qu’il fait résolument partie du métalangage de la corruption en ceci qu’il suggère la PC. L’expression « parle(r) bien », répertoriée par Valère Nkelzok Komtsindi (2004, p. 100), en usage au Cameroun dans le jargon de la corruption, pourrait bien être l’énoncé remplaçant ce regard. Dans le français standard, puisque le geste remplaçant un énoncé est une invite faite à l’interlocuteur à partager la « même langue » (Calbris, 1985, p. 67), il est plus probant de dire que le regard de LEP remplace d’une certaine manière l’expression « suivre le regard de quelqu’un » (Calbris, ibid.). Le film Playback comporte un exemple explicite d’un trope, se rapportant à la langue, qui insinue la communication de la PC : le participant MIC (barman) produit un énoncé laissant penser qu’il ne saurait satisfaire POR, lequel est immédiatement suivi d’un trope  signalant une intention de corruption (lignes 3-4).

Venons-en à la relation « X → Z » qui, comme il a été précisé en amont, est définie par les paramètres de la situation 1 ou 2. Dans les espaces ouverts, les corrupteurs vérifient d’abord la sûreté du cadre spatio-participatif avant de proposer les billets de banque ou d’énoncer leur demande de corruption. Les regards de sentinelle précédant l’énonciation de l’acte de corruption (ou la passation de la compensation) font donc partie des traits distinctifs de ce type de participant comme l’illustre la gestualité de MAY face à GUI (illustration 1). La même attitude gestuelle est adoptée par les corrupteurs GIL – qui voudrait proposer à son patron de couvrir ses transactions bancaires frauduleuses (illustration 2) – et REY (illustration 3).

L’illégalité de la transgression apparaît ainsi comme le principal élément qui incite les participant-e-s corrupteurs ou corruptrices à vérifier le cadre situationnel. Cependant, l’on ne saurait conférer la valeur de contrôle aux regards du corrupteur ou de la corruptrice réalisés dans les espaces clos. Pour ce-tte participant-e, il n’est plus question de veiller à la sûreté de l’environnement spatio-participatif, mais d’afficher une certaine gêne pour signifier probablement qu’il est désolé de devoir en arriver à ce niveau. En outre, l’on peut soupçonner que le détour du regard est une manière d’atténuer la menace que constitue par exemple une compensation qui n’a ni été demandée explicitement ni appelée par quelque signal. Ces deux explications s’appliquent par exemple au regard détourné de la scène de l’inscription au collège dans le film d’Olivier Megaton (2011, Colombiana). Par ce geste, le gangster Émilio (EMI) exprime, peut-on penser, son malaise vis-à-vis de la principale (PRI) du collège et de sa nièce Cataleya qu’il tente d’inscrire par des procédés anti-normatifs (illustration 4).

Les relations « Z → Y » et « Z — Y » dans les ISC : réception de la compensation

Les relations « Z → Y » et « Z — Y » équivalent à deux attitudes distinctes – vis-à-vis de Z – du co-négociateur du corrupteur, donc à deux identités. La première indique que ce co-participant accepte la compensation tandis que la seconde traduit plutôt l’échec de la ratification du pacte de corruption. De la première à la seconde situation, la cohérence dans l’attitude comportementale est un fait constant dans le matériau filmique. Autrement dit, pour une première collaboration dans une ISC, l’empreinte gestuelle d’un participant Y corrompu et d’un Y non corrompu, qu’ils soient dans des cadres ouvert ou clos, révèle respectivement une certaine suspicion et un détachement de Z.

La relation « Z → Y » donne à voir une intersynchronisation comportementale en situation de face-à-face (voir le tableau 1). Avant de prendre la compensation, le co-parleur du corrupteur n’est alors qu’un potentiel corrompu jusqu’à ce qu’il marque symboliquement son accord pour le projet de transgression qui lui est proposé. Entre la proposition de Z et le geste physique d’acceptation, il s’écoule généralement un laps de temps durant lequel on supposera que le pourvoyeur ou la pourvoyeuse de service analyse les contours du deal et de la situation. L’intervalle de temps situé entre le relèvement de tête (illustration 1, img. 1c) et le sourire de GUI (illustration 5, img. 5b) correspond à cette étape. La passation de Z par le corrupteur MAY est précédée d’un regard de sentinelle et accompagnée d’un sourire tout comme sa réception par le corrompu GUI[11]. Lorsque le corrupteur feint la gêne, le corrompu répond également par la gêne (Colombiana, img. 4c et img. 7); s’il glisse le billet dans le dossier de son véhicule, le corrompu doit le prendre discrètement (Clandos : illustration 6); si les deux partenaires se passent la compensation en pleine rue, ils doivent s’assurer qu’ils n’ont pas été vus (The four state, illustration 8). Décidément, la discrétion est une règle d’or à observer dans les pratiques corruptives. Le participant MIC (illustration 9) du film Payback de Brian Hegeland ne manque pas de le rappeler à POR qui a posé ostensiblement des dollars sur le comptoir : « d’ordinaire/ ces affaires se traitent avec/ plus de discrétion\ »[12].

L’effet de discrétion mis en exergue par la gestualité est la preuve tangible que les valeurs de l’équipe corrupteur/corrompu sont opposées au système de valeurs de la société dans laquelle a lieu cette représentation. La remarque du participant MIC entérine l’idée d’un code gestuel par lequel la définition des identités participatives opère. Tout geste indiscret aurait, par conséquent, un impact négatif sur le cours ou l’issue de la négociation, car, comme l’écrit Porcher (1989, p. 29), « Un groupe d’appartenance a tendance à considérer sa propre gestualité comme la gestualité normale, c’est-à-dire comme la norme de toute gestualité ».

Tableau 1. Synchronisation comportementale du couple corrupteur/corrompu

La distinction discrétion vs indiscrétion est par ailleurs un point de départ fructueux pour dresser l’identité gestuelle du participant Y non corrompu dans la relation « Z — Y ». En effet, le comportement du non corrompu est conforme au système de valeurs de référence. Il n’a, comme on dirait, rien à cacher et son regard est soit frontal lorsqu’il assure une fonction phatique, soit légèrement dévié lorsqu’il est pris dans le rythme de la parole. Il n’est pas exclu que la mimique de celui-ci trahisse une certaine gêne (c’est un cas absent dans notre corpus), mais il y a fort à estimer que cette attitude différera de celle d’un corrompu, tout au moins au niveau du contenu du dire. Les regards de sentinelle sont donc quasi absents puisqu’il n’est pas mû par une intention corruptive. Au contraire, il cherche à dévoiler ce qui est dissimulé. L’ISC que nous avons extraite du film Inhale illustre parfaitement cette propension à l’indiscrétion. Rendu au Mexique pour une transplantation illégale d’un rein à sa fille malade, le participant PAU tente de soudoyer une réceptionniste (REC) du Centre Médico Especialidades – en lui filant un bout de papier contenant un billet de banque – afin d’obtenir le numéro d’un certain Dr Navarro. REC va tout simplement garder le numéro de téléphone et remettre le billet à son propriétaire (illustration 10). Un autre exemple qui mérite d’être cité est la suite logique de la séquence de demande du visa (Paris à tout prix).

En effet, après moult justifications infructueuses pour le renouvellement de son visa, MAY voit en le refus du consul de France au Maroc (CON) une invitation à payer le service demandé. Face au matabiche, la réaction de CON est sans équivoque : le visage renfrogné et éberlué (illustration 11, img. 11c & 11d) met en évidence son étonnement et son détachement vis-à-vis des valeurs de son co-parleur. En rapprochant le comportement de CON de celui de REC de la séquence « Inhale », l’on ne peut que conclure que les réalisateurs font de l’intransigeance un trait de caractère fondamental de l’homme intègre.

Conclusion

Une approche (trans)culturelle d’un phénomène tel que la corruption commande qu’il soit appréhendé comme un fait social, donc comme un fait langagier. Les pratiques corruptives sont certes marquées par des spécificités culturelles, mais elles doivent principalement leur universalité au fait qu’elles s’opposent à un système de valeurs qui les condamnent. Le développement ci-dessus visait à sonder l’expression gestuelle de cette conscience de la transgression dans le matériau filmique. Il a concrètement été question d’investiguer comparativement l’imaginaire artistique au travers des représentations filmiques d’aires et de sensibilités artistico-culturelles différentes. Le recours à ce type de données se justifie par des raisons juridico-déontologiques qui fragilisent tout projet visant à mener une véritable activité de terrain. Le film apparaît conséquemment comme une carte donnant accès à la connaissance du territoire. Pour en saisir les clés de lecture, il a fallu préciser les contours de ce qu’il est convenu d’appeler la culture de la corruption. C’est à partir de cette base qu’il devient possible de prolonger la réflexion sur les terrains du transculturel. En dépit de la diversité des cultures et regards, le corps se veut un intégrant essentiel de la mise en scène du langage de la corruption. Il participe, à sa manière, à la détermination des identités participatives dans les interactions en situation de corruption. Face à la compensation matérielle, les participants d’une ISC se définissent et affirment ainsi leur penchant pour (ou leur détachement) des valeurs anti-normatives.

La corruption est illégale et les personnes qui la pratiquent veulent se soustraire au regard social; par conséquent, les participants gesticulent pour vérifier qu’ils ne sont pas vus. Les descriptions des séquences filmiques, que nous avons faites dans les deux dernières articulations, révèlent que la pensée corruptrice peut être suggérée par l’insatisfaction d’une requête, l’absence ou le refus de considérer le demandeur ou la demandeuse de service, les regards latéraux ou le silence. En situation de communication, cette attitude correspond à celle de l’instigateur qui deviendra un corrompu si la transaction aboutit à la signature d’un pacte de corruption. Le comportement de celui-ci, de même que celui du corrupteur, est tributaire de la constitution de l’environnement spatio-participatif. Dans les espaces ouverts aux intrus-es, l’on note une intense activité du regard. Les gestes sont discrets et la violation de cette règle a un effet négatif sur le déroulement de l’ISC. Soustraits aux intrusions spatiales, le corrupteur et le corrompu n’effectuent pas de gesticulation latérale, sauf s’ils veulent plutôt feindre la gêne. Ces attitudes sont absentes chez le participant non corrompu. C’est un-e intègre dont les réactions sont dépourvues d’hésitation : le regard est très souvent frontal; le refus du pacte de corruption et la manipulation de la compensation s’effectuent sans discrétion. Une analyse essentiellement centrée sur la dimension verbale de la négociation permettrait probablement de renforcer ces résultats en précisant davantage les positions des participants des ISC dans ce jeu de la régulation.

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Annexe : conventions de transcription

: Allongement d’un son
::: Allongement important d’un son
[ Chevauchement, lorsque deux participants parlent en même temps
] Fin du chevauchement
= Enchaînement immédiat entre deux tours de parole
(ASP) Aspiration
(BAS) … Caractéristique vocale marquant le début d’un ton très bas, la fin est marquée par le signe
(1.81) Pause en seconde, supérieure ou égale à 0.2 seconde
(.) Micropause, inférieure à 0.2 seconde
A La majuscule indique une emphase très importante (expression, ton, voix, geste)
/ Intonation légèrement montante
\ Intonation légèrement descendante
(geste, attitude, commentaire) Les actes non verbaux et paraverbaux sont notés en italiques entre parenthèses
>> Le geste décrit a commencé avant le début de l’extrait
La frimousse représente la tête
—>> continuation du geste jusqu’à la fin de l’extrait


  1. Organisation de Coopération et de Développement Économique.
  2. Organisation des Nations Unies.
  3. Exemple : « donner la cola (un pot-de-vin) pour passer le contrôle douanier ».
  4. Les mots « parleur », « destinateur », « destinataire », « locuteur », « interlocuteur », « gesteur », « corrupteur », « corrompu », « non-corrompu », « instigateur » et « participant » sont employés ici comme des concepts, raison pour laquelle nous ne les féminiserons pas pour éviter des confusions avec le sens courant.
  5. L’usage qui en est fait n’est pas celui de mise en discours d’un item de la langue.
  6. Voir la filmographie infra.
  7. Certains films de notre corpus sont des adaptions françaises des versions anglaises. Mais au fond, cela ne pose a priori aucun problème puisque le jeu d’acteur ne subit pas d’altération. Dans la mesure où le geste est considéré ici comme un coverbal, nous nous devons néanmoins de dire un mot sur la traduction des dialogues. En effet, nous pensons comme Marianne Lederer (1994, p. 123) que cette opération procède d’un transfert culturel, car « Le traducteur, bilingue, est aussi bi-culturel […]. Capable de voir le monde étranger, il est capable de l’exprimer et de le faire voir à ceux qui l’ignorent ». On retrouvera également cette posture chez José Yuste Frías (2014, p. 96-98).
  8. Exemple : lorsque l’index vrille la tempe pour signifier « il est fou », on dit de la tête qu’elle est la motivation de ce geste puisqu’elle est considérée comme le siège de la raison.
  9. Voir les conventions en annexe.
  10. L’appréciation de ce geste est en étroite relation avec la notion goffmanienne de « secrets d’initié » (Goffman, 1973, p. 138). Voir Tio Babena (2017) pour une description de leur fonctionnement dans les ISC.
  11. Voir l’illustration 5 et l’analyse qui est associée (cf. tableau 1).
  12. Cf. ligne 5 de la transcription sélective ci-dessus.

Pour citer cet article

TIO BABENA, Gilbert Willy. 2022. Geste et corruption : aspects transculturels de la représentation d’un phénomène. MASHAMBA. Linguistique, littérature, didactique en Afrique des grands lacs, 2(1), en ligne. DOI : 10.46711/mashamba.2022.2.1.3

Licence

La revue MASHAMBA. Linguistique, littérature, didactique en Afrique des grands lacs est sous licence Creative Commons CC BY-SA 4.0, disponible en ligne, en format PDF et, dans certains contextes, en version imprimée.

Digital Object Identifier (DOI)

https://dx.doi.org/10.46711/mashamba.2022.2.1.3

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ISSN : Version en ligne

2630-1431