Appels à contribution – dossiers thématiques

Appel volume 2, numéro 2 : « Paix, temps et territoires à l’ère des dynamiques contemporaines »

Dossier coordonné par Erick SOURNA LOUMTOUANG (MINRESI) & Alphonse Zozime TAMEKAMTA (Centre Africain de Recherche pour la Paix et le Développement Durable)

Présentation

La paix constitue un idéal social et politique qui traduit non seulement une absence de perturbation, d’agitation ou de conflit, mais aussi un état de sécurité. Elle est la ressource qui fait le plus défaut dans ce monde « d’inimitié » (Mbembe, 2016). Nous sommes donc des « mendiants de la paix » (Biya, 2017), à en croire le Chef de l’État camerounais. Car, les projets aaronien (Aaron, 1962) de paix perpétuelle semblent être tombés en désuétude depuis la période post-guerre froide. Les guerres d’intervention sous fond de démocratisation et de lutte contre le terrorisme, le génocide rwandais et bien d’autres conflits inscrivent, comme le reconnaît Bertrand Badie (2016, p. 11), la guerre comme fondement de notre modernité. La paix est donc en ce moment la chose du monde la moins partagée alors qu’elle est, pour la plupart des États au monde, une condition sine qua non de la survie de l’humanité et de tout développement durable (Biya, 2017).  Quel est le rapport de la paix au temps et à l’espace ? Est-ce que la paix est perçue ou construite de la même façon selon les espaces ? Quel est l’effet de l’espace sur la paix ? Quid des considérations idéologiques, culturelles rattachées à ces espaces ?

Au sujet du rapport du conflit à l’espace, on peut aussi bien questionner les conflits dans un espace déterminé ou engendré par la lutte pour un espace, la temporalité particulière de cet espace, les raisons du conflit selon les espaces et les temporalités, etc. Au-delà du questionnement sur la manière dont la signification de la paix peut varier ou varie dans le temps et dans l’espace, avec la pression temporelle qui se fait ressentir dans plusieurs domaines et la logique de recherche de continuités spatiales, il y a aujourd’hui un sérieux enjeu de maîtrise du temps et de l’espace. Une approche qui serait sans doute utile à la préservation des rationalités qui sous-tendent l’idéal de paix. Plus la mondialisation économique gagne du terrain, plus le local retrouve son sens, plus l’urgence s’impose, plus la maîtrise du temps long devient nécessaire ; plus la fragmentation et le zapping triomphent, plus on recherche la continuité et la permanence (Gwiazdzinski, 2012, p. 84).

Le temps a toujours suscité l’angoisse chez l’homme en tant que substratum de l’ensemble des considérations liées à l’existence même. Le temps est pluriel, il affecte tout. Il est aussi polysémique et change ; les temps changent, peut-on dire sous un autre angle. Il existe diverses temporalités insinuées par l’observation des réalités ou des phénomènes juridiques, sociaux, économiques, etc. Notre époque est en train de vivre une mutation radicale de son rapport au temps (Aubert, 2010) qui s’inscrit dans une vision « hypermoderne ». Le temps est l’objet privilégié de l’historien, son instrument de travail à travers la chronologie. Il est l’indicateur des transformations qui affectent le monde vivant, humain, animal et minéralogique, etc. Perçu à diverses échelles, le temps peut être séquencé selon une vision duale. Le « temps long » comme l’appréhende Braudel (1999) est un temps minéralogique et le « temps court » qu’il qualifie de temps propice à la rédaction de l’histoire de souffle court est également important dans l’appréhension des changements à l’échelle planétaire. Il s’agit ainsi de concevoir le temps dans son acception la plus complexe en associant à la fois les temps long et court. Se poser la question du temps est important au regard de l’accentuation des pressions temporelles qui affecte tous les aspects de la vie de l’homme. L’état d’anxiété contemporaine sur le temps à l’aune de la succession complexe des mouvements d’accélération (changement, progrès, etc.) et de décélération (adaptation…) qui justifient la sensibilité au temps s’impose au regard de l’évidente multiplicité des perspectives des changements globaux (économiques, sociaux, politiques, etc.) et de la variabilité des perceptions des logiques temporelles.

L’espace est aussi le territoire plus ou moins matériel ou immatériel, étendu dans le cadre duquel un ensemble ou sous-ensemble de règles est destiné à s’appliquer (Drago, cité par Terré, 2015, p. 418). La délimitation des espaces (terrestre, maritime ou aérien) a toujours été un enjeu du droit international faisant l’objet des rivalités et de contentieux entre États. Cicatrice laissée par l’histoire, la frontière intéresse le juriste entre autres. Le territoire se transforme et se recompose en permanence entre continuité (succession d’États, etc.) et fragmentation (la fin des territoires, Badie, 2013), territoires polychromiques, territoires ouverts à la mondialisation avec l’expansion des NTIC. À l’heure où la considération de la proximité s’amplifie et se diversifie, le local s’affirme de même que l’actualité des conflits territoriaux (en contexte africain). L’obsession du territoire (Scelle, 1958, p. 347) constitue un défi majeur pour la consolidation de la paix. Il se pose la nécessité de maîtriser le territoire tant la profondeur des territoires semble nous échapper, ce qui complique la lecture du rapport au temps et perturbe les rationalités de l’idéal de paix. Les différentes transformations du monde à travers l’influence du processus de mondialisation affectent les territoires. Ces mutations protéiformes ne peuvent plus simplement être lues dans le sens restreint du territoire, mais également dans une perspective des spatialités en contact. Ce qui dans le contexte actuel impose un changement d’échelle dans l’analyse et l’imbrication de ces trois notions. L’intérêt étant de mettre en musique les interactions, positives et négatives, entre la Paix qui évolue dans le temps et se situe dans un territoire lui-même dynamique et portant en lui les gènes pacifiques et conflictuels.

Articuler dans ce dossier thématique les notions de paix, temps et territoire relève tout d’abord d’un souci de créer entre elles une cohérence et de rendre ensuite plus lisible les mutations contemporaines. Il s’agit davantage de diagnostiquer leur interconnexion à l’aune des dynamiques contemporaines fortes d’aménagement, de transformation et de recomposition. Aussi comment cette valeur participe-t-elle à la (re)construction et/ou à la redéfinition des temporalités et des espaces ? Comment se pense la paix dans les territoires depuis le début du XXIe siècle ? Y a-t-il pendant la période X plus de guerres ou plus de paix que pendant la période Y ? Y a-t-il davantage de paix ou non dans telle région du monde comparée à telle autre ? Au-delà de la démarche qui consiste à aménager le temps afin d’exercer un effet sur l’occupation de l’espace ou encore l’aménagement du territoire afin de répondre aux préoccupations du temps, il serait aussi question de déterminer comment la dynamique du temps et de l’espace influe sur la prévention, la promotion, et la consolidation du paradigme de la paix.

Axes de réflexion

Axe n°1 : Conflits et paix d’hier à aujourd’hui 

  • Les menaces à la paix (intérieures et extérieures)
  • La problématique de la paix et de la sécurité au Cameroun

Axe n°2 : États, frontières et sécurité en Afrique

  • La territorialité et la souveraineté des États
  • La mort des territoires à l’ère de la mondialisation

Axe n°3 : Acteurs et dispositifs de promotion de la paix

  • La paix comme facteur de sécurisation du processus électoral
  • Les mécanismes de promotion de la paix

Axe n°4 : Paix, justice socioéconomique et sécurité humaine

  • La paix par la justice (justice humaine, justice socioéconomique, etc.)
  • Les institutions internationales et la réalisation de la paix

Axe n°5 : L’émergence de menaces hybrides de la paix

  • L’État face aux menaces internationales
  • Internet, mondialisation, nouvelles vulnérabilités et possibilités d’opérations de déstabilisation, etc.

Axe n°6 : Construire la paix : repenser les approches de stabilisation

  • Culture de la paix, prévention et gestion des conflits
  • La paix, fondement d’un développement durable

Conditions de soumission

La revue Adilaaku publie exclusivement en langue française, mais peut exceptionnellement admettre des textes en anglais ou en d’autres langues si elle dispose d’une ressource humaine circonstancielle pour les évaluer et les réviser. Elle pratique l’évaluation par les pair-e-s (peer-review) et dispose d’une politique antiplagiat arrimée à celle du Grenier des savoirs. Les résumés ainsi que les textes définitifs seront exclusivement soumis en ligne à l’adresse suivante : https://www.revues.scienceafrique.org/formulaire/

Avant l’envoi des textes définitifs, les auteurs et autrices sont prié-e-s de télécharger la feuille de style et de respecter scrupuleusement les normes de présentation qu’ils ou elles trouveront à cette adresse :

https://www.revues.scienceafrique.org/adilaaku/politiques/instruction-aux-auteurs-et-aux-autrices/

Calendrier

Ouverture de l’appel : 3 février 2020

Date limite de réception des résumés (en ligne uniquement) : 27 avril 2020

Réponse aux auteurs et autrices après évaluation de la proposition : 20 mai 2020

Réception des textes complets (en ligne uniquement) : 20 août 2020

Publication du volume : 30 novembre 2020

Comité de rédaction

Comité scientifique

Références

Aaron, Raymond. 1962. Paix et guerre entre les nations. Paris : Calmann Levy.

Badie, Bertrand. 2013. La fin des territoires. Paris : CNRS Éditions

Badie, Bertrand. 2016. Guerres d’hier et d’aujourd’hui. Dans Badie, Bertrand et Vidal, Dominique, Nouvelles guerres. Comprendre les conflits au XXIe siècle (p. 11-25). Paris : La Découverte.

Biya, Paul. 2017. Extrait de la déclaration prononcée lors de la 72ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, New York, 13 septembre – 24 décembre, p. 2.

Braudel, Fernand. 1999. La Méditerranée. L’espace et l’histoire. Paris : Flammarion.

Terré, F. 2015. Introduction générale au droit (10ème édition). Paris : Dalloz.

Mbembe, Achille. 2016. Politiques de l’inimitié. Paris : La Découverte.

Scelle, Georges. 1958. Obsession du territoire. Essai d’étude réaliste du droit international. Dans Symboloe Verzigl (p. 347-361). La Haye : La Hague.

Gwiazdzinski, Luc. 2012. Temps et territoires : les pistes de l’hyperchronie. Territoires 2040 : revue d’études et de prospective (p.75-97). Documentation française, DATAR. ⟨halshs-00809369⟩

Licence

La revue Adilaaku. Droit, politique et société en Afrique est sous licence Creative Commons CC BY-SA 4.0, disponible en ligne, en format PDF et, dans certains contextes, en version imprimée.

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