Les questionnaires d’examen de français : qu’évaluent les enseignant·e·s burundais·es?

Pierre NDUWINGOMA et Édith NDEREYIMANA

 

Introduction

L’évaluation des apprentissages est un processus qui informe l’enseignant et l’élève du progrès ou de la régression de l’acte d’enseigner-apprendre. Elle permet à l’enseignant et l’apprenant de se rendre compte des facilités ou des difficultés qui ont lieu dans le dispositif d’enseignement-apprentissage. Dans le contexte d’enseignement d’une langue, l’évaluation doit permettre aux différents partis de voir si tous les niveaux de compétence d’une langue ont été acquis. De ce fait, à partir des questionnaires donnés aux élèves, l’on peut mettre en évidence les différentes compétences évaluées.

Dans le sillage du constat posé ci-dessus, nous avons analysé des questionnaires d’examen de français de sept classes de 9e de la province scolaire de Bujumbura pour voir si elles couvrent les quatre compétences communicatives décrites dans le curriculum de 2015, à savoir la compréhension orale, la lecture-compréhension, la production orale et l’expression écrite. Cette analyse s’est fondée sur les épreuves données à la fin du trimestre; donc sur une matière considérable permettant d’évaluer toutes les compétences langagières. La méthodologie de recueil des données s’est focalisée sur l’analyse documentaire (N’da, 2015) et l’analyse s’est inspirée de l’analyse de contenu (D’Unrug, 1974 et Bardin, 1977). Cet article s’appuie sur un cadre théorique encadrant la typologie des questionnaires, lequel permettra de classifier les questions proposées aux élèves dans des classes de 9e fondamental et de voir finalement sur quoi portent les questionnaires.

Problématique de recherche

Les recherches en didactique du français au Burundi s’articulent presque exclusivement sur les méthodes d’enseignement-apprentissage. Les rares études sur l’évaluation sont des mémoires de fin d’études de licence portant sur la classification des objectifs évalués. Un article sur l’analyse des sujets d’évaluation dans les écoles fondamentales au Burundi a été publié par Nduwingoma (2018). Ce dernier s’intéresse aux objectifs évalués en référence à la taxonomie de Bloom. Il étudie à cet effet le système d’évaluation portant sur les compétences déclaratives et procédurales. L’on comprend que les recherches sur l’évaluation des apprentissages n’ont pas encore suscité l’engouement des chercheurs et chercheuses dans l’espace burundais. C’est la raison pour laquelle cette étude se fonde sur l’analyse des questionnaires d’examen.

Cependant, la formulation de questions d’examen n’est pas une tâche si simple qu’on le croit. Il ne s’agit pas de choisir des questions ou des consignes à donner aux apprenant·e·s, mais de veiller à ce qu’elles concourent à la vérification des compétences acquises par les apprenant·e·s. Des études montrent que les enseignant·e·s, pour se faciliter la tâche, donnent aux élèves des questions qui ne demandent pas beaucoup d’efforts de correction (Nduwingoma, 2019). Cette modalité d’évaluation ne permet pas de vérifier les acquis et les compétences expressives de l’apprenant·e. L’évaluation devient ainsi une activité réalisée en vue de remplir les formalités administratives.

Avec les innovations curriculaires de l’année scolaire 2012-2013, les nouveaux procédés didactiques et évaluatifs sont orientés vers des activités permettant aux apprenant·e·s d’acquérir des compétences communicatives. Cependant, les enseignant·e·s appelé·e·s à mettre en pratique ces innovations n’ont pas été suffisamment formé·e·s aux principes de cette réforme (Nduwingoma, ibid.). Ainsi, des questions se posent : les enseignant·e·s ont-ils/elles adapté leur système d’évaluation aux prescrits de la réforme ayant mis en place les écoles fondamentales? Sur quoi portent les questionnaires d’examen de français? Ceux-ci répondent-ils aux principes de l’approche communicative adoptée au fondamental? Pour répondre à cette série de questions, nous avons enquêté dans sept établissements de la province scolaire de Bujumbura.

Cadrage méthodologique

Le présent article s’appuie sur les données issues d’un recueil de questionnaires d’examen administrés dans sept écoles de Bujumbura. À cet effet, sept préfets d’études des établissements de Bujumbura (Lycée Municipal Bwiza, Ecotec, École la Colombière, Lycée Municipal Buyenzi, Lycée Notre Dame de Rohero, École Fondamentale de Gikungu, Lycée de l’Amitié) ont accepté de nous donner des photocopies des questionnaires administrés lors des examens de fin de trimestre. Ces questionnaires ont été collectés et servent d’exemples dans cet article. D’autres établissements de Bujumbura, nous ont donné des rendez-vous sans nous remettre leurs questionnaires d’examen. Ainsi, nous avons compris qu’ils ont refusé de nous donner des informations et avons décidé d’analyser les données des établissements qui ont accepté de coopérer. C’est la raison pour laquelle nous avons juste établi un échantillon de commodité dont le principe de choix repose sur la disponibilité des enquêté·e·s (N’da, 2015, p. 105).

Les résultats de cette étude sont issus de l’analyse des épreuves données aux élèves pendant l’examen trimestriel. Il est question d’analyser la matière proposée en vue d’en établir une typologie. La méthode d’analyse est essentiellement axée sur le contenu (D’Unrug, 1974 et Bardin, 1977). Elle consiste à regrouper les questions ayant des traits communs afin d’identifier les grands axes ou les thèmes de l’évaluation en français dans des écoles fondamentales du Burundi. Ainsi, chaque questionnaire n’est pas analysé à part, mais est mis en lien avec l’ensemble du corpus en fonction du thème. Les items relatifs à une seule thématique sont compilés et analysés ensemble.

Les questions d’évaluation en français

Les didacticiens et didacticiennes du français montrent qu’il existe plusieurs types d’outils d’évaluation en français qui pouvent être regroupés en deux grandes catégories : les questions fermées et celles ouvertes. Bikulčienė (2007) différencie ainsi les tests dit « fermés » des tests dit « ouverts ». Un questionnaire est dit « fermé », selon cette autrice, lorsque le type de réponse est extrêmement simple : une croix dans une case pour un QCM, par exemple. Il est un outil pratique lorsque l’on attend une réponse simple qui relève de la compréhension et de l’application. Ce sont des questions objectives (Lussier, 1995) où l’élève est appelé à choisir une réponse correcte parmi une liste de réponses proposées. Selon Lusssier (ibid.), cette catégorie rassemble des questions vraies ou fausses et celles d’appariement. Ce type d’outil exige une grille de correction simple qui, dans le meilleur des cas, est binaire (présence ou absence de croix), et dont l’utilisation est pratique pour n’importe quel-le correcteur ou correctrice. Le barème de notation ne pose généralement pas de problème particulier et la fidélité de la notation est acquise.

Selon Bikulčienė (ibid.), l’outil d’évaluation est dit « ouvert » lorsqu’il fait appel à des réponses plus complexes qui relèvent de l’application, de l’analyse ou de la synthèse. Lussier (ibid.) indique que les questionnaires « ouverts » sont subjectifs parce qu’ils mettent en scène des questions subjectives qui poussent les élèves à mobiliser beaucoup de savoirs dans une production écrite ou orale. Ici, la grille sera complexe et l’activité du correcteur ou de la correctrice ne consistera plus seulement à identifier les réponses justes ou erronées, mais à apprécier les performances des apprenant·e·s en respectant les critères choisis et explicités dans la grille de correction.

Ainsi, chez les deux auteurs, l’on identifie deux formes de questions : les questions de sélection appelées aussi questions d’objectivité qui poussent l’élève à choisir parmi une liste de réponses proposées et celles de production ou questions à réponses élaborées parce qu’elles appellent la réflexion et la mobilisation des connaissances des élèves. C’est cette dernière forme qui convient lorsqu’il faut évaluer les apprentissages dans une approche communicative.

Au Burundi, les prescrits de 2012-2013 sont claires quant à la façon d’évaluer. En effet, l’enseignant·e peut avoir recours aux exercices à la fin de chaque thème pour ce qui est de l’évaluation de la grammaire et du vocabulaire. Pour l’expression orale et écrite, il peut se référer aux critères décrits dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues, le CECRL (CERL, 2001, BEPEB[1], 2014, p. 17). L’on comprend, dès lors, que l’évaluation doit inclure des exercices en rapport avec les ressources linguistiques ainsi que les activités de production orale et écrite. C’est la raison pour laquelle cette étude vise à vérifier si les questions d’examen concernent les réponses élaborées (production orale et écrite) ou de sélection (grammaire et vocabulaire) dans les écoles burundaises enquêtées afin de voir si les pratiques évaluatives respectent les principes mis en place dans la réforme.

Résultats et analyses

Dans cette section, il est question de présenter les résultats de la recherche et de les discuter. L’analyse permet d’établir la typologie des exercices d’évaluation proposés aux apprenant·e·s des écoles ayant fait objet de notre recherche.

Des épreuves portant sur les ressources linguistiques

L’analyse des questionnaires d’examen montre que l’évaluation porte essentiellement sur les ressources ou les outils linguistiques. Ceux-ci se manifestent de différentes façons et concernent la forme, le lexique, la syntaxe et la structure du français. Concrètement, cinq catégories ressortent des épreuves d’examen du français : la catégorie portant sur la morphologie du français, celle portant sur les structures syntaxiques, les QCM, les questionnaires à appariement et ceux à phrases, textes à trous ou lacunaires.

Les questionnaires sur la morphologie et le repérage d’une notion

L’aspect formel d’une langue concerne son aspect identifiable par le regard. La morphologie concerne donc la forme des mots. Les exemples ci-après montrent que les consignes utilisées dans le libellé des questions sont les suivants : souligner, repérer, entourer, donner, indiquer, dire, distinguer et préciser. Les illustrations suivantes comprennent les verbes ci- dessus indiqués :

1. Dans le petit texte suivant, souligner le participe présent et entourer l’adjectif verbal

Le travail du menuisier est pénible et ennuyant. Il nécessite une préparation physique, car il doit aller chercher du bois pour les planches. Pour cela, sa tâche fait appel à une attitude responsable. Il ne doit pas couper le bois en oubliant les effets négatifs du déboisement. L’exploitation des arbres ne faisant pas appel à une vigilance pourra conduire à des catastrophes ultérieures.

2. Dans les phrases suivantes, soulignez la subordonnée et indiquez s’il s’agit de la complétive, de l’interrogative indirecte, de la relative ou de la subordonnée infinitive.

(a) Le maçon craint que la construction ne prenne plus de jours que prévus. (b) Puisqu’elle vient d’obtenir un crédit, elle peut mettre en œuvre son projet. (c) Il a tellement plu que la récolte ne sera pas bonne. (d) L’administrateur informe la population qu’il est avantageux de se regrouper en village. (e) Cette fille-mère voulait savoir si le directeur accepterait qu’elle reprenne ses études après avoir mis au monde.

3. Relève dans les phrases suivantes les infinitifs et dis leur fonction.

(a) Je ne t’ai pas entendu venir. (b) Nous avons un congé et j’en profite pour faire mes devoirs de classe. (c) Elle commence à éplucher les pommes de terre. (d) Michel prend toujours son parapluie avant de sortir. (e) Oh! la! la! mon ami tarde à venir. (f) Elle croit avoir convaincu dans sa réponse.

4. Dans les phrases ci-après, repère la cause ou la conséquence.

(a) Le train a connu du retard à cause d’une panne. (b) Ce garçon a abandonné l’école suite à sa maladie. (c) Le frère de Paul est mort d’un cancer. (d) Ce marchand est trop avare pour nous faire un crédit. (e) À écouter cette fable ennuyeuse, je me suis presque endormi. (f) Il a de l’imagination à faire pâlir d’envie un griot.

5. Préciser les fonctions des groupes nominaux.

(a) Je suis rentré à vélo. (b) Vous avez été sauvé par la police. (c) Il a avancé de classe par chance. (e) Son visage était illuminé par la joie. (f) Tu seras reçu par le directeur en personne.

6. Distinguer les verbes de la série d’exercices suivante :

(a) Ils mangeaient avec appétit. (b) Il parle de tout et de rien. (c) Je retournerai un jour. (d) Nous allumons la lumière. (e) L’herbe pousse continuellement. (f) Elles paraissent généreuses.

7.  Entoure les compléments d’objet direct et souligne les compléments d’objet indirect.

(a) Le coiffeur a laissé un cheveu sur ton vêtement. (b) Joseph a raconté à tout le monde que sa copine est une enseignante. (c) Les maçons n’ont pas achevé la construction de cette maison à temps.

Il ressort des exemples supra que le questionnaire porte sur le repérage des notions. Dans certains cas, l’élève distingue une notion des autres. C’est le cas des exemples 2, 3 et 6 où l’apprenant·e est convié·e à différencier les propositions subordonnées, les fonctions des verbes qu’il souligne, à distinguer des notions (nature et fonction, compléments) et préciser la nature des verbes. Dans d’autres cas, l’exercice consiste à souligner ou à entourer une notion tout simplement. En analysant les activités des apprenant·e·s, il ressort que les questionnaires d’examen concernent la vérification de la maîtrise des connaissances simples.

8. D’autres épreuves concernent l’aspect formel et la mémorisation du lexique à l’instar des exemples ci-après :

9. Mettez l’accord convenable.

(a) La cantatrice que nous avons entendu chanter venait de loin. (b) La voiture que nous avons vu passer était belle. (c) Nous les avons vu danser autour du feu. (d) Le professeur a laissé les élèves partir avant le temps. (e). Les tambourinaires, nous les avons entendu battre leurs tambours. (f) Les danseuses, nous les avons vu exhiber leur talent.

10. Réécris le texte en remplaçant les adjectifs par les adverbes en -ment :

Butoyi conduit (élégant) sa voiture. Il roule (lent) pour ne pas l’abîmer. Il fait (vrai) plaisir quand il manipule le volant. Il suit (correct) les cours de l’auto-école et désire (ardent) avoir un permis de conduire le mois prochain.

11. Conjugue convenablement les verbes entre parenthèses.

Cette année, les musiciens burundais (célébrer) la fête de la musique au Musée vivant. Lorsqu’ils (commencer) à chanter, les jeunes délinquants de la ville (accourir) pour danser. L’année passée, ils (faire) cette fête à Gitega.

12. Donner les antonymes de :

(a) Vaincu. (b) Mort. (c) Haine. (d) Premier. (e) Échec. (f) Beauté. (g) Joie. (h) Obligatoire. (i) Nuit. (j) Perte.

NB : Réponse seulement.

L’aspect formel concerne l’accord, l’adverbialisation et la conjugaison. Cela se perçoit dans les exemples 8, 9 et 10. L’exemple 11 a trait à la mémorisation. Dans cette sous-section, l’on constate que l’évaluation porte sur les concepts. Ils se réfèrent à la dénomination, à la structure et à leurs relations externes. Musial, Pradère et Tricot (2012) montrent que des questions ayant trait au concept risquent de donner un faux renseignement sur la progression de l’apprenant·e. Selon les trois auteurs, le rôle de description d’un concept conduit au risque d’un diagnostic faux-positif : la réussite d’une tâche grâce à la mémorisation des notes de cours ne traduit pas forcément l’aptitude de l’élève à conceptualiser.

Les consignes concernant la syntaxe

Les épreuves concernant la syntaxe peuvent être classées en deux catégories principales : celles relatives à la production de phrases et celles ayant trait à la structure phrastique. Concernant la première catégorie, cinq verbes résument le libellé : ils utilisent entre autres les expressions « écrire des phrases », « produire des énoncés », « formuler des phrases », « Relier les éléments de A à ceux de B », pour désigner la tâche à exécuter. À ce propos, les exemples des épreuves suivantes révèlent que les exercices donnés à l’examen concernent la production écrite en se basant sur les outils grammaticaux donnés :

13. Écris des phrases ayant :

(a) une proposition subordonnée de but; (b) une proposition subordonnée infinitive; (c) une proposition coordonnée; (d) une proposition juxtaposée.

14. Produisez des énoncés avec la liste de mots suivants : (a) paraître; (b) demander; (c) autoriser; (d) songer à.

15. Formulez des phrases avec les homophones : ses, ces, sait, s’est, c’est.

16. Relie les éléments de A à ceux de B de manière à avoir des propositions correctes.

A=> (a) Le coiffeur regrette; (b) Le professeur demande; (c) Le menuisier croit; (d) Le mécanicien dit;

B=> (a) qu’il pourra remettre le mobilier au propriétaire dans deux jours; (b) que le moteur doit être révisé; (c) qu’il n’ait pas de courant électrique; (d) que nous venions à l’école samedi.

17. Utiliser le vocabulaire dans des phrases : (a) le crédit; (b) le bailleur.

Dans les exemples précédents, il ressort que les professeur·e·s de français formulent les consignes en rapport avec la pratique langagière. Cette pratique les conduit à déceler si les élèves sont en mesure d’utiliser un lexique donné dans son vrai contexte d’emploi. La phase de production des phrases est l’étape préparatoire qui initie les élèves à produire un texte marqué par une cohésion et une cohérence. C’est pour cette raison que la production de phrases est essentielle, non seulement parce que les élèves utilisent le vocabulaire en contexte, mais aussi parce que cette tâche leur permet de mobiliser les outils syntaxiques. L’on pourrait dire qu’il s’agit d’un test à double entrée parce que l’enseignant·e vérifie l’utilisation correcte du lexique et des éléments grammaticaux appris. La production, dans ce type d’examen, correspond à un transfert et à une application des connaissances acquises à un niveau taxonomique peu élevé. Il devra produire des énoncés ou des propositions simples qui témoigneront de sa maîtrise du lexique et des règles grammaticales.

Dans la deuxième catégorie de questions, les consignes s’articulent autour des tâches introduites par les expressions suivantes : « Transformer les énoncés positifs en », « Changer la forme négative ». À ce sujet, les questions d’examen suivantes sont claires :

18. Transformez à la voix passive si possible :

(a) Les élèves apprennent le cours d’anglais. (b) Tu n’as cessé de me témoigner ton amour. (c) Il passe par Bururi en rentrant. (d) On nous a calomniés. (e) Tous les étudiants n’ont pas de tablettes.

19. Transformez les énoncés positifs en énoncés négatifs et vice- versa :

(a) Nous mangeons encore. (b) Il arrive souvent en retard. (c) Personne n’est arrivé. (d) Aucune importance n’est accordée à ce sujet. (e) Il mange toujours vers 13 heures.

À partir des exemples précédents, l’on constate que le questionnaire concerne la transformation structurale d’une phrase donnée. Bien que cette tâche ait trait au travail syntaxique, elle concerne plus la maîtrise des concepts ou des notions que la production proprement dite : L’élève opère des transformations structurales en s’inspirant des notions vues en classe. Sa créativité est moins grande que dans la production des phrases. Ainsi, ce genre d’exercice concerne l’application simple d’une notion.

Les questions à choix multiples (QCM)

Les QCM se présentent sous deux formes : le cas où la tâche est de choisir une réponse vraie parmi une série de réponses et le cas où l’apprenant·e opère un choix entre la réponse « vraie » ou « fausse ». L’exemple suivant met en relief le premier cas :

20. Écris l’affirmation correcte entre celles qui vous sont proposées dans le texte « La femme aux Olympiades » :

(a) Il a été difficile aux femmes de commencer à faire des compétitions. (b) C’est en 1982 que la première femme a remporté une médaille. (c) Ce sont les femmes qui remportent toutes les médailles aujourd’hui. (d) Le titre du texte concerne les jeux olympiques. € Ce sont hommes qui ont longtemps refusé aux femmes de prendre part aux jeux olympiques sans aucun prétexte.

Le constat majeur à évoquer est que les libellés relatifs au choix sont rares dans le corpus : un seul exercice sur une quarantaine d’items. En outre, l’évaluation de ce type concerne la vérification des connaissances élémentaires de l’apprenant·e. Qui plus est, le rôle de l’évalué·e peut être confondu au hasard puisque celui ou celle qui ne connaît pas la réponse va procéder par hasard. Selon Bikulčienė (2007), avec les QCM, on pourra évaluer la maîtrise de divers niveaux taxonomiques (maîtrise et transfert, connaissances, compréhension, application et analyse), mais jamais les niveaux les plus hauts (expression, synthèse et esprit critique).

Les exercices d’appareillement

Les exercices d’appareillement, encore appelés questions d’appariement, consistent à scinder des phrases en deux articulations chacune et à mettre ces dernières dans deux colonnes. L’évaluation consiste à demander aux apprenant·e·s de relier une articulation dite « amorce » à une autre dite « fin » pour retrouver la signification d’un vocabulaire ou la cohérence d’un énoncé. Les consignes utilisées dans le corpus se fondent sur les verbes « raccorder », « choisir » et « terminer les phrases » comme on peut le lire dans les exemples ci-dessous :

21. Raccorde le vocabulaire de A à une définition correspondante de B

A B
1) Lettre a. Celui qui envoie un message
2) Expéditeur b. L’argent mis sur un compte bancaire
3) Message c. Le contenu de l’information
4) Destinataire d. Écrit adressé à un destinataire
5) Versement e. Celui qui reçoit un message

22. Choisis la signification des éléments lexicaux du 1er groupe en opérant un choix au 2e groupe.

1) Minutieux a. Regarder avec attention
2) Examiner à la loupe b. Très précisément

23. Terminez les phrases suivantes de la colonne A en vous aidant des éléments de B :

A B
1) Vous étudiez 1) en vue de le faire soigner.
2) Il a été conduit à l’hôpital 2) pour jouer.
3) Qui est venu en classe 3) pour réussir au test.

En analysant ces exemples, nous constatons que ce test concerne le repérage de la signification (cf. exemples 21 et 22), de la cohérence d’une phrase plus que l’expression (cf. l’exemple 23). L’élève peut miser sur le hasard pour relier l’amorce et la fin de phrase quand il ou elle ne comprend pas son sens. Cette évaluation montre que les évalué·e·s doivent préalablement maîtriser le sémantisme des phrases de la consigne, sinon ils vont relier les parties de façon aléatoire.

Les phrases ou textes à trous

Les questions données sous forme lacunaire se subdivisent en deux catégories : les phrases lacunaires et les textes à trous. Les questionnaires d’examen analysés permettent de voir que les phrases ou textes à trous soumis aux évalué·e·s utilisent une consigne unique : les enseignant·e·s demandent aux l’élèves de compléter les phrases ou le texte par des éléments donnés à l’avance. C’est ce que l’on peut constater dans les exemples suivants :

24. Complétez le texte par un des mots ou groupes de mots suivants pour lui donner un sens : plats, débarrasser la table, prendre le repas, faire la vaisselle, bon appétit, dresser la table, louche, placard.

C’est heure de … . Mon épouse… puis, à l’aide d’une…, elle met les aliments dans des… et les dépose sur la table. Enfin, elle nous invite à prendre place et nous souhaite un… . Après le repas, les enfants… et vont… . Après avoir essuyé les…, ils les rangent dans le… .

25. Pour lui donner un sens, complétez le texte avec des noms contenant le son [sjõ] dérivés d’un des verbes suivants : améliorer, intervenir, sensibiliser, vacciner, discuter.

C’est en décembre 2012 qu’a lieu la campagne de… sur la… . On assistait ici et là partout dans le pays, à des … sur l’… de la santé des mères dans les familles nombreuses. Sur ce point, l’… des associations féminines a été déterminante.

26. Complétez le texte par des prépositions de lieu : à, en, dans, au.

Martine a fait ses études… Cotonou… Bénin. Elle a ensuite effectué un stage… Allemagne. Revenue… son pays natal, elle a obtenu un emploi… ville… des services de la poste. Elle n’aime pas y aller à pied. Elle arrive… l’arrêt-bus très tôt le matin. Elle est toujours… bureau à sept heures trente minutes.

Dans ce type d’évaluation avec les phrases ou les textes lacunaires, l’élève devra maîtriser le sémantisme des phrases données ou du texte ainsi que les éléments avec lesquels il complète les trous; sinon, il traitera l’exercice de façon aléatoire.

En somme, les questionnaires d’examen portent sur les ressources linguistiques. L’étude révèle que les questions concernent les aspects syntaxiques de la phrase. Elles permettent à l’enseignant·e d’évaluer l’expression dans sa forme la plus simple : l’on demande à l’élève de produire une phrase en essayant de suivre une règle grammaticale ou une notion indiquée dans la consigne. Pour les autres types de question (QCM, questions d’appareillement, phrases ou textes lacunaires), l’élève se limite au repérage d’une notion, parfois son effort se résume à une opération aléatoire.

Des épreuves portant sur la lecture-compréhension

Ces épreuves concernent la lecture d’un texte et la réponse aux questions de compréhension. Trois catégories sont identifiables dans le corpus analysé : les questionnaires sur la définition des mots, le repérage d’une information textuelle et sur la production écrite.

Des questionnaires sur la définition de mots

Ces questions se rapportant aux définitions des mots sont formulées à partir des locutions interrogatives « Qu’est-ce que » ou de sa forme courte « Que » et du verbe « expliquer » :

27. Expliciter les mots ou groupes de mots suivants : une banque, un mandataire, un avaliseur, virer un montant.

28. Qu’est-ce que les visiteurs appellent « forêt »?

29. Qu’est-ce qu’on appelle babouins?

30. Qu’entends-tu par « une action » dans le contexte de banque?

Ces exemples permettent de constater que les exercices des épreuves données concernent les définitions apprises en classe dans des textes quelconques. Sinon, il serait inconcevable de donner des questionnaires d’explication des mots pendant un examen surtout que, pendant l’évaluation, il est interdit aux élèves d’utiliser un dictionnaire. Ceci indique que les enseignant·e·s donnent des tests portant sur la capacité des élèves à mémoriser les notes de cours puisque la réponse à ce type de questions exige un apprentissage par cœur du vocabulaire. De là, les questionnaires sur la définition de mots n’ont rien à avoir avec les compétences communicatives des apprenant·e·s.

Des questionnaires relatifs au repérage d’une information

Les questionnaires relatifs au repérage d’une information sont élaborés par le biais des adverbes et locutions interrogatives tels que « Qui », « Comment », « Quel et ses composés », « Quand » et « Qu’est-ce-que ». Les questions ci-dessous comprennent les mots interrogatifs :

31. Pourquoi Muco a-t-il des vertiges?

32. Qui logent Ntore et Muco?

33. Comment se sentent les enfants au musée vivant?

34. Quels sont les deux endroits qu’ils ont visités?

35. Qu’est-ce qui fait la beauté de la place de la révolution?

36. Quels sont les personnages du texte?

37. Pourquoi Ntore et Muco sont-ils dépaysés?

38. Pourquoi Mpuhwe n’a-t-il pas bien dormi cette nuit dernière?

39. Quel est le risque que nous courons quand nous respirons de l’air pollué?

40. Comment faire pour éviter la pollution de l’air?

L’analyse de ces questions montre que ces dernières concernent un repérage des idées textuelles. Ainsi, les libellés portent sur le fait qu’un·e élève identifie une information contenue dans un texte. Ce repérage concerne une information simple : les personnages textuels, une justification d’un propos tiré d’un texte, etc. Il s’agit des questionnaires concernant la lecture-compréhension de documents écrits. Cela signifie que l’apprenant·e répond aux questions après avoir lu un support écrit qui lui est donné. C’est la compétence de lecture-compréhension qui est évaluée, mais la compréhension orale n’a aucune trace dans les questionnaires d’évaluation du corpus. D’autres questionnaires sur des textes dépassent le stade du simple repérage d’une idée, mais demandent plutôt l’esprit créatif de l’apprenant·e, ce sont des questions de production.

Des questions ou des consignes relatives à la production écrite

Ce point concerne les questions ou les consignes de production. Elles s’articulent sur des sujets issus d’une lecture-compréhension d’un texte. Il est demandé à l’élève de déterminer le titre d’un texte, d’élaborer une conclusion à l’aide d’une idée textuelle et de donner son opinion en tenant compte de l’attitude d’un personnage. Les consignes sont construites à l’aide du pronom interrogatif « que » et du verbe « donner ». Les exemples ci-dessous l’illustrent :

41. Donnez le titre à ce texte

42. En vous référant au dernier paragraphe du texte « les conséquences des naissances nombreuses », que peux-tu conseiller aux familles?

43. Que dites-vous du comportement du père de la famille Mpuhwe?

Après l’analyse de ces questions, l’on remarque que l’apprenant·e est invité·e à produire ses propres phrases : une phrase ou un paragraphe entier. Pour les exemples 41 et 42, il s’agira d’une phrase nominale, mais d’un paragraphe pour l’exemple 43, car l’élève doit mobiliser plusieurs compétences pour donner des conseils. Il s’agit entre autres de la maîtrise du conditionnel présent, les pronoms anaphoriques, la syntaxe, la conjugaison, etc. Bikulčienė (2007) range ce type de questions parmi les questionnaires à réponses ouvertes courtes où l’apprenant·e fait une production minimale qui fait appel à ses connaissances. Les élèves mobilisent ainsi les acquis notionnels dans une production écrite minimale.

Cette production diffère, à notre avis, du sujet de rédaction proposé en classe puisque, dans une production issue des questions textuelles, l’élève peut s’inspirer des idées du texte. Mais, pour une production écrite à partir d’un sujet quelconque, l’élève a recours à ses propres idées et à sa propre argumentation; ce qui relève d’un niveau supérieur de maîtrise des connaissances. Toutefois, à partir du corpus, ce dernier type de production ne figure pas dans les questions données. Bref, les libellés sur la production écrite n’existent pas dans les examens soumis aux élèves burundais·es du fondamental.

Conclusion

La rédaction de cet article visait à analyser les questionnaires d’examen de français proposés aux élèves de 9e pour vérifier si les enseignant·e·s des établissements enquêtés tiennent compte de tous les aspects communicatifs lors de l’évaluation sommative. Des résultats issus du corpus constitué de 42 items soumis aux élèves du fondamental, deux remarques importantes ont été décelées : l’évaluation dans les classes de français porte plus sur les outils linguistiques que sur les aspects communicatifs. En outre, seules deux compétences communicatives sont évaluées, à savoir la lecture-compréhension et la production de phrases simples où les apprenant·e·s sont invités à utiliser le lexique textuel. L’on note que les questionnaires d’examen sont constitués des QCM, des questions d’appariement et des questions ou consignes relatives à l’étude de texte. La production écrite proprement dite (c’est-à-dire la rédaction) n’est pas concernée par l’évaluation proposée par des enseignant·e·s burundais·es de français des écoles enquêtées. Les exercices de compréhension orale en français ne figurent non plus parmi les questionnaires d’examen. De ce fait, la compréhension orale n’est pas évaluée.

Pour nous, le questionnaire d’examen devrait normalement porter sur les compétences langagières plutôt que sur les ressources linguistiques exclusivement. Ainsi, les sujets de production langagière devraient se focaliser sur la matière relative à la réflexion des apprenant·e·s plutôt que sur les consignes relatives à l’usage du vocabulaire dans des phrases simples. S’il faut admettre que l’initiation à la production écrite doit commencer par celle d’une phrase simple, il faudrait que les élèves de 9e soient initié·e·s à des productions tant orales qu’écrites plus ou moins complexes pour les préparer à affronter le cycle post-fondamental où la pédagogie de l’intégration se fonde sur l’application des acquis linguistiques des apprenant·e·s dans des situations-problèmes diversifiées.

Références

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  1. BEPEB : Bureau d’Études des Programmes de l’Enseignement de Base.

Pour citer cet article

Nduwingoma, Pierre et Ndereyimana, Edith. 2020. Les questionnaires d’examen de français : qu’évaluent les enseignant·e·s burundais·es?. MASHAMBA. Linguistique, littérature, didactique en Afrique des grands lacs, 1(1), 241-262. DOI : 10.46711/mashamba.2020.1.1.11

Licence

La revue MASHAMBA. Linguistique, littérature, didactique en Afrique des grands lacs est sous licence Creative Commons CC BY-SA 4.0, disponible en ligne, en format PDF et, dans certains contextes, en version imprimée.

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https://dx.doi.org/10.46711/mashamba.2020.1.1.11

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ISSN : Version en ligne

2630-1431